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"Les gens n'ont qu'à zapper !" : les éditorialistes répondent aux critiques après les affaires Fillon

Régulièrement accusés de manquer d’objectivité sur les plateaux de télévision, des éditorialistes ont accepté de raconter leurs méthodes de travail à franceinfo.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Franz-Olivier Giesbert, lors de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2, le 6 mars 2012. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Il est 17 heures, lundi 6 février. François Fillon s'éclipse dans l'arrière-salle de son QG de campagne, à Paris. Sa conférence de presse, sous forme d'"excuses" aux Français, est à peine terminée que les chaînes d'info en continu sont déjà en boucle sur la prestation du candidat de la droite à la présidentielle. Sur les plateaux télé, toujours la même question : a-t-il convaincu ?

Pour y répondre, des éditorialistes ont été invités. Sur BFMTV, Anna Cabana estime que François Fillon est "sauvé" et "c’était inespéré". Et d'insister, quelques secondes plus tard : "Le patron, c’est Fillon. Qu’est-ce que vous voulez de plus ?" Assis juste en face, Laurent Neumann, l'éditorialiste du Point, lâche un "chapeau l’artiste !" à l'adresse du candidat. A peu près au même moment, dans l'émission "C dans l’air" sur France 5, Catherine Nay semble elle aussi plutôt confiante pour François Fillon : "Il avait l’air d’avoir fait de la planche à voile depuis deux jours, il était remonté sur sa bête", s'enflamme à l'antenne l'éditorialiste d'Europe 1. 

Devant leur télé, certains s'agacent du manque d'objectivité de ces éditorialistes, et le font savoir sur Twitter. D'autres se moquent allègrement de ce chœur médiatique qui s'est levé comme un seul homme pour saluer le retour du "chef" Fillon. Contactés par franceinfo, plusieurs éditorialistes n'ont pas souhaité s'exprimer pour "ne pas mettre de l'huile sur le feu". L'un d'entre eux ne "voit pas" pourquoi il répondrait à nos questions puisque, dit-il, il n'a "strictement rien à [se] reprocher".

"Parfois un choix de mot malheureux"

Georges-Marc Benamou a "cru comprendre" qu'on l'avait "un peu" épinglé après son passage sur LCI. "Mais vous savez, je lis rarement ce qu'on dit de moi..." Ce qu'on reproche à l'éditorialiste-écrivain, c'est d'avoir osé dire que ce lundi soir, "à 20 heures et des poussières, François Fillon est plutôt sorti d’affaire !" Contacté par franceinfo, l'intéressé ne voit pas "où est le problème" : "C'est ce que je pensais sincèrement à ce moment-là, donc je le dis."

Nathalie Saint-Cricq, journaliste et éditorialiste à France 2, n'est pas étonnée par ce genre de critiques. "On est loin d'être parfaits, j'en conviens, explique-t-elle. Le problème, c'est que les gens ne savent pas toujours comment on fonctionne. Quand tu travailles dans l'urgence, tu as beau te relire cent fois, tu peux parfois faire un choix malheureux." Mais de là à l'accuser de prendre parti, "ça, non !" D'ailleurs, elle défie quiconque de deviner "pour qui [elle] vote".

Pour éviter d'être dans la prise de position, Nathalie Saint-Cricq a développé quelques garde-fous. Par exemple, elle n'utilise jamais le "je", "trop personnel", "pas très service public". Elle a également pris l'habitude de ne pas regarder les chaînes d'info en continu avant de plancher sur son texte, "pour ne pas faire le perroquet en répétant bêtement ce que j'ai entendu ailleurs". Sa limite, c'est "l'analyse", "la mise en perspective", "rien de plus". Mais elle reconnaît qu'il y a "parfois une prime à celui qui va s'engager, celui qui va oser trancher". Ce qu'admet aussi volontiers Georges-Marc Benamou.

Il y a une sorte de casting, on a chacun une réputation, et c'est pour ça qu'on fait appel à nous. Il y a les grandes gueules, les très grandes gueules, les très, très grandes gueules...

Georges-Marc Benamou

à franceinfo

L'écrivain aimerait "fixer des règles du jeu plus strictes, histoire d'éviter de faire n'importe quoi". Parfois, dit-il, "je ne sais plus si je suis journaliste, écrivain, commentateur, ou les trois à la fois".

"Les gens détestent le robinet d'eau tiède"

Abonné aux soirées électorales et aux émissions politiques, Franz-Olivier Giesbert connaît très bien les règles du jeu. "C'est vrai que je ne viens jamais les mains vides sur un plateau télé." Dans son sac, "une idée bien ciselée", "une position originale, à contre-courant". Parce que le célèbre éditorialiste du Point déteste, dit-il, "être dans la meute". Il est d'ailleurs "convaincu" que cela fonctionne. "Les gens aiment la spontanéité, et ils détestent le robinet d'eau tiède"

Lui aussi est pourtant régulièrement la cible des critiques. On lui reproche notamment ses propos le soir de la victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche, le 29 janvier. Ce jour-là, à peine les résultats tombés, il s'interroge sur France 2 : "Vous le voyez, vous, au deuxième tour ? C’est impossible ! (...) C’est absolument impossible, en face il y a la montagne Mélenchon qui est pratiquement indestructible."  Et d'ajouter : "C’est à un suicide auquel on assiste au PS, une grande partie du PS –une partie dans un monde de Bisounours – parle de réformes sans mettre d’argent derrière". Il les a relus, ses propos, mais il ne voit pas ce qui choque. "Mais en quoi c'est excessif ? s'interroge-t-il. Je suis comme ça : quand je pense quelque chose, je le dis. Je ne suis pas sous contrôle."

Et puis si ça ne plaît pas à tout le monde, "tant pis", commente-t-il : "Les gens n'ont qu'à zapper." Franz-Olivier Giesbert a le sentiment qu'on ne peut plus rien dire.

Le politiquement correct prime sur tout, on voudrait qu'on se taise. Il y a comme une police de la pensée. Eh bien, allons-y, installons des censeurs !

Franz-Olivier Giesbert

à franceinfo

Il reconnaît tout de même "être déjà allé trop loin". Récemment, il a par exemple affirmé que l'affaire Fillon ne tiendrait pas deux semaines : "Bon, je me suis trompé, je l'ai reconnu. Point final." Le signe qui lui fait dire qu'il est encore "désiré", c'est qu'il se fait "parfois engueuler" et "parfois applaudir", "ça veut bien dire que je suscite le débat". Alors pourquoi s'arrêter ?

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