Après la victoire de François Fillon à la primaire, que va faire François Bayrou pour 2017 ?

Le résultat de la primaire de la droite rebat les cartes au centre. De l'UDI au MoDem, la majorité des centristes avaient apporté leur soutien à Alain Juppé pour le scrutin et se retrouvent aujourd'hui orphelins. Dimanche 27 novembre, au soir du sacre de François Fillon, François Bayrou n'a pas manqué de faire part de ses inquiétudes concernant les propositions du candidat désigné, dans un message posté sur Facebook.

Le programme de François Fillon pose "de nombreuses questions aux citoyens et à notre société", écrit le maire de Pau sur le réseau social. "Dans les semaines qui viennent, nous allons travailler à ces questions." François Bayrou prend soin de rester flou sur ses intentions et laisse ainsi planer le doute sur une possible candidature. Que peut-il faire dans la perspective de 2017 ? Franceinfo liste les scénarios possibles.

Un soutien à François Fillon

"Nous n'excluons rien. Toutes les portes sont ouvertes", répond Marielle de Sarnez, interrogée par franceinfo sur un possible ralliement de François Bayrou à François Fillon. La vice-présidente du MoDem note que les deux hommes ont toujours eu de bonnes relations, loin de l'animosité qui existait entre François Bayrou et Nicolas Sarkozy. "Ils ont déjà travaillé ensemble. Ils se connaissent et s'apprécient", confirme à franceinfo le secrétaire général du MoDem, Marc Fesneau. "Ils ont une relation ancienne et amicale, qui date de l'époque où François Fillon était plus tourné vers le gaullisme social", tacle au passage Marielle de Sarnez. 

La députée européenne assure qu'avant de se poser la question d'une alliance, le MoDem va tâcher de construire un "programme alternatif avec des idées nouvelles". Le parti centriste a pour l'instant trop de désaccords avec François Fillon. "Il y a de vraies différences sur plusieurs points, que ce soit sur le droit du travail, la vision européenne ou la réforme de la sécurité sociale", détaille Marc Fesneau. "Quand on regarde la position de Fillon sur Poutine ou sur les 500 000 fonctionnaires en moins, on ne s'y retrouve pas non plus", ajoute Marielle de Sarnez. 

François Fillon est au point d'équilibre de la droite, mais il n'est pas au point d'équilibre du pays.

Pour l'instant, François Fillon ne montre pas le moindre signe d'inflexion concernant son programme, mais les centristes savent que l'ancien Premier ministre va avoir besoin d'eux dans la perspective de la présidentielle. "Pour Fillon, il y a un vrai fossé entre 3 millions d'électeurs et l'objectif de 10 à 12 millions", prévient la vice-présidente du MoDem. "Avec son sens politique habituel, François Bayrou a assez bien senti que Fillon se devait de rassembler afin de construire une majorité parlementaire", analyse pour franceinfo l'historien Jean-Pierre Rioux,  auteur de Les Centristes : de Mirabeau à Bayrou (Fayard, 2011).

Pour ce spécialiste du centre, François Bayrou est entré dans une stratégie de négociation. "Bayrou veut un groupe à l'Assemblée, il ne veut pas se présenter", confiait à franceinfo un filloniste avant le deuxième tour de la primaire. Pour Jean-Pierre Rioux, François Bayrou a un argument majeur à mettre dans la balance face à François Fillon : "En cas de danger, la République a toujours trouvé une solution au centre pour sortir de la difficulté."

Une alliance avec Emmanuel Macron

L'hypothèse a été évoquée après l'appel lancé par Emmanuel Macron, au soir des résultats de la primaire de la droite.

J'invite François Bayrou, s'il n'est pas à l'aise avec le projet de François Fillon, à nous rejoindre, parce que je pense qu'il y a beaucoup de convergences.

Un ticket Macron-Bayrou ? "Ce n'est pas improbable", estime Jean-Pierre Rioux. Selon lui, les deux hommes en appellent à des idées nouvelles, même si Emmanuel Macron se place sur un créneau plus progressiste que le maire de Pau.

La main tendue du fondateur de En marche ! a en tout cas franchement agacé les membres du MoDem. "Macron, c'est comme Bruno Le Maire, le renouveau mais idée zéro", juge l'entourage de François Bayrou. "Il est très sympathique, Macron, mais qu'il nous dise ce qu'il pense plutôt que de venir braconner sur les terres des autres", peste Marc Fesneau. "Je dois avouer que je me suis dit 'pour qui se prend-il ?', ajoute Josy Poueyto, première adjointe de François Bayrou à Pau. Il n'est pas en situation de nous faire ce genre de déclaration. Il débarque sur la scène politique, ce serait plutôt à lui de nous rejoindre."

Pour l'instant, je n'ai pas vu apparaître le début d'une idée nouvelle chez Macron. Il n'y a rien de concret.

Emmanuel Macron est donc renvoyé à ses études. En revanche, le MoDem, qui entame une phase de réflexion sur une proposition de programme, tend à son tour la main aux bonnes volontés, notamment aux autres formations centristes. "L'état d'esprit, c'est de construire un point d'équilibre pour le pays, assure Marielle de Sarnez. On compte faire ce travail avec des jeunes, des membres de la société civile." L'objectif et le calendrier de ce travail de réflexion ne sont pas encore tout à fait arrêtés, indique Marc Fesneau : "On doit se revoir dans les semaines à venir avec François Bayrou et quelques autres pour les modalités pratiques."

Une candidature à la présidentielle

Le centriste avait annoncé depuis longtemps qu'il serait sans doute candidat à la présidentielle en cas de victoire de Nicolas Sarkozy à la primaire de la droite. "Comme tout le monde", il n'avait pas vu venir le scénario Fillon, avoue Marielle de Sarnez. La victoire de l'ancien Premier ministre relance donc l'hypothèse d'une quatrième aventure présidentielle pour François Bayrou. "Cette décision est très loin d'être prise (...) Mais j'aimerais éviter des tensions à mon pays", a confié l'ancien ministre lors du conseil municipal de Pau, rapportent Sud Ouest et France Bleu Béarn. 

.@bayrou "Ma décision est loin d'être prise.Je suis maire de #Pau mais je suis aussi 1 citoyen et quand ça va mal il faut monter au créneau"

— France Bleu Béarn (@Bleu_Bearn) 28 novembre 2016

"Sur le fond, sa candidature ne m'étonnerait pas outre mesure, observe Jean-Pierre Rioux. C'est quand même le combat de sa vie – pas tant de devenir président de la République, mais d'installer les centristes dans le dispositif de la Ve République." Du côté de ses proches, on se borne à assurer qu'il va pour l'instant s'atteler à la construction d'un programme. "Il est dans une réflexion pour savoir ce qui est le mieux pour la France, indique Josy Poueyto. Ce n'est pas quelqu'un qui prend les choses à la légère."

François Bayrou ne va en tout cas pas se déclarer le 2 décembre, jour anniversaire de la victoire d’Austerlitz, comme il en avait pris l'habitude pour les trois dernières élections présidentielles, rappelle Libération. "Si l'on est dans la configuration d'une candidature, il faudra attendre l'hiver pour le savoir", lâche Marc Fesneau. Ce dernier évoque la période entre fin janvier ou début février : "On sait que les campagnes présidentielles se jouent dans les trois derniers mois."