"Je répondrai à l'intégralité des questions" : au premier jour du procès des assistants parlementaires du FN, Marine Le Pen affiche sa "sérénité"

Vingt-six personnes, dont le Rassemblement national comme personne morale, sont jugées à compter de lundi pour détournements de fonds publics européens, complicité et recel. Des peines d'inéligibilité sont encourues.
Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
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La députée du Rassemblement national, Marine Le Pen, au premier jour du procès des assistants parlementaires européens du FN, au tribunal judiciaire de Paris, le 30 septembre 2024. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)

Elle s'est avancée à la barre pour décliner son identité. "Marion" Le Pen, dite "Marine", "née le 5 août 1968 à Neuilly-sur-Seine". C'est le premier face-à-face entre la cheffe de file des députés du Rassemblement national (RN) et la présidente de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Bénédicte de Perthuis, lundi 30 septembre. Le procès des assistants parlementaires du Front national (l'ancêtre du RN) vient de s'ouvrir et la magistrate procède à l'appel des prévenus.

Dans cette affaire, Marine Le Pen est poursuivie pour détournements de fonds publics européens en tant qu'ancienne eurodéputée et pour complicité du même délit en tant qu'ex-présidente du parti d'extrême droite. Elle encourt, pour cela, dix ans de prison, 1 million d'euros d'amende et jusqu'à dix ans d'inéligibilité. "Je répondrai à l'intégralité des questions que le tribunal voudra bien me poser", se contente d'assurer, pour ce premier échange, la triple candidate à l'Elysée.

Avant l'ouverture de l'audience, Marine Le Pen s'était fendue d'une courte déclaration devant une forêt de micros et caméras. "J'aborde ce procès avec beaucoup de sérénité", a-t-elle lancé, avant de développer un peu plus sa ligne de défense et celle du parti, renvoyé devant la justice comme personne morale pour complicité et recel de détournements de fonds publics : "Nous n'avons violé aucune règle politique ni réglementaire du Parlement européen. Vous entendrez tous nos arguments, extrêmement sérieux." La députée, entourée de ses avocats, a ensuite coupé court aux questions des journalistes : "Je ne vais pas faire le procès avec vous dans le couloir."

Jean-Marie Le Pen et Jean-François Jalkh exemptés de procès

La justice reproche au parti, à ses cadres, élus et petites mains d'avoir "de manière concertée et délibérée" mis en place et entretenu un "système de détournement", entre 2004 et 2016, des enveloppes de 21 000 euros allouées chaque mois par l'Europe à chaque député pour rémunérer des assistants parlementaires. Ces derniers travaillaient en réalité, selon l'accusation, pour le Front national. Le Parlement européen, partie civile, a évalué son préjudice à 3 millions d'euros - contre 6,8 millions initialement. Et Marine Le Pen est présentée par les juges d'instruction comme "l'une des principales responsables" de ce système.

Son père, Jean-Marie Le Pen, était également renvoyé devant la justice. Mais le tribunal a acté la disjonction de son cas en raison de son état de santé. Selon les conclusions d'experts présentées lors d'une audience préliminaire en juillet, l'ancien président du parti à la flamme et eurodéputé, âgé de 96 ans, n'est pas "en état" d'être jugé en raison d'"une profonde détérioration de ses capacités physiques et psychologiques". Il en va de même pour l'ex-député européen Jean-François Jalkh, 67 ans, dont l'état de santé s'est dégradé depuis un accident vasculaire cérébral.

Elus, cadres historiques et garde du corps à la barre

Ce sont donc 26 prévenus – et non 28 – qui ont été appelés par la présidente pour s'entendre rappeler brièvement les charges qui pèsent contre eux. Outre quelques absents, dont les ex-eurodéputées frontistes Marie-Christine Boutonnet et Dominique Bilde et le maire de Perpignan Louis Aliot, élus et anciens élus, ainsi que leurs ex-assistants parlementaires et les comptables et trésoriers du parti à l'époque ont défilé à la barre. Parmi eux, l'actuel eurodéputé Nicolas Bay et son ancien assistant parlementaire Timothée Houssin, désormais député RN de l'Eure. Ou encore le député de l'Yonne Julien Odoul, poursuivi pour avoir été embauché comme assistant parlementaire de l'ex-eurodéputée Mylène Troszczynski alors qu'il était en réalité, selon l'accusation, conseiller spécial au sein du cabinet de Marine Le Pen.

Les quatre ex-assistants parlementaires européens de Marine Le Pen ont également répondu présent, à savoir l'actuelle eurodéputée RN Catherine Griset, Thierry Légier, le garde du corps historique de Jean-Marie Le Pen, Guillaume L'Huillier et Micheline Bruna, qui travaillaient également pour l'ancien président d'honneur du parti à l'époque des faits, respectivement comme directeur et cheffe de cabinet. Micheline Bruna comparaît également pour avoir été l'assistante parlementaire d'une autre figure historique du parti, l'ex-eurodéputé Bruno Gollnisch, qui a pris place lundi sur le banc des prévenus.

"Des économies importantes grâce au Parlement européen"

Du côté de ceux qui tenaient les cordons de la bourse pendant la période des faits reprochés, ont été appelés par la présidente le Belge Charles Van Houtte Belge, ex-comptable du FN, cheville ouvrière du parti au Parlement européen, et Wallerand de Saint-Just, ancien trésorier du parti. Parmi les éléments à charge saisis lors de perquisitions, figurent des échanges compromettants entre ce dernier et Marine Le Pen. "Nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen et si nous obtenons des reversements supplémentaires", lui écrivait-il en juin 2014.

L'ancien expert-comptable Nicolas Crochet, proche de Marine Le Pen, s'est pour sa part entendu rappeler son rôle présumé dans le "système centralisé de gestion des enveloppes de frais" des députés européens frontistes "en étant chargé, notamment, de rédiger les contrats de travail et bulletins de salaire des assistants parlementaires".

Une ligne de défense différente de celle du MoDem

Enfin, Jean-Paul Garraud, ancien magistrat et actuel député européen, s'est avancé pour représenter le Rassemblement national à cette audience. L'enjeu est de taille pour le parti, qui redoute une condamnation à une lourde amende, qui viendrait menacer le calendrier de son plan de désendettement. Depuis le début de cette affaire, les porte-voix du FN/RN dénoncent un "acharnement", voire une procédure "politique".

Dès ce premier jour d'audience, Marine Le Pen et ses coprévenus ont ainsi tracé une ligne de défense différente de celle du MoDem, jugé pour des faits de même nature fin 2023. Alors que les anciens assistants parlementaires centristes s'étaient défendu en assurant avoir bel et bien effectué un travail pour leurs députés européens, les cadres du parti d'extrême droite revendiquent la liberté d'employer ces assistants pour des activités politiques au bénéfice du parti. "C'est la liberté parlementaire. Nos assistants ont travaillé. Personne ne le remet en question. Le sujet, c'est quelle est la nature du travail", a glissé Marine Le Pen aux journalistes en marge d'une suspension d'audience. La députée, ancienne avocate de profession, compte bien "revenir régulièrement" dans cette salle d'audience pour se défendre : "Le sentiment d'injustice est moins fort en étant ici." Le procès doit durer deux mois.

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