Cet article date de plus de six ans.

"Stupide", "impossible", "inutile"... La colère de ceux qui ont testé la route nationale à 80 km/h

Le gouvernement doit annoncer mardi la généralisation de la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires. Dans l'Yonne, une portion de la nationale 151 est déjà en test depuis plus de deux ans et ni les usagers ni les riverains ne sont convaincus.

Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue - Edité par Alexandra du Boucheron
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jean-Claude Denos, maire de Courson-les-Carrières (Yonne), en janvier 2018. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Les 400 000 kilomètres de réseau secondaire français vont-ils passer de 90 à 80 km/h ? La mesure, parmi d'autres pour enrayer la hausse du nombre de morts sur les routes depuis 2014, doit être officialisée mardi 9 janvier 2018 lors d'un Conseil interministériel de sécurité routière.

Cette limitation de vitesse est déjà expérimentée depuis le 1er juillet 2015 sur trois tronçons dangereux dans quatre départements. Les autorités n'ont pas encore publié les résultats de cette expérience, mais la plupart des automobilistes rencontrés dans l'Yonne sur l'un de ces tronçons-test -celui de la N 151- sont opposés à ce passage à 80 km/h. 

Retours négatifs des usagers d'une route à 80km/h dans l'Yonne - un reportage de Sandrine Etoa-Andegue

Le tronçon de la route nationale 151 concerné s'étend sur 50 km entre Auxerre dans l'Yonne et Varzy dans la Nièvre. Il passe par Courson-les-Carrières, paisible commune de 1 000 habitants en pleine campagne, à 25 km d'Auxerre. Officiellement, l'expérimentation devait prendre fin le 1er juillet 2017 mais les panneaux "80" sont toujours plantés le long de la route. Le maire de la commune, Jean-Claude Denos, ne les supporte plus. 

Au bout de quelques minutes à bord de son vieux 4x4, Jean-Claude Denos commence à pester. "Il faut tout le temps être le nez sur les compteur. Il y a des voitures qui me collent", s'agace-t-il avant d'en montrer une qui s'apprête à le dépasser. "Voilà : là il va doubler ! Et bien souvent, ils doublent sur les lignes blanches continues. C'est tout le temps comme ça. 80 c'est stupide ! Les gens ont tellement peur de se faire verbaliser qu'ils prennent des routes secondaires."

Suspicion autour des chiffres

Selon le maire, "il y a beaucoup plus d'accidents sur les routes secondaires". Une affirmation confirmée par Christian Moisset, le gérant du garage du Coursonnais à Courson-les-Carrières. Il s'occupe notamment des remorquages sur la portion-test de la nationale. Pointant l'une des voitures en réparation, "un choc face-à-face" après "un tonneau sur la nationale", le garagiste doute de l'intérêt d'abaisser la vitesse à 80 km/h.

Je ne pense vraiment pas que baisser de 10 km/h changera le nombre de sorties de route et le nombre de blessés.

Christian Moisset, garagiste à Courson-les-Carrières (Yonne)

à franceinfo

Surtout, Christian Moisset s'interroge sur les résultats des deux années d'expérimentation : "Si les chiffres avaient été dans le sens du gouvernement, je pense qu'il y a très longtemps qu'ils auraient été publiés", estime le garagiste. 

Danger pour les camions

Derrière sa maison, certains panneaux "80" ont été vandalisés la première année. "Soit ils étaient pliés, soit ils étaient scotchés ou peints avec un "9" à la place du "8", détaille l'épouse du garagiste Marie-Alettea avant de conclure par un trait d'humour : "On s'ennuie au volant à 80... On s'endormirait presque."

À la station-service, à un kilomètre du village, les chauffeurs de poids lourds qui déjeunent au comptoir sont unanimes, la nouvelle limitation de vitesse ne sert à rien, voire aggrave les choses comme l'explique l'un d'eux : "Nous, les camions on est à 80 sur cette route. Les gens ont un peu peur et ils sont plus à 75 qu'à 80. On est sur la même longueur d'onde avec les voitures, explique-t-il. Par contre, on est beaucoup plus gros, les distances de freinage ne sont pas les mêmes."

80 c'est impossible !

Un chauffeur de poids lourd

à franceinfo

Son voisin surenchérit : "Ça n'a rien changé, c'est même pire." Quant à la gérante de la station-service, Béatrice, elle confie que les habitués ont adopté la technique classique : "On ralentit au niveau du radar" pour ne pas "se faire gauler".

Dans le secteur, il y a eu sept accidents en 2016 contre neuf en 2017 selon les pompiers. En revanche, les excès de vitesse relevés par radar se sont multipliés.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.