Au procès des assistants parlementaires du FN, les souvenirs flous d'un ancien collaborateur de Marine Le Pen
"Mais c'est quoi votre métier ?" Face à l'un des anciens assistants parlementaires européens du Front national, la présidente de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris a de nouveau cherché à comprendre, mercredi 16 octobre, en quoi consistait son travail au quotidien. "Assistant parlementaire", répond Guillaume L'Huillier, l'un des 25 prévenus jugés depuis le 30 septembre. "Mais vous ne l'écrivez pas, relève la magistrate. Nulle part vous n'apparaissez comme assistant parlementaire... C'est honteux ?", insiste-t-elle. "Non", assure Guillaume L'Huillier, qui préférait le titre de directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen. "Cela permettait d'établir le contact avec la presse", complète le quadragénaire au crâne rasé, en veste bleue cintrée et jean foncé.
Renvoyé pour recel de détournements de fonds publics, Guillaume L'Huillier s'agace de devoir répondre aux mêmes questions du tribunal, une semaine pile après un premier interrogatoire en lien avec Bruno Gollnisch. Car entre 2004 et 2016, la période qui intéresse le tribunal, la justice lui reproche d'avoir signé un contrat d'assistant parlementaire de l'ancien eurodéputé FN, puis de Marine Le Pen, avant de revenir chez Bruno Gollnisch. Le tout en étant directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen.
"Je ne conserve rien, ni à charge ni à décharge !"
A partir de quand Guillaume L'Huillier a-t-il cumulé les deux fonctions ? A l'audience, il ne donne pas les mêmes dates qu'au cours de l'instruction. "Ce n'est tout de même pas un événement anodin", glisse Patrick Maisonneuve, l'avocat du Parlement européen. "J'avais souvenir que c'était 2009. Mais finalement, c'est plutôt 2011", répond-il mercredi. Et ce n'est qu'en 2015 qu'il apparaît sur l'organigramme du Front national. Entre-temps, Jean-Marie Le Pen est devenu président d'honneur du parti d'extrême droite. "Je n'ai jamais eu la fonction de directeur de cabinet, j'ai eu le titre de directeur de cabinet", nuance Guillaume L'Huillier à l'audience. Il insiste : "C'était uniquement pour les contacts presse, c'était un titre".
"Comment votre travail s'effectuait-il ?", interroge Patrick Maisonneuve. Le prévenu parle de "notes", de "courriers". Mais pendant l'enquête, il n'a pas fourni "d'éléments concrets" pour justifier son contrat d'assistant parlementaire de Marine Le Pen. "Vous n'avez rien gardé ? Même pas un quart de page, un post-it ?", insiste l'avocat du Parlement européen. "Non, pourquoi ?", répond-il d'une voix sourde, peu audible.
Patrick Maisonneuve renonce à poser d'autres questions. Mais le procureur, lui, reprend : "Lors des perquisitions chez vous, on a retrouvé deux ordinateurs, des clés USB et, rangé dans la cave, un disque dur… Donc on voit bien que vous êtes en capacité de garder des choses !" "Je vous dis que je ne conserve rien, ni à charge ni à décharge !, rétorque Guillaume L'Huillier. Tout ce que j'ai fait, c'est politique, c'est parlementaire. Et je n'ai jamais eu l'impression de faire quelque chose d'irrégulier", conclut-il.
"On est soumis à une présomption de culpabilité !"
Appelée à la barre pour apporter des "explications" au tribunal sur le contrat de Guillaume L'Huillier, Marine Le Pen est venue à la rescousse de son ancien assistant parlementaire. Elle relate d'abord l'avoir côtoyé lorsqu'il était assistant de groupe au conseil régional d'Ile-de-France et réalisait à ce titre "un travail important de suivi des travaux parlementaires". "Je l'avais vu à l'œuvre", déclare l'ancienne présidente du FN, devenu depuis 2018 Rassemblement national. "Il avait un sens politique très certain." Ainsi, à ses côtés, "il a fait un travail d'assistant parlementaire, il a fait un travail de conseil", décrit Marine Le Pen. "J'étais amenée à le rencontrer parce que j'habitais à Montretout", ce domaine perché sur les collines des Hauts-de-Seine, dont sa famille a hérité et devenu un lieu historique du parti d'extrême droite ainsi que la maison de Jean-Marie Le Pen.
C'est là que Guillaume L'Huillier travaillait principalement. Or, sur son contrat d'assistant parlementaire, l'adresse du siège du FN, à Nanterre, est mentionnée comme lieu de travail, avec la possibilité de se déplacer à Strasbourg et à Bruxelles, dans les locaux du Parlement européen. Un aspect qui n'a pas échappé à la présidente du tribunal, qui insiste sur l'importance du lieu d'exécution du contrat de travail. Marine Le Pen bondit : "Aujourd'hui, on me dit que s'ils sont chez moi, ce sont des indices graves et concordants ! Mais je les mets où, moi, mes assistants parlementaires ? Je les mets où ? Dans le fond du jardin, dans une cahute ?", s'emporte-t-elle, face à une présidente qui garde son calme. Bénédicte de Perthuis poursuit et lui demande pourquoi elle non plus ne peut pas produire de documents qui attesteraient du travail de Guillaume L'Huillier.
"Je vous ai déjà répondu, madame la présidente ! Si je gardais, je pourrais faire un château avec les tonnes de papiers que j'aurais conservés", tonne Marine Le Pen. L'ex-candidate à la présidentielle se lance ensuite dans un cours de droit pour se défendre. "On est dans un cas d'école de la présomption d’innocence. On me demande, à moi, d'apporter la preuve", estime-t-elle. Au terme de ces trois jours d'interrogatoire, Marine Le Pen n'a de cesse de répéter ce qu'elle a dénoncé à plusieurs reprises au nom de son parti : "On est soumis à une présomption de culpabilité !"
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