Statuts contestés, manque de démocratie interne… Quand des adhérents d'En marche ! se rebiffent
Plusieurs dizaines de marcheurs mécontents se sont constitués en collectif et association pour dénoncer certaines dérives du parti d'Emmanuel Macron.
"Adhérent de la 1e heure, je commence à me sentir trahi. Et visiblement je ne suis pas le seul". "Un manque de démocratie totale. Si cela continue, je quitte le mouvement". Ces messages, issus de la page Facebook d'En marche !, ne sont pas isolés. Et au milieu de commentaires laudatifs, ils font tâche. Car si la page est régulièrement visitée par des adversaires politiques – notamment les Insoumis – elle recueille aussi les commentaires d'adhérents déçus, voire en colère. L'affaire du vote des statuts, contestés en justice par un collectif de marcheurs mi-août, a mis le feu aux poudres.
Résultat : un collectif, mais aussi une association de militants mécontents ont vu le jour. Si certains continuent à croire à une négociation possible avec le parti – tout en dénonçant les dérives du mouvement – d'autres imaginent déjà ce qui pourrait se passer si les discussions échouaient : un retour devant la justice avec cette fois, préviennent-ils, des conséquences bien plus préjudiciables. De quoi plomber un peu plus cette rentrée pour le gouvernement et Emmanuel Macron, dont la popularité a brutalement chuté.
"Il y a de la déception chez ceux qui s'en vont"
Pour beaucoup, la rébellion commence avec la présentation des statuts du parti à la mi-juillet. Certains adhérents sont surpris, estimant qu'ils cantonnent les militants au simple rôle de "supporter". Une trentaine d'entre eux se regroupent alors au sein du collectif La démocratie en marche et déposent un référé au tribunal de grande instance de Créteil (Val-de-Marne), afin d'empêcher l'adoption de ces nouveaux statuts. "On avait proposé deux portes de sortie au QG : soit décaler le vote des statuts à plus tard, pour permettre d'en débattre au sein des comités locaux ; soit faire inscrire dans les statuts qu'ils étaient provisoires", raconte à franceinfo Rémi Bouton, porte-parole du collectif. "Mais ils n'ont pas voulu et sont passés en force".
La justice coupe finalement la poire en deux : le 1er août, le tribunal rejette la demande des plaignants, tout en prolongeant de deux semaines le vote. Les statuts du parti sont finalement adoptés le 17 août avec un score soviétique : 90,6% des voix – mais avec une participation de 32,1% seulement.
Aujourd'hui, le collectif de militants mécontents est dans l'attente : ses membres fondateurs doivent se voir à la rentrée pour "voir comment on continue". "Les gens sont mitigés", rapporte Rémi Bouton. "Il y a de la déception, beaucoup de déception chez ceux qui s'en vont, car ils ne veulent pas rester dans un mouvement qui a voté ces statuts." Lui fait plutôt partie des gens qui veulent rester optimistes : "On peut se dire qu'on a pas encore tout essayé, qu'on peut arriver à les convaincre de faire confiance aux adhérents."
Il faut que la direction ouvre la porte, ils doivent laisser la place au débat. Si dans les mois qui viennent, on se rend compte qu'ils n'ont pas envie, il y aura d'autres vagues de départ.
Rémi Bouton, porte-parole du collectif La démocratie en marcheà franceinfo
"Le danger, c'est se priver de l'intelligence collective, rater la construction d'une force politique moderne, mais c'est surtout l'isolement du pouvoir avec un gros risque d'échec sur cette pente", abonde Hervé Thierry, un autre membre du collectif. Lui non plus ne compte pas, pour l'instant, quitter le parti : "Nous sommes réunis comme des lanceurs d'alerte autour de La démocratie en marche. On peut nous exclure, les statuts le prévoient désormais. Au pire, cela nous donnera un espace politique !"
"Petits arrangements" et "politique à l'ancienne"
D'autres adhérents expriment leur déception, sans pour autant rejoindre le collectif. A 59 ans, Jean-Yves a fait toute la campagne présidentielle, puis celle des législatives dans son comité de Grenoble (Isère). S'il continue d'afficher son soutien au gouvernement, il se dit clairement "déçu du parti La République en marche !" (LREM). Il pointe ainsi plusieurs problèmes : l'absence de sollicitation des militants depuis les élections ; des députés qui font "la même politique à l'ancienne qu'auparavant" ; des statuts dont "on ne voit pas la différence avec ceux du PS" ; mais aussi la présence de Richard Ferrand, qui "pose un gros problème".
Je suis pour une démocratie participative. Or, LREM étant devenue un parti classique, je suis déçu.
Jean-Yves, militant LREM à Grenobleà franceinfo
Nadine, elle, prévient d'emblée : "Il faut savoir que j'avais posé ma candidature pour les législatives, ceci est important puisqu'ils utiliseront cela pour m'accuser de méprisances pour ne pas avoir eu l'investiture." Celle qui dit avoir "donné trois mois de [sa] vie, jour et nuit" pendant la campagne présidentielle aurait effectivement voulu être la candidate du mouvement pour les législatives, dans la première circonscription du Tarn-et-Garonne. Le candidat finalement choisi par LREM, Pierre Mardegan, y sera d'ailleurs battu par la socialiste au deuxième tour. Nadine dénonce "une direction départementale partisane", des réunion non ouvertes à tous "entre dirigeants de divers partis proches du MoDem et du PRG". "Ce qui me dérangeait, ce n'était pas leur différence politique, mais leur capacité à refaire ce que je détestais le plus dans les partis politiques : le tri partisan", regrette-t-elle.
"A un moment donné, il faut avancer"
En plus du collectif, une association a également vu le jour, début août : la Confédération des marcheurs de la République, qui dénonce "un manque de transparence" et décrit un parti qui "pein[e] à se structurer de manière démocratique". Devant la presse, sa présidente, Tiphaine Beaulieu, dit revendiquer plus de 9 000 adhérents et avoir recueilli plus de 500 "faits probants" qui montrent "des dérives" de la part de certains membres sur le terrain. Contactée par franceinfo, elle refuse de donner plus d'informations, afin de ne pas mettre en danger la demande de "médiation" que son association a envoyée à LREM. Sauf que le parti fait savoir à franceinfo n'avoir reçu à ce jour aucune lettre en ce sens. "Nous avons vu Tiphaine Beaulieu en juillet. Elle voulait effectivement une médiation, mais n'a pas voulu donner les cas à la cellule de médiation d'En marche !", assure la direction.
Ce sont des gens très engagés que nous avons reçus et écoutés. Il est intéressant de co-construire, mais à un moment donné, il faut avancer.
La direction de LREMà franceinfo
Aux critiques de ces militants mécontents, LREM récuse totalement l'idée d'un fonctionnement anti-démocratique et défend un parti "où il y a énormément de leviers démocratiques".
Pas vraiment de quoi rassurer la Confédération des marcheurs de la République, qui ne désarme pas et attend sa médiation. "S'il y a une enquête interne au QG, c'est fini pour eux", promet un militant qui préfère rester anonyme. "Des choses graves se sont passées et ce qui se passe aujourd'hui ne fait que confirmer nos inquiétudes." L'association promet de dévoiler ses cartes si la médiation n'aboutit pas.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.