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Le palais de l'Elysée est-il encore adapté à l'exercice du pouvoir ?

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le palais de l'Elysée, le 5 mars 2008. (JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS)

Après la diffusion du documentaire "A l'Elysée, un temps de président", francetv info a voulu savoir si "le Château" était le lieu idéal pour l'exercice du pouvoir. 

"C'est une maison qui marche parfois, l'Elysée." Cette petite remarque de Jean-Pierre Jouyet a été capturée par la caméra d'Yves Jeuland pour son documentaire A l'Elysée, un temps de président, diffusé lundi 28 septembre sur France 3. Le secrétaire général s'acharnait alors sur son téléphone pour tenter de contacter le fraîchement nommé ministre de l'Economie Emmanuel Macron.

La scène est furtive, mais en dit long sur les difficultés rencontrées par les collaborateurs du président de la République pour travailler dans un palais construit au XVIIIe siècle. Avec ses lustres, son parquet et ses huissiers en costume derrière chaque porte, "le Château", comme on le surnomme, semble figé dans le temps. Francetv info a donc voulu savoir si l'Elysée était encore le lieu idéal pour gouverner la France, et si François Hollande n'avait pas intérêt à déménager. 

"Pas adapté à l'exercice présidentiel"

Car, au-delà des dorures et des longs couloirs en enfilade, on sent que le lieu n'est pas pratique au quotidien. Dans une autre scène du documentaire, on suit Gaspard Gantzer, le conseiller en communication de François Hollande, portable vissé à l'oreille, et qui demande à son interlocuteur de patienter le temps de trouver du réseau en déambulant dans le bâtiment. Autre détail révélé à francetv info par le réalisateur : lors de l'une de ses entrevues avec Jean-Pierre Jouyet, ce dernier se plaignait du manque de climatisation. Et il plaisantait en estimant que, si l'inspection du travail passait, elle ferait fermer les bureaux de l'Elysée.

Mais, ce que ne montre pas le documentaire, ce sont tous ces bureaux sombres et exigus aménagés dans les soupentes et les sous-sols de la bâtisse pour accueillir conseillers et assistants. "L'Elysée n'est clairement pas adapté à l'exercice présidentiel", confirme René Dosière. Interrogé par francetv info, le député PS de l'Aisne, expert en dépenses du palais présidentiel, déplore ce manque de place qui complique le travail des équipes. "Il y a un manque d'efficacité de ces collaborateurs qui est lié à leurs conditions de travail. Pour compenser, on a donc, au fil du temps, augmenté les effectifs." Ce qui n'arrange rien.

Une solennité nécessaire

Ce qui frappe, et ce qui est souvent reproché à l'Elysée, ce sont aussi ces "traditions protocolaires et les mœurs d'antan qui règnent encore au 'Château'", note Slate. Dans les couloirs, les pas du président sont rythmés par le cliquetis du costume des huissiers qui le suivent comme son ombre. Et, partout, des gardes en costumes d'apparat. On est bien loin de l'image, recherchée par François Hollande, du "président normal".

Dans son palais, il semble coupé du reste des Français. Yves Jeuland le reconnaît, mais estime que cela fait partie de la fonction présidentielle. "Il y a un aspect monarchique dans ce palais. Si on retirait la garde républicaine et les huissiers, on pourrait certes trouver cela plus sobre et plus 'normal', mais on retirerait aussi une part de solennité qui est parfois nécessaire à l'exercice du pouvoir." 

Un grand chantier de rénovation avait été lancé durant l'été 2011, pour entretenir la façade ainsi que certaines pièces. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Un sentiment partagé par Patrice Duhamel, journaliste et auteur d'Elysée : coulisses et secrets d'un palais (Plon). Celui qui a longtemps fréquenté le palais présidentiel durant sa carrière de journaliste rappelle également que le 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré est profondément ancré dans la tradition politique française, avec pour le chef de l'Etat "cette position de monarque républicain". "C'est un lieu de cour, où l'on peut observer le ballet des courtisans", explique-t-il.

Des conseillers qui, "à de rares exceptions près", ne lui délivrent pas les informations qui fâchent, ou les filtrent. Mais les locataires de l'Elysée ont la parade et font appel "aux visiteurs du soir". François Mitterrand recevait ainsi un groupe informel d'hommes politiques et de membres de la société civile qui avaient son oreille. François Hollande a, quant à lui, organisé des dîners et reçu en toute discrétion des citoyens lambdas.

Si Patrice Duhamel reconnaît que le bâtiment a beaucoup de défauts, "il est difficile d'imaginer le président s'installer dans un autre lieu plus fonctionnel, comme l'est par exemple Bercy". Et ce n'est pas en enlevant le lustre du palais que le président en deviendrait plus accessible. 

Un déménagement plusieurs fois envisagé

Pourtant, s'ils s'en accommodent, les présidents ont presque tous voulu déménager dès leur arrivée. Le général de Gaulle voulait ainsi s'installer au château de Vincennes, avant de finalement s'habituer aux dorures. En mai 1981, François Mitterrand imaginait transformer les Invalides en palais présidentiel. Nicolas Sarkozy était allé plus loin, en demandant un audit pour investir l'Ecole militaire. Le projet le plus fou est né dans l'esprit de l'architecte et candidat éphémère à la présidentielle de 2007 Roland Castro. Il avait proposé de construire un nouvel Elysée à Saint-Denis, "pour donner de l’élan à la banlieue", rappelle Slate.

Crise oblige, l'idée de quitter l'Elysée n'est pas à l'ordre du jour, ni même celle de profondément remanier le palais. "Il faudrait engager d'importants travaux", estime pourtant René Dosière. "Mais je ne pense pas que l'opinion publique soit prête en ce moment à accepter ce genre de dépenses."

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