"Aux yeux des Français, Macron a au moins le mérite de tenir ses promesses", selon Jean-Daniel Lévy, d'Harris Interactive
Le directeur du département politique et opinion d'Harris Interactive analyse les résultats du sondage réalisé par son institut sur le début de mandat du chef de l'Etat.
L'heure d'un premier bilan a sonné pour Emmanuel Macron. Six mois après son élection, une majorité des Français (59%) se disent mécontents de l'action du chef de l'Etat, selon un sondage Harris Interactive pour France 2, dévoilé samedi 4 novembre. Pour tirer les enseignements de cette enquête d'opinion, franceinfo a interrogé Jean-Daniel Lévy, directeur du département Politique et Opinion de l'institut de sondage.
Franceinfo : Les résultats de ce sondage signifient-ils qu'Emmanuel Macron déçoit les Français ?
Jean-Daniel Lévy : Ce n'est pas le terme "déception" qui convient. Il y a aujourd'hui une majorité de Français qui ne sont pas satisfaits des six premiers mois d'Emmanuel Macron. Il y a du mécontentement, essentiellement lié au fait qu'il apparaisse aujourd'hui comme étant le président des riches et, sur un plan plus personnel, comme relativement arrogant. Les Français lui reconnaissent cependant le fait qu'il soit jeune et qu'il puisse entreprendre un certain nombre de réformes.
Quelles sont les raisons de ce mécontentement ?
Ce qui cristallise les critiques, ce n'est pas tellement la réforme du Code du travail, c'est plus la perception qu'il va y avoir une augmentation de la CSG couplée à un doute sur la baisse réelle des charges. Dans ce contexte-là, la préoccupation pour le pouvoir d'achat devient nette. La réforme de l'ISF cristallise également les tensions chez les Français et nourrit l'idée qu'on va mettre en place une politique en faveur des catégories supérieures, et pas forcément en faveur de l'ensemble de la population. Or on sait que la notion d'une politique juste, en faveur de l'égalité, constitue un socle auquel les Français sont extrêmement attachés et ça n'est pas aujourd'hui associé à Emmanuel Macron.
Le chef de l'Etat fait-il autant de mécontents à gauche qu'à droite ?
Les jugements ne sont pas les mêmes, selon les catégories de populations politiques. Les électeurs d'Emmanuel Macron du premier tour de l'élection présidentielle sont extrêmement satisfaits et portent des jugements tout à fait laudateurs à son égard. La critique d'une politique jugée comme étant faite pour les riches est essentiellement issue des électeurs de gauche. Ceux de droite, globalement, sont assez satisfaits ou positifs à l'égard d'Emmanuel Macron et ne remettent pas en cause le fait qu'il puisse mener un politique pour les riches.
Le constat était-il le même pour ses prédécesseurs à l'Elysée ?
Quand vous regardez les cotes de confiance et de popularité, il y a un jugement à peu près au même niveau que celui de François Hollande à la même période ou de Jacques Chirac en 1995. Mais ce qui est assez frappant, c'est qu'Emmanuel Macron a toujours un soutien assez fort au sein de son électorat. Il a également toujours, à droite de l'échiquier politique, un soutien assez fort.
Et ces soutiens n'ont pas le sentiment d'avoir été trahis. Ils ne pensent pas non plus que le pouvoir a été mal géré durant ces premiers mois. Alors qu'à cette même époque Jacques Chirac et François Hollande avaient déjà perdu une partie de leurs soutiens avec la perception que la promesse présidentielle n'était pas à la hauteur de l'action politique.
La suite du quinquennat s'annonce-t-elle sous de meilleurs auspices ?
Cela serait ennuyeux pour Emmanuel Macron que sa politique continue d'être perçue comme étant en faveur des riches et non au nom de l'intérêt général. Si, en revanche, il peut y avoir une augmentation du pouvoir d'achat et une baisse du chômage qui concerne toutes les catégories de population, cela pourra un peu modifier la donne.
Emmanuel Macron a au moins le mérite, aux yeux des Français –même lorsqu'ils sont critiques à son égard–, de tenir ses promesses présidentielles. Cela ne veut pas forcément dire qu'on est d'accord avec lui. Mais le reproche qui est souvent fait aux responsables politiques, qui est de promettre mais de ne pas agir par la suite, ne lui est pas attribué. Quand bien même, il apparaît aujourd'hui aux yeux de certains Français comme menant une politique qui ne leur convient pas parfaitement.
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