Plainte de Fillon contre "Le Canard enchaîné" : "La démarche est judiciaire, mais politique avant tout"
François Fillon a porté plainte mardi contre l'hebdomadaire, non pas pour diffamation mais pour "fausses nouvelles". Franceinfo a interrogé une avocate spécialiste du droit de la presse pour comprendre cette démarche.
François Fillon contre-attaque. Le candidat de la droite et du centre, éliminé lors du premier tour de la présidentielle, a déposé plainte contre Le Canard enchaîné. Il reproche au palmipède ses articles concernant les emplois fictifs présumés de sa famille. Dans le cadre de cette procédure, l'hebdomadaire a annoncé qu'un rédacteur en chef et un journaliste seront entendus par la police judiciaire, jeudi 11 mai.
Chose étonnante : le député de Paris ne porte pas plainte pour diffamation, mais se fonde sur l'article L97 du Code électoral, qui réprime la propagation de "fausses nouvelles" ou de "bruits calomnieux" ayant pour effet de détourner les suffrages. Que cache le recours à cet article de loi ? Franceinfo a interrogé Delphine Meillet, avocate, spécialiste en droit de la presse.
Franceinfo : Que recouvre "la fausse nouvelle" ? Est-ce courant d'invoquer ce motif ?
Delphine Meillet. L'article L97 du Code électoral dispose que "ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manœuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros." Je ne m'en suis personnellement jamais servi. Généralement, ce sont des candidats qui utilisent cet article contre d'autres candidats, mais jamais contre un média. Ils peuvent ainsi attaquer des tracts ou des discours publics de leurs adversaires qui diffusent de fausses informations sur eux.
Pourquoi ne pas utiliser la diffamation ?
La diffamation est effectivement beaucoup plus courante. Selon moi, le camp Fillon n'est pas allé sur ce terrain à cause de la prescription. En effet, la prescription est acquise sur les premiers articles du Canard enchaîné, qui datent de fin janvier. Ils ont donc cherché autre chose pour attaquer. Il y a aussi la question de la cohérence et de l'opportunité judiciaire avec la diffamation : soit on poursuit tout ce qui a été publié sur l'affaire, soit on ne poursuit rien.
Que peut espérer François Fillon ?
Je ne peux pas prédire ce qui va se passer. Mais puisqu'ils ont porté plainte, le procureur doit ouvrir une enquête préliminaire. Les avocats de François Fillon contraignent ainsi le parquet à ouvrir et à mener une enquête. La question de la preuve va aussi se poser. Le Canard enchaîné va pouvoir dégainer toutes les preuves qu'il avait conservées en cas de diffamation.
Pourquoi ne poursuivre que Le Canard ?
La démarche est judiciaire, mais politique avant tout. Juridiquement, ils auraient pu poursuivre tous les médias qui ont relayé l'information, mais ils n'attaquent que Le Canard, c'est symbolique. Ce n'est pas un hasard. François Fillon veut faire un coup et lancer une riposte contre celui qui lui a fait le plus de mal. Il cherche aussi à voir les éléments de défense de l'hebdomadaire, à faire sortir les preuves. Alors oui, il y a le secret des sources, mais les journalistes pourront prouver le sérieux de leur enquête.
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