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Les élus du Palais-Bourbon ont rejeté mardi la création d'une sanction pénale les visant, en cas de fraude fiscale

A coup sûr, cet épisode laissera des traces. Dans l'opinion publique d'abord. Et chez les parlementaires aussi, de gauche comme de droite.Mardi, au terme d'un débat houleux, les députés ont adopté un amendement les excluant du droit commun en cas d'omission délibérée sur des éléments de leurs patrimoines.
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
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Le patron des députés UMP Christian Jacob (d) et Philippe Briand (Indre-et-Loire) à l'Assemblée, le 21/12/2010. (AFP - Bertrand Guay)

A coup sûr, cet épisode laissera des traces. Dans l'opinion publique d'abord. Et chez les parlementaires aussi, de gauche comme de droite.

Mardi, au terme d'un débat houleux, les députés ont adopté un amendement les excluant du droit commun en cas d'omission délibérée sur des éléments de leurs patrimoines.

Retour sur un bras-de-fer
Alors que le 8 décembre dernier, une disposition avait été adoptée en commission des Lois, prévoyant que les députés qui auraient "omis sciemment" de déclarer une partie de leur patrimoine ou auraient fourni "une évaluation mensongère" seraient passibles d'une peine de deux ans de prison et de 30.000 euros d'amende, un amendement supprimant l'incrimination pénale a été validé lundi après-midi.

Ses plus ardents défenseurs ? Jean-François Copé et le nouveau patron des députés UMP Christian Jacob arguant qu'"il est inutile que la Commission devienne une sorte d'autorité judiciaire préalable ou une juridiction de fait, dotée de pouvoirs d'investigation" et que la nouvelle incrimination pénale prévue par la disposition adoptée en Commission "n'a pas lieu d'être".

Premier faux-pas de Christian Jacob ?

Mais cela ne suffisait pas. Christian Jacob voulait aller plus loin et supprimer les autres incriminations prévues, les 30.000 euros d'amende et la peine d'inéligibilité, mesures pourtant approuvées par la droite et la gauche en commission.

Face à la gronde de l'hémicyle, il a dû renoncer.

Pour éviter à M. Jacob "une humiliation", selon l'expression d'un député UMP, la majorité a concocté un "amendement de compromis": amende et inéligibilité sont maintenues mais pas la prison.

"C'est inadmissible! Je ne comprends pas que l'on adresse aujourd'hui ce signal à l'opinion publique!", s'est indigné le patron des députés Nouveau Centre (NC) François Sauvadet jugeant "particulièrement choquant(e)" la démarche Copé/Jacob.

Fillon botte en touche

Interpellé à deux reprises mardi à l'Assemblée, François Fillon a préféré garder le silence. Et passer le micro au ministre des Collectivités Philippe Richet.

Et pour cause, en juillet 2009, le Premier ministre s'était prononcé en faveur de la mesure.

Réactions indignées à droite...

L'occasion était trop belle. Rival de Jean-François Copé, l'ancien patron de l'UMP, Xavier Bertrand n'a pas raté l'occasion d'épingler le nouveau secrétaire général de l'UMP, jugeant "incompréhensible" l'initiative Copé-Jacob. "Les députés ont eu raison de ne pas (les) suivre", a-t-il déclaré à en marge d'un déplacement à Avignon avec Nicolas Sarkozy.

"On ne peut pas abîmer la démocratie ainsi, sauf à vouloir l'élection de Marine Le Pen". Particulièrement remonté, le président de Debout la République Nicolas Dupont-Aignan avait du mal à cacher sa colère mardi à l'issue des débats. Cohérent pour ce chantre de la "République des droits et des devoirs" qui reproche régulièrement aux membres de l'UMP et PS de s"occuper "davantage de leurs problèmes et de leurs intérêts que de ceux des Français".

Même tonalité du côté du député Nouveau Centre Charles de Courson : "On va encore dire que les députés veulent se protéger... Ce n'est pas sain pour la démocratie. C'est un cadeau formidable fait au Front national et à ceux qui pensent que la classe politique est pourrie !", déclare l'élu de la Marne dans une interview au Parisien-Aujourd'hui en France mercredi.

... et à gauche
Le président du groupe PS à l'Assemblée s'est interrogé mardi sur les motivations du secrétaire général de l'UMP : "Pour quelles raisons étranges à chaque fois qu'il s'agit de la transparence, M. Copé est à la manoeuvre ? On pourrait parler des conflits d'intérêts. Là, il s'agit des parlementaires. Tout cela est délétère", a déclaré Jean-Marc Ayrault.

"Les dix dernières années ont été d'une très grande productivité pour les sanctions pénales en tous genres", a relevé de son côté le député socialiste Arnaud Montebourg sur Europe1.

"Imposer à la population une pression permanente dans la sanction pénale et s'en exonérer soi-même lorsqu'on est un élu est une faute politique", a-t-il ajouté. "Les élus doivent accepter qu'il y ait un regard indépendant sur la façon dont ils financent leurs activités, y compris leur patrimoine, parce que la corruption ça existe" et qu'"il y a un certain nombre d'élus qui vendent leur pouvoir", a expliqué l'élu de Saône-et-Loire.

Il faut "des gendarmes et des radars sur les routes" mais "aussi dans la vie publique", a-t-il résumé.

Pour l'heure, il semble qu'il soit plus aisé d'encadrer sur la voie chaussée que dans l'enceinte de l'Assemblée.

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