Le chef de l'Etat a renouvelé mercredi "toute sa confiance" à Eric Woerth pour "mener la réforme des retraites"
Mise au point faite alors que le ministre du Travail se trouve en pleine tourmente, confronté à des accusations de conflit d'intérêts dans l'affaire Liliane Bettencourt.
Mardi, Eric Woerth a exclu de démissionner et a reçu le soutien appuyé du Premier ministre qui a dénoncé devant les députés des "calomnies" et un "procès instruit sur des rumeurs".
Le ministre du Travail est au coeur d'une polémique après la révélation par Mediapart d'enregistrements clandestins où reviennent son nom et celui de son épouse, salariée depuis 2007 de Clymène qui gère la fortune de Liliane Bettencourt.
La situation d'Eric Woerth, accusé de conflit d'intérêts dans l'affaire Bettencourt, est devenue encore plus délicate mercredi à la suite de la révélation de ses liens avec le gestionnaire de fortune de l'héritière de l'Oréal. L'actuel ministre du Travail a, lorsqu'il était au Budget, remis la Légion d'honneur à Patrice de Maistre, dont la patronne, Liliane Bettencourt, a reconnu lundi posséder des comptes bancaires à l'étranger.
Mercredi, lors des questions au gouvernement, la garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie a déclaré qu'aucune démarche judiciaire pour fraude fiscale ne saurait être engagée par ses services dans le cadre de l'affaire Woerth. "La justice ne peut s'autosaisir en matière de justice fiscale", a-t-elle dit lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale, en réponse au député PS Jean-Marc Ayrault qui réclamait l'ouverture d'une information judiciaire sur une éventuelle fraude fiscale de l'héritière de L'Oréal.
De son côté, l'épouse du ministre, Florence Woerth, va porter plainte contre Eva Joly, selon son mari, l'actuel ministre du Travail. Une plainte qui fait suite aux accusations lancées par l'eurodéputée dans l'affaire Bettencourt. Eric Woerth, qui a occupé le poste de ministre du Budget (mai 2007-mars 2010) et à ce titre a été chargé de la lutte contre l'évasion fiscale, a lui-même annoncé lundi que son épouse quitterait ses fonctions "dans les prochains jours". Les révélations "ne m'autorisent pas à rester", a confirmé Florence Woerth, dans un entretien à Europe 1, niant avoir eu connaissance des soupçons d'évasion fiscale.
Eva Joly persiste et signe
Mercredi, Eva Joly (Europe Ecologie) a persisté dans ses accusations de fraude et jugé que "la position" d'Eric Woerth mis en cause pour "conflit d'intérêts" dans l'affaire Bettencourt, était "intenable" et que le Premier ministre devrait procéder à "un remaniement". "Lorsqu'on passe trois minutes à regarder les chiffres, et c'est un calcul que tout le monde peut faire, 16 milliards de fortune (celle de de Mme Bettencourtn ndlr) et 40 millions d'impôts en moyenne par an, on voit bien que cela ne colle pas", a-t-elle expliqué en reprenant des chiffres fournis par la milliardaire. "Même un élève de troisième se serait rendu compte qu'il y avait un mystère dans la gestion de la fortune de Liliane Bettencourt, alors a fortiori lorsqu'on est Mme Woerth , femme de ministre qui a fait HEC et a vingt ans d'expérience de gestion du patrimoine", a-t-elle ajouté en appelant aux lancements d'enquêtes "pour élucider ce mystère".
Critiques au PS et dans la majorité
Mais des voix continuent à dénoncer l'existence d'un conflit d'intérêts. La démission de Mme Woerth "est peut être la preuve qu'(elle) ne se sent pas si vertueuse que cela" et "le fait que Mme Bettencourt ait rapatrié ses avoirs est la preuve que cette affaire mériterait quelques investigations", a lancé mardi le député Arnaud Montebourg, le plus offensif au PS dans cette affaire. "Un procureur de pacotille", a protesté Eric Woerth.
Mercredi, le député Vert Noël Mamère a dénoncé "une crise des élites", "morale et politique", en évoquant pêle-mêle les "affaires", dont "l'affaire Bettencourt qui devient une
affaire Woerth et qui peut-être va devenir une affaire Sarkozy", ou encore l'équipe de France de football, estimant que la était une "anecdote".
Dans la soirée de mardi, le Bureau national (direction) du PS a demandé à Nicolas Sarkozy de "faire toute la lumière", jugeant "urgent de mettre fin aux doutes", notamment sur les dons reçus de Mme Bettencourt par l'UMP, dont Eric Woerth est le trésorier.
Des critiques ont émané également de la majorité. Pour le député UMP Jean-Pierre Grand (villepiniste), l'entrée de Mme Woerth chez Clymène "veut dire que Mme Bettencourt avait embauché le ministre du Budget". François Sauvadet (Nouveau centre) a jugé que la question du conflit d'intérêts "se pose" dans cette affaire.
Enfin, la vice-présidente du FN Marine Le Pen a estimé mercredi, à propos de la série d'affaires touchant des membres du gouvernement, qu'il y avait "une ambiance générale de fin de règne" où "chacun n'a qu'une seule idée: améliorer sa situation personnelle".
Florence Woerth travaille depuis 2007 pour Liliane Bettencourt
Florence Woerth occupe depuis 2007 les fonctions de directrice des investissements de la société, baptisée "Clymène", qui effectue les placements de l'héritière de L'Oréal, laquelle a fait savoir qu'elle désirait régulariser sa situation avec le fisc. Le nom de Florence Woerth ainsi que celui de son époux, est cité dans de l'ex-majordome de Liliane Bettencourt dont des extraits ont été diffusés par la presse.
La publication - écrite et audio - par le site Mediapart de conversations entre Liliane Bettencourt, 87 ans, et son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, entre mai 2009 et mai 2010 suggère des interventions de l'entourage de Nicolas Sarkozy en faveur de l'héritière de L'Oréal dans le procès qui l'oppose à sa fille, ainsi que des dons à des personnalités de l'UMP, dont Eric Woerth, qui est trésorier du parti majoritaire. Les enregistrements suggèrent également des opérations d'évasion fiscale au bénéfice de Liliane Bettencourt.
Par ailleurs, Eric Woerth a remis la légion d'honneur à Patrice de Maistre lorsqu'il était au ministère du Budget, a révélé mercredi Le Point sur son site internet. Florence Woerth, épouse de l'actuel ministre du Travail, a été embauchée en novembre 2007 par Patrice de Maistre.
Mme Bettencourt veut régulariser sa situation avec le fisc
L'héritière de L'Oréal a annoncé lundi sa décision de régulariser l'ensemble de ses avoirs qui seraient encore à l'étranger après les révélations sur de possibles évasions fiscales. "J'ai décidé de faire procéder à la régularisation de l'ensemble des avoirs familiaux qui seraient encore aujourd'hui à l'étranger, en collaboration avec l'administration fiscale française", a-t-elle déclaré-t-elle dans un communiqué.
Liliane Bettencourt précise qu'il s'agit d'un compte ancien qu'elle possédait en Suisse et qu'elle a "transféré sur un contrat d'assurance-vie au bénéfice" de l'un de ses petits-fils.
Selon des enregistrements clandestins de conversations entre Mme Bettencourt et son entourage, la milliardaire dispose de deux comptes bancaires non déclarés en Suisse pour un montant de près de 80 millions d'euros.
Dans l'un des extraits, daté du 27 octobre 2009, publié par Mediapart, le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, Patrick de Maistre, lui déclare: "Il faut qu'on arrange les choses avec vos comptes en Suisse. Il ne faut pas que l'on se fasse prendre avant Noël." D'après cette conversation enregistrée par le maître d'hôtel de Mme Bettencourt, l'un des comptes "est de 12 ou 13 millions" d'euros, et l'autre de "65 millions d'euros".
Selon Mediapart, l'hebdomadaire Le Point et le quotidien Libération, la femme la plus riche de France serait également la propriétaire de l'île seychelloise d'Arros, qu'elle n'aurait toutefois pas déclarée au fisc français. "En tant que grande fortune française, j'ai toujours souhaité être domiciliée en France et y payer mes impôts", assure Liliane Bettencourt dans son communiqué. "Les écoutes illicites et odieuses qui exposent ma vie privée et pourraient porter atteinte à l'ensemble de mes collaborateurs et conseils, ne m'empêcheront pas de poursuivre personnellement la gestion de mes affaires."
Une enquête préliminaire du parquet de Nanterre pour "atteinte à la vie privée" a été ouverte en début de semaine dernière après la découverte de ces enregistrements, qui mettent au jour des opérations financières pour échapper au fisc.
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