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Les médias doivent-ils boycotter Zemmour ?

Après les propos polémiques d'Eric Zemmour sur les musulmans, de nombreuses personnalités et associations montent au créneau. Elles veulent l'interdire d'antenne.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Eric Zemmour donne une conférence à Lyon (Rhône), le 21 novembre 2014. (  MAXPPP)

Micro fermé. Plusieurs associations réclament, jeudi 18 décembre, qu'Eric Zemmour soit privé d'antenne. Les propos du polémiste sur les musulmans, publiés dans un entretien au journal italien Corriere della Sera, ont déclenché une vague d'indignations. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a d'ailleurs été saisi.

Quelques jours plus tôt, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), ou encore le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) annonçaient vouloir porter plainte. Alors faut-il interdire Eric Zemmour sur les ondes ? Francetv info pèse le pour et le contre.

Oui, ses propos légitiment la haine

Selon les signataires d'une lettre ouverte au CSA publiée dans le Huffington Post, les paroles de Eric Zemmour "stigmatisent les immigrés et leurs enfants avec une mention toute particulière pour les musulmans". Ainsi une quarantaine de personnalités, de Dominique Sopo, président de SOS Racisme, aux acteurs comme Yvan Attal ou Josiane Balasko, en passant par Razzy Hammadi, député socialiste de Seine-Saint-Denis, demandent au CSA de "faire cesser les propos de haine de Eric Zemmour".

Dans leur lettre, ils assurent qu'Eric Zemmour, chroniqueur, éditorialiste sur RTL, i-Télé, Paris Première et au Figaro, bénéfice d'une "très large exposition médiatique". Cette forte présence à la télé et à la radio "permet de propager des idées qui visent de plus en plus clairement à susciter la haine de nos concitoyens envers une partie de la population", ajoutent les signataires.

Oui, ses propos peuvent tomber sous le coup de la loi

Une autre lettre ouverte a été publiée, jeudi, dans Le Plus. Signée par Fouad Bahri, rédacteur en chef adjoint de l'hebdomadaire Zaman France et par des juristes, des sociologues ou des historiens, la lettre interpelle aussi le CSA. "Le CSA doit interdire [Eric Zemmour] d'antenne", écrivent-ils.

Pour ce faire, le document s'appuie sur la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. L'article 15 prévoit notamment que le "CSA veille à ce que les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de mœurs, de religion ou de nationalité".

Or, pour les signataires, les déclarations d'Eric Zemmour sont justement une "incitation explicite à la violence et à la haine raciale et religieuse". Et de rappeler, toujours selon la loi, que l'exercice de la liberté de communication peut être limité dans "la mesure requise par le respect de la dignité de la personne humaine".

Non, cela le victimiserait

Mais pour d'autres, priver Eric Zemmour n'est pas une bonne stratégie. "L'interdire des médias aurait un effet contraire. Cela le victimiserait. Il ne faut pas lui donner plus d'importance en lui permettant de se présenter comme un petit malheureux", assure Esther Benbassa, sénatrice Europe Ecologie-Les Verts, à Metronews.

Même constat pour Rost, artiste et président du collectif Banlieues Actives, interrogé dans une émission sur Europe 1. "En interdisant d'antenne Eric Zemmour, on va le victimiser. On a déjà fait l'expérience avec l'affaire Dieudonné, il n'a jamais été aussi populaire, assure-t-il. Au lieu de l'interdire d'antenne, il faut arriver à lui opposer des gens qui sont capables de présenter des vrais arguments pour démonter ses thèses." 

Non, il faut garantir la liberté d'expression

Le député PS Bruno Le Roux a appelé dans un communiqué à faire "cesser les propos" d'Eric Zemmour sur les plateaux télé et dans les colonnes de journaux. "Il est très important de garantir sa liberté d'expression, lui rétorque dans Metronews le député UMP de Paris Claude Goasgen. Bruno Le Roux devrait se taire. Nous sommes une démocratie, pas un état socialiste."

L'avocat Gilles-William Goldanel assure lui aussi qu'il faut défendre la liberté d'expression. Invité sur le plateau de BFMTV, il affirme que c'est à la justice de trancher et non aux associations : "Ce n'est pas à SOS Racisme de décider qui doit passer à la télévision, qui ne doit pas passer", estime-t-il.

De toutes façons, il aura d'autres canaux de diffusion

Dans tous les cas, le CSA, qui a été saisi à plusieurs reprises, n'a d'autorité que sur les médias audiovisuels, soit la télévision et la radio. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'a donc pas de prise sur la presse écrite ou encore les sites internet. Même si Eric Zemmour était privé d'antenne, le polémiste aurait toujours la possibilité d'être invité dans d'autres médias.

Par ailleurs, à l'instar de Dieudonné, Eric Zemmour pourrait très bien choisir d'enregistrer ses propres vidéos. En les postant sur des plateformes comme YouTube, le polémiste s'assurerait encore de toucher un large public.

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