Nicolas Sarkozy cherche-t-il à séduire les électeurs du FN ?
A l'issue d'une semaine politique électrisée, François Delapierre, le directeur de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, fait le point sur la tournure que prend la campagne présidentielle.
Propos du ministre de l'intérieur, Claude Guéant, sur une inégalité présupposée des civilisations, annonce de possibles référendums sur les obligations des chômeurs et le droit des étrangers et réaffirmation des "valeurs" de la République par le bientôt candidat, Nicolas Sarkozy, la campagne est entrée dans une nouvelle séquence.
Faut-il y voir une simple accélération du calendrier ? Ou s'agit-il d'une stratégie ?
François Delapierre, conseiller régional d'Ile-de-France et directeur de campagne du candidat du Front de Gauche, livre son interprétation.
Comment analysez-vous les événements politiques de la semaine ?
François Delapierre - Il y a une offensive de la part Nicolas Sarkozy et de son entourage immédiat pour essayer d'amener le débat sur les thèmes qui leur semblent les plus favorables.
Jusqu'à présent, les questions sociales et de la désindustrialisation occupaient pas mal de place dans cette campagne à la différence de la précédente.
Nicolas Sarkozy met en œuvre une stratégie qui, par la surenchère, les provocations à répétition, essaye de ramener l'élection sur ce que l'extrême droite à la fin des années 70, les inspirateurs du Front national (FN), appelaient les trois "i" : identité, insécurité, immigration.
Pour moi, c'est clair, ils ont intégré l'hypothèse où Marine Le Pen ne serait pas candidate et ils ont l'ambition de la remplacer, d'apparaître comme étant les meilleurs défenseurs des thèses du Front national afin que son électorat se porte sur Nicolas Sarkozy dès le premier tour.
C'est la ligne sur laquelle la droite va essayer de faire campagne, en tous les cas, ceux qui se reconnaissent derrière Nicolas Sarkozy.
Pensez-vous que la droite peut prendre le risque de voir Marine Le Pen exclue de l'élection présidentielle ?
Oui. Ils estiment que c'est une chance pour eux, et d'ailleurs les sondages leur donnent raison. Ils ont la conviction qu'une partie de l'électorat du Front national peut voter pour Nicolas Sarkozy dans la mesure où il a affirmé beaucoup de convergences avec le FN.
En levant la digue entre la droite classique et le Front national, ils légitiment les thèses du FN.
Par ailleurs, on sait qu'à la dernière élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen avait déposé 507 signatures, sept de plus que la barre des 500. Et on commence à savoir maintenant, que beaucoup de signatures avait été rendues possible par l'UMP.
Aujourd'hui, l'UMP estime que la présence du FN la dessert et la menace d'être éliminée surtout si Nicolas Sarkozy continue à dévisser dans les sondages. Ils ont donc fait un autre choix.
C'est assez lamentable parce que cela montre comment on peut manipuler des élections à travers la barrière des 500 signatures et parce que cela se traduit par une espèce de surenchère de déclaration dans le sens des thèses d'extrême droite.
Cela vous contraint-il à hausser le ton ?
Nous avons un parler tranchant. C'est notre singularité. Nous posons les problèmes et les diagnostics sans fioriture.
Mais on ne peut pas comparer nos expressions. Nous, nous suscitons des controverses avec l'idée que chacun doit se déterminer et se faire son opinion. Nous cherchons à provoquer cette implication populaire, cette politisation dans l'électorat.
La stratégie de Nicolas Sarkozy est tout à fait différente. Elle consiste à mettre au pilori régulièrement des catégories de la population pour empêcher la discussion sur les questions essentielles. Pendant qu'on parle des immigrés, on ne parle pas du traité européen que M. Sarkozy est en train de préparer avec Mme Merkel.
C'est incroyablement paradoxal de le voir défendre le référendum sur des questions secondaires et sur lesquelles il a légiféré tant qu'il pouvait pendant cette mandature, alors qu'il a refusé, et continue à refuser, des référendums sur des sujets qui le mériteraient : le nucléaire qui engage plusieurs générations ou les traités européens.
Sa volonté n'est pas que le débat ait lieu. Sa volonté est au contraire de créer de la confusion, une tension et d'imposer dans le débat politique des questions que ne se posent pas aujourd'hui les Français.
Quelle est votre stratégie dans cette campagne ?
Nous pensons que les Français sont suffisamment intelligents, pour peu qu'on les respecte, pour se saisir des questions politiques réelles, difficiles, comme en 2005 au moment du référendum.
Nous construisons une campagne d'éducation populaire en nous adressant à l'intelligence des gens.
Lors les meetings, on prend le temps d'expliquer, par exemple le contenu des traités européens ou le changement de la place de la loi et du contrat que Nicolas Sarkozy avait annoncé dans son émission multi-télévisée récente, et qui n'a fait l'objet, quasiment, d'aucun commentaire.
Nous allons continuer car nous pensons que les Français ne sont pas stupides, qu'ils perçoivent bien la dimension de diversion dans les initiatives du président de la République et qu'ils ne se laisseront pas enfumer par des débats secondaires.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.