Emmanuel Macron devant le Congrès : le président de la République s'inscrit dans une "tradition bonapartiste, à ses risques et périls"
Jean Petaux, politologue et professeur à Sciences Po Bordeaux, est revenu sur la réunion du Congrès de Versailles convoqué par Emmanuel Macron, qui a lieu lundi.
Le président de la République Emmanuel Macron s'exprimera, lundi 3 juillet, à 15 heures, devant le Congrès réuni à Versailles. Cette initiative, critiquée par l'opposition qui brandit les accusations d'hyperprésidence, intervient à la veille du discours de politique générale du Premier ministre Edouard Philippe. Sur franceinfo, dimanche 2 juillet, Jean Petaux, politologue et professeur à Sciences Po Bordeaux, a souligné que ce n'est pas Emmanuel Macron qui a "inventé la constitution de la Ve république" qui lui permet de s'exprimer devant le Congrès. Il rappelle que déjà, en 1981, François Mitterrand s'était adressé aux deux assemblées et qu'à l'époque, le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon n'avait pas "traité François Mitterrand de roi Soleil".
franceinfo : En convoquant ce Congrès, Emmanuel Macron sait qu'il sera qualifié de monarque républicain. Pourquoi le fait-il ?
Jean Petaux : Il ne trace pas sa route en fonction des opinions qui lui sont hostiles. Il faut remettre Emmanuel Macron dans la perspective du temps. En 1981, François Mitterrand s'est adressé à l'Assemblée nationale et au Sénat par le biais d'un message lu par le président de chacune des assemblées, à la veille du discours de politique générale du Premier ministre Pierre Mauroy. 24 heures avant, François Mitterrand adressait ce message expliquant la feuille de route. La forme a changé, mais elle n'est pas due à une initiative d'Emmanuel Macron. C'est la réforme constitutionnelle d'août 2008, voulue par Nicolas Sarkozy, qui permet cette convocation du Congrès. Je n'ai pas le souvenir qu'en 1981, Jean-Luc Mélenchon, qui était sénateur socialiste, ait traité François Mitterrand de roi Soleil. Cela veut dire que Jean-Luc Mélenchon a des vérités à géométrie variable.
Emmanuel Macron a-t-il la volonté de se placer dans les pas de François Mitterrand ?
Sans doute. On fait semblant de redécouvrir que le président de la République, sous la Ve République, est tout puissant. Mais cela fait partie du répertoire de l'opposition qui est dans son rôle. Elle a raison d'utiliser ce type d'arguments, mais ce n'est pas Emmanuel Macron qui a inventé la constitution de la Ve république, ni les réformes qui permettent au chef de l'État de s'adresser devant le Congrès. Cela se fait ailleurs. C'est, ni plus ni moins, le discours sur l'état de l'Union aux Etats-Unis, ou le discours annuel que lit la reine d'Angleterre devant les Communes et les Lords.
Emmanuel Macron a-t-il raison de vouloir remettre la fonction présidentielle sur son piédestal ?
C'est un peu dans le sens de sa démarche initiale. On voit que le projet politique d'Emmanuel Macron s'incarne dans sa propre personne. C'est dans l'acte de naissance du mouvement En Marche ! On est dans une tradition française que certains qualifient de césariste, voire de bonapartiste. On est dans une France qui aime bien que le pouvoir s'incarne. Emmanuel Macron est dans cette trajectoire-là. C'est à ses risques et périls. Il s'expose en faisant cela.
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