: Infographies Quels sont les députés d'opposition réélus les plus "Macron-compatibles" à l'Assemblée nationale ?
Une centaine de députés d'opposition sortants ont été réélus. Franceinfo a examiné leurs votes au cours du premier quinquennat d'Emmanuel Macron pour voir s'ils étaient susceptibles de lui apporter une majorité absolue.
"Il faudra bâtir des compromis." Au cours de son allocution télévisée, mercredi 22 juin, Emmanuel Macron a été clair sur la méthode avec laquelle il entend gouverner. Faute d'avoir obtenu une majorité absolue aux élections législatives, le président de la République va en effet devoir composer avec ses oppositions – de droite comme de gauche – pour faire adopter ses réformes à l'Assemblée nationale.
A elle seule, la majorité présidentielle – toute relative – compte quelque 250 députés, au sein des groupes Renaissance (ex-La République en marche), MoDem et Horizons. Il lui manque donc 39 voix pour disposer d'une majorité absolue. A la recherche de soutiens, la Première ministre Elisabeth Borne poursuit d'ailleurs ses consultations auprès des dirigeants des groupes parlementaires.
Sur quels députés d'opposition l'exécutif pourrait-il s'appuyer ? Franceinfo a tenté de mesurer le potentiel de "Macron-compatibilité" de 111 députés d'opposition qui ont été réélus. Chaque parlementaire est classé en fonction de son pourcentage de votes en faveur de textes présentés par le gouvernement au cours du premier quinquennat d'Emmanuel Macron.
Les alliés les plus fréquents
Un petit groupe de moins d'une dizaine de députés – en majorité divers droite – se dégage. Au cours de la précédente législature, tous ont voté plus d'une fois sur trois en faveur des projets de loi présentés par le gouvernement.
Avec plus de 80% de votes favorables à la politique du chef de l'Etat, Jean-Luc Warsmann est de très loin l'élu le plus "Macron-compatible" en dehors de la majorité présidentielle. Cet ancien des Républicains a même voté la confiance aux gouvernements d'Edouard Philippe et de Jean Castex. Pas question pour autant de rentrer dans les rangs des "marcheurs".
"Je suis indépendant. J'ai ma liberté. Je ne dépends de personne."
Jean-Luc Warsmann, député des Ardennesà franceinfo
Pour son sixième mandat, l'élu divers droite attend des gages. "Nous devons éviter ce que nous avons vu ces dernières années, à savoir des projets de loi rédigés dans les ministères sur lesquels les parlementaires n'avaient que quelques jours pour travailler", prévient-il.
Le député Pierre Morel-À-L'Huissier, membre de LR mais investi par l'UDI aux législatives, entend lui aussi profiter des nouveaux équilibres politiques. "On nous donne la possibilité de peser avec la majorité parlementaire, on ne va pas s'en priver", explique l'élu. Au cours des cinq années écoulées, le député de Lozère a voté près d'une fois sur deux en faveur de la politique d'Emmanuel Macron.
"Je vais continuer sur la même posture, sans dogmatisme, mais maintenant, avec peut-être un peu plus de rigidité dans mon comportement."
Pierre Morel-À-L'Huissier, député de Lozèreà franceinfo
Pour leur nouveau mandat, Pierre Morel-À-L'Huissier et Jean-Luc Warsmann ont choisi de siéger au sein d'un nouveau groupe baptisé Libertés Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT). Ils entendent jouer les faiseurs de majorité. "Nous pourrons constituer un vivier intéressant pour le président, mais avec des députés qui ne sont pas dociles", souligne Pierre Morel-À-L'Huissier.
Les alliés occasionnels
Parmi les députés d'opposition réélus, une vingtaine ont voté plus d'une fois sur quatre en faveur de textes présentés par le gouvernement, au cours du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. On retrouve dans ce groupe quelques socialistes et un grand nombre d'élus LR.
Député de la Manche, Philippe Gosselin a fait ses propres calculs. "Lorsque je prends l'ensemble des textes que j'ai votés, j'arrive à 40%", corrige l'élu des Républicains, alors que franceinfo ne lui attribue que 28% de votes favorables à la précédente majorité présidentielle, en ne prenant en compte que les scrutins solennels auxquels tous les députés sont conviés pour le vote. "Mon état d'esprit, c'est celui d'une opposition constructive, explique-t-il. Nous ne sommes pas là pour semer le chaos et mettre de l'huile sur le feu."
Catholique pratiquant, Philippe Gosselin a voté contre le projet de loi de bioéthique, qui a ouvert la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Mais il reconnaît des rapprochements possibles sur d'autres sujets, comme l'économie.
"Nous pourrons nous retrouver sur la réforme des retraites mais aussi sur la question de la santé."
Philippe Gosselin, député de la Mancheà franceinfo
Ce refus d'une opposition à tout prix est également partagé par Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste. En tant que député de Seine-et-Marne, il a voté une fois sur quatre en faveur de textes gouvernementaux. "Je vote en fonction de ce que je crois être dans l'intérêt de ceux que je représente. Je continuerai à le faire", précise-t-il à franceinfo. Et d'ajouter : "Ça ne donne quitus de rien et n'implique aucune alliance."
Les alliés exceptionnels
Pour une quarantaine de députés d'opposition réélus, les votes en faveur des textes présentés par le gouvernement au cours de la précédente législature ont en revanche été beaucoup plus rares. Ils ont représenté moins d'un vote solennel sur quatre. Ce groupe est une fois de plus composé en majorité d'élus de droite, mais compte également des socialistes et des élus du Rassemblement national (RN).
Olivier Marleix, qui vient d'être élu président du groupe des députés LR, n'a voté qu'un peu plus de deux fois sur dix en faveur des textes gouvernementaux entre 2017 et 2022. Il a par exemple approuvé la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 en mars 2020. Interviewé par Le Journal du dimanche, fin juin, il a prévenu qu'il n'entendait "pas servir de béquille au pouvoir". L'élu d'Eure-et-Loir ne semblait pas décidé à donner un blanc-seing à la Première ministre.
"Nous sommes un groupe d'opposition sans ambiguïté."
Olivier Marleix, député d'Eure-et-Loirdans "Le Journal du dimanche"
Cette position de fermeté vis-à-vis de l'exécutif est également partagée par Valérie Rabault, patronne du groupe socialiste dans la précédente Assemblée, qui a par exemple voté oui à la loi pour la confiance dans la vie publique. Interrogée par franceinfo sur ses quelques votes en faveur de la politique d'Emmanuel Macron, la députée du Tarn-et-Garonne répond que ces votes étaient purement "pragmatiques". Elle a affirmé qu'elle n'entendait pas changer de posture pour ce nouveau mandat.
A l'inverse, le RN, désormais fort d'un groupe de 89 députés à l'Assemblée, se montre moins réfractaire à l'idée d'une plus grande coopération avec le gouvernement. "Nous n'allons pas être dans une opposition systématique", annonce Bruno Bilde.
"Si un texte qui nous convient a besoin de nos voix, nous n'hésiterons pas."
Bruno Bilde, député du Pas-de-Calais
L'élu d'extrême droite a certes voté pour le premier volet de mesures contre le Covid-19, mais contre le suivant, qu'il jugeait liberticide. "Le débat parlementaire n'existait pas jusqu'à présent. Nos amendements étaient tous rejetés sans motivation avec une forme de suffisance et d'arrogance", regrette l'élu d'extrême droite. Mais l'absence de majorité absolue change la donne.
Les irréconciliables
Pour une vingtaine de députés d'opposition réélus enfin, voter en faveur de textes présentés par le gouvernement a été rarissime au cours de la précédente législature. Ces parlementaires – membres du Parti communiste et La France insoumise à une écrasante majorité – ont voté moins d'une fois sur dix pour des projets de loi issus de la majorité. Leur opposition quasi-systématique a même pu relever de l'obstruction, comme en février 2020, lorsque les députés "insoumis" et communistes ont déposé des dizaines de milliers d'amendements sur la réforme des retraites.
"Nous avons été dans une opposition frontale par conviction", explique Ugo Bernalicis, député de La France insoumise, réélu dans le Pas-de-Calais. Et de poursuivre : "On ne va pas changer de vision politique."
"Nous étions d'autant plus dans une opposition frontale qu'il n'y avait pas de discussion possible. Or là, le message qui nous est envoyé, c'est : 'Circulez, il n'y a rien à voir'."
Ugo Bernalicis, député du Nordà franceinfo
Même ligne de conduite de la part d'Elsa Faucillon, la députée communiste des Hauts-de-Seine, qui se veut dans une "opposition résolue". Elle a certes voté pour la loi de bioéthique, mais uniquement parce qu'elle portait également ce combat. "La Nupes a fait campagne en opposition avec la politique d'Emmnanuel Macron. Et cette opposition ne changera pas sur tout ce qui sera dans la même lignée que la politique menée par le président ces dernières années", résume l'élue. Elsa Faucillon espère toutefois "que l'initiative parlementaire des oppositions soit plus grande", compte tenu de l'absence de majorité absolue des macronistes.
Méthodologie :
Le score de chaque député correspond à son pourcentage de votes en faveur des projets de loi présentés par le gouvernement pendant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Seuls les résultats des scrutins publics dits "solennels" ayant porté sur des projets de loi dans leur ensemble ont été retenus. Presque tous les députés sont présents à ces occasions, contrairement aux autres scrutins publics, dits "ordinaires". Au total, le corpus de résultats étudiés compte 86 scrutins solennels qui s'étalent du 13 juillet 2017 au 4 janvier 2022.
Trois députés font exception : Aurélien Taché, Hubert Julien-Laferrière et Paul Molac qui ont quitté le groupe LREM en cours de mandat. Pour ces trois élus, seuls les scrutins solennels postérieurs à leur départ de LREM ont été pris en compte.
Une dizaine de députés ont aussi été écartés, car ils n'ont pas exercé leur mandat pendant la totalité de la législature. Il s'agit de Jean-Louis Thiériot (LR), Nicolas Meizonnet (RN), Claudia Rouaux (PS), Nathalie Serre (LR), Philippe Naillet (PS), Isabelle Santiago (PS), Gérard Leseul (PS), Anne-Laure Blin (LR), Chantal Jourdan (PS) et Jean-Luc Bourgeaux (LR). Eux n'étaient pas député pour au moins 10 des 86 scrutins étudiés (soit plus de 10%).
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