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Recours à des cabinets de conseil : McKinsey, principal prestataire de l'État, pointé dans un rapport du Sénat

Selon un rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence des cabinets de conseil dans la mandature actuelle, rendu public jeudi, le cabinet McKinsey est notamment très sollicité par l'État, y compris pour des travaux qui ne font l'objet d'aucune suite.

Article rédigé par Benjamin Mathieu
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le Sénat, le 1er mars 2022.  (BERTRAND GUAY / AFP)

Un rapport volumineux de 361 pages, après avoir entendu 47 personnes sous serment et analysé plus de 7 000 documents : voilà ce qu'a livré, jeudi 17 mars, la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence des cabinets de conseil pendant la mandature d'Emmanuel Macron.  Ses conclusions sont sans appel : les dépenses de conseil ont doublé depuis 2018, atteignant un coût estimé à 894 millions d'euros en 2021. 

L'ampleur du phénomène surprend Arnaud Bazin, sénateur Les Républicains du Val-d'Oise et président de cette commission d'enquête. "Le phénomène est tentaculaire, constate-t-il. On retrouve, dans l'ensemble des politiques de l'État, l'intervention de ces cabinets de conseil de façon exponentielle." Pour la rapporteuse du rapport, ce phénomène éclaire l'action de l'actuel gouvernement. "Ils installent leur logique de réduction du nombre de fonctionnaires, qui peuvent être remplacés par des cabinets privés, peu importe si cela coûte un pognon de dingue", tacle Éliane Assassi, sénatrice communiste de Seine-Saint-Denis, faisant référence à une petite phrase d'Emmanuel Macron qui évoquait à l'époque les minima sociaux.

L'élue a livré un véritable réquisitoire contre la place que ces cabinets de conseil occupent dans les politiques publiques de la mandature d'Emmanuel Macron. "Il s'agit pourtant d'argent public. Et encore, nous n'avons qu'une estimation minimale [de l'argent dépensé] car nous n'avons interrogé qu'environ 10% d'agences de l'État." Elle évoque une "intrusion en profondeur du secteur privé dans la sphère publique", qui participe au rabaissement de ceux qui travaillent dans les administrations françaises. 

Le cabinet McKinsey particulièrement visé

Par ses travaux, la commission souhaite révéler un système et démontrer que les cabinets ont particulièrement été sollicités pendant la crise sanitaire liée au Covid-19. Elle pointe notamment McKinsey, qualifié de "clef de voûte de la politique vaccinale" du gouvernement ou d'Accenture, "architecte du pass vaccinal". Le cabinet McKinsey est d'ailleurs particulièrement visé par les travaux des élus. Avec plus de 12 millions d'euros facturés pendant la crise sanitaire, il est celui qui est le plus utilisé par l'exécutif. Or, les sénateurs ont découvert qu'il pratique l'optimisation fiscale. 

"Le cabinet McKinsey n'a pas payé l'impôt sur les sociétés en France depuis au moins dix ans alors que son chiffre d'affaires sur le territoire national atteint 329 millions d'euros en 2020, dont environ 5% dans le secteur public."

Éliane Assassi, sénatrice communiste et rapporteuse de la commission d'enquête sur les cabinets de conseil

à franceinfo

Ces faits vont donner suite à une enquête judiciaire. Les sénateurs dénoncent aussi des prestations payées mais qui ne font l’objet d’aucune suite. Cela a par exemple été le cas pour un rapport McKinsey destiné à préparer la réforme des retraites, finalement reportée. "On sait qu'il y a un power point et un petit carnet de 50 pages. Pour une prestation à 950 000 euros, ça fait cher la page", dénonce Éliane Assassi, qui interroge : "Où est le rapport ?" Un autre rapport McKinsey sur le métier d'enseignant - facturé près de 500 000 euros - ne débouchera pas sur la mission prévue. Malgré leur demande, les sénateurs n’ont pas pu consulter ces documents, alors qu'ils ont parfois été présentés en conseil de défense, renforçant ainsi le sentiment dénoncé dans ce rapport d’une grande opacité dans l’utilisation des fonds publics.

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