Entretien avec François Miquet-Marty (Viavoice) sur "la France silencieuse" déçue par Nicolas Sarkozy
L'UMP tient mardi à Paris une "réunion thématique" sur la "France silencieuse". Concept élastique, cette "France silencieuse" peut-elle être reconquise par Nicolas Sarkozy ? Le sondeur François Miquet-Marty juge que ce "ne sera pas facile".
L'UMP organise mardi 17 janvier à Paris, à son nouveau siège, une "réunion thématique" intitulée"la France silencieuse". Au menu, les propositions du parti majoritaire "pour répondre à la peur du déclassement".
Cette France des classes moyennes qui passe pour oubliée des médias et des politiques peut-elle être convaincue par Nicolas Sarkozy, probable candidat à sa succession ?
Exercice difficile en 100 jours, sans résultat social et économique probant, estime François Miquet-Marty, président de l'institut de sondage Viavoice et auteur des "Oubliés de la démocratie" (Michalon). Entretien.
Que vous évoque l'expression « la France silencieuse » ?
François Miquet-Marty : La "France silencieuse", c'est la France qui ne s'exprime pas et ne se sent pas prise en compte par les politiques publiques de droite et de gauche. Elle englobe les 47% de Français qui estiment appartenir à la classe moyenne inférieure, dont 58 % s'estiment en situation de déclassement. On peut y ajouter les 9% qui se définissent comme démunis et défavorisés.
Au total, ça fait 56% des Français, c'est énorme. Ce qu'ils pensent ? "Je vote depuis des années et ma situation se détériore". Ils veulent pouvoir préserver un niveau de vie, une école de qualité, des hôpitaux de qualité.
Il y a un potentiel protestataire très important dans cette France des oubliés. Ses difficultés quotidiennes ne semblent pas prises en compte. Son sentiment ? "On peut crier, personne ne nous entend". Ce vote reste à cristalliser.
Depuis les années 1980, cette France-là a été successivement déçue par la gauche et la droite. La crise de 2008 a décuplé tout ça. Il y a désormais une déception vis-à-vis de Nicolas Sarkozy, et un scepticisme vis-à-vis de la gauche.
Quelles sont les orientations de vote des catégories modestes ?
Entre 13% et 15% des ouvriers voteraient Nicolas Sarkozy au premier tour, 30% François Hollande et 30% Marine Le Pen.
Pour l'UMP, il y a un vrai enjeu auprès de cette catégorie, qui a un désenchantement très fort vis-à-vis de Nicolas Sarkozy. Ces électeurs sont perplexes et et cherchent d'autres solutions. C'est un électorat très peu cristallisé, avec 30% d'électeurs qui peuvent changer d'avis, 45% chez les ouvriers.
L'abstention va probablement progresser par rapport à 2007. Beaucoup de personnes pensent que les politiques se "foutent de leur gueule" depuis des années.
Le meilleur moyen de le dire, pour elles, c'est de voter Marine Le Pen, qui apparaît comme la seule candidate anti-système. Davantage que le candidat du Front de Gauche Jean-Luc Mélenchon qui vient du PS.
Sur quoi Nicolas Sarkozy peut-il encore jouer pour reconquérir cette France là ?
Certaines choses peuvent parler à cette France modeste : je pense d'abord au travail, aux conditions de travail, au stress. Les principaux candidats parlent peu de ce sujet. Mais il y a aussi la santé publique, l'éducation publique : ce sont des enjeux essentiels.
Pour ce qui concerne directement Nicolas Sarkozy, on attend des résultats concrets et il n'y en a pas. Une des difficultés majeures pour le chef de l'Etat, c'est de paraître crédible malgré ces échecs perçus.
En 2007, Nicolas Sarkozy avait généré un vote d'adhésion avec son "travailler plus pour gagner plus". Les gens disent qu'il peut toujours parler. Quel crédit lui accorder ? Je ne sais pas comment ça se résout en 100 jours, la question de la crédibilité.
Il faudrait des résultats sociaux et économiques en trois mois. Face à la crise, c'est difficile. Pour l'instant, sa campagne pré-électorale paraît mal partie.
Ce qui lui reste ? Il peut jouer sur l'argument d'autorité - il est le président de la République. Sur le fait qu'étant chef de l'Etat, il peut paraître agir au nom de l'intérêt général.
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