Du tweet antisémite du rappeur Médine à la reconnaissance de son "erreur", on vous résume la polémique qui divise la classe politique

Son invitation aux réunions de rentrée des Verts et de La France insoumise a suscité une polémique, après un tweet sur l'essayiste Rachel Khan.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6 min
Le rappeur Médine sur scène à Toul (Meurthe-et-Moselle), le 2 juin 2023. (MAXPPP)

Un invité vedette devenu encombrant. Convié, jeudi 24 août, aux Journées d'été d'EELV au Havre pour une discussion intitulée "la force de la culture face à la culture de la force" avec la secrétaire nationale d'EELV, Marine Tondelier, le rappeur Médine plonge les écologistes dans la tourmente. L'artiste, également invité à la rentrée de La France insoumise samedi Châteauneuf-sur-Isère, près de Valence (Drôme), a en effet ravivé les accusations récurrentes d'antisémitisme à son encontre avec un tweet sur l'essayiste Rachel Khan, juive et petite-fille de déporté. Franceinfo revient sur cette polémique qui fait réagir toute la classe politique.

Un tweet qualifiant Rachel Khan de "resKHANpée"

Le 10 août, le rappeur engagé à gauche a qualifié l'artiste et essayiste franco-gambienne Rachel Khan de "resKHANpée", à savoir une "personne ayant été jetée par la place hip-hop, dérivant chez les social traîtres et bouffant au sens propre à la table de l'extrême droite", a-t-il écrit dans un tweet. Message auquel Rachel Khan a réagi sur X (ex-Twitter) par un simple : "Tout est dit...", entraînant une polémique sur le caractère antisémite des propos du rappeur.

Dans la foulée, le 11 août, le chanteur a précisé n'avoir fait "aucune allusion à une quelconque origine ou histoire familiale". "Rachel Khan m'a traité il y a quelques jours de 'déchet'. Je n'ai pas crié à l'islamophobie ni au racisme anti-arabe. Le combat contre l'antisémitisme, contre l'islamophobie et toutes les discriminations mérite mieux que des anathèmes sur Twitter", a-t-il ajouté, toujours sur X.

Des critiques venues de toutes parts

Le tweet de Médine déclenche immédiatement de vives critiques. Le jeu de mots est "abject", tonne le 11 août Clément Beaune, ministre des Transports, appelant LFI et Marine Tondelier à "revenir à la raison" et à déprogrammer la participation du rappeur à leurs universités d'été. "L'allusion aux rescapés des camps de la mort et la mise en évidence du patronyme juif en fait une attaque antisémite indéniable et intolérable", ont encore écrit des députés du parti présidentiel Renaissance dans un communiqué commun, appelant, eux aussi, "fermement" à annuler l'invitation du rappeur.

>> Pourquoi le rappeur Médine divise la classe politique.

"Je ne connais ni le rappeur Médine, ni Rachel Khan. Mais le 'jeu de mots' publié sur elle est scandaleux – au-delà de la limite malgré ce qu'il prétend", a répliqué le président de la Cour des comptes et ancien ministre socialiste Pierre Moscovici, sur le réseau X. "Maintenir Médine après ce jeu de mots antisémite sur Rachel Khan serait cautionner cette ignominie", a renchéri sur X le président des Républicains, Eric Ciotti.

L'invitation aux Journées d'été maintenue

Malgré ces critiques, Marine Tondelier n'annule pas la participation de Médine aux universités d'été, expliquant, dans Le Parisien, les propos du rappeur par un "antisémitisme insidieux, qui se colporte par mimétisme, ignorance ou maladresse". Qualifiant la référence "d'extrêmement choquante", elle a ajouté que le rappeur pouvait avoir "une immense responsabilité" dans la lutte contre l'antisémitisme : "Il touche des publics que les campagnes de sensibilisation traditionnelles ne toucheront jamais. Ça aurait un impact majeur !"

Certains ont soutenu cette décision. Comme le député du Val-d'Oise Aurélien Taché, qui "ne doute pas" que son échange avec Marine Tondelier "sera passionnant", regrettant au passage "les débats mortifères sur la soi-disant 'gauche républicaine'". Confirmant sa participation aux Journées d'été, le maire de Lyon, Grégory Doucet, a assuré sur RTL qu'il irait "écouter ce que Médine a à dire" pour se faire "[sa] propre opinion". Trop tard pour reculer après le tweet, a commenté la députée Sandrine Rousseau sur RMC : "J'aurais réfléchi au fait qu'il ne vienne pas. Maintenant, il est invité, il faut aller jusqu'au bout."

Des politiques se décommandent, les écologistes divisés

En interne, toutefois, ce choix n'a pas fait l'unanimité. "Fallait pas l'inviter", a déclaré l'eurodéputée Karima Delli sur X. En tant qu'"écologiste et femme de gauche, viscéralement attachée au respect des gens, à la liberté, l'égalité, la solidarité et la laïcité (...) je ne peux soutenir et encore moins cautionner l'invitation de Médine", a-t-elle écrit. "Quand on écrit des textes, on mesure le poids et la portée des mots", a également réagi la députée des Hauts-de-Seine Francesca Pasquini. "Le problème n'est pas Médine, c'est nous. On a cherché le buzz, on l'a eu de la pire des manières possibles", a déploré l'eurodéputée Marie Toussaint mercredi 23 août.

De son côté, Yannick Jadot a dénoncé un message "incontestablement antisémite" dans un entretien au quotidien régional L'Union. Comme d'autres ténors d'EELV, l'ex-candidat à la présidentielle souhaite que le rappeur "fasse des déclarations extrêmement claires" lors de son débat jeudi. Mais le mal est fait. "Je crains qu'on ne retienne que cette polémique", regrette Yannick Jadot, alors que ces journées d'été devaient à la fois "être la démonstration que les écologistes peuvent gouverner ce pays" et "lancer la campagne des européennes de 2024". Constat partagé par son prédécesseur Noël Mamère, qui a parlé d'une "occasion ratée".

Et puisque Médine y sera, d'autres ont renoncé à venir. Comme la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, qui juge que le rappeur "a une position trop ambiguë sur l'antisémitisme" et "avait plaidé pour l'annulation" de sa venue. Ou celui de Bordeaux, Pierre Hurmic, qui refuse de se "disperser dans de vaines polémiques" et préfère rester dans sa ville écrasée par la chaleur. Des adversaires invités se sont aussi décommandés : le ministre de l'Industrie, Roland Lescure, estimant que le rappeur "joue avec l'ambiguïté", ou l'ancien Premier ministre et actuel maire du Havre, Edouard Philippe, pressenti pour un mot de bienvenue.

Médine est par ailleurs également invité à l'université d'été des Insoumis, samedi 26 août près de Valence (Drôme). Et, si son invitation a jeté le trouble chez les Verts, elle semble être beaucoup mieux passée chez LFI. "Médine n'est pas raciste", a assuré Jean-Luc Mélenchon, en ciblant les "soumis au qu'en-dira-t-on des hypocrites", visant entre les lignes les états d'âme de certains écologistes. La députée du Val-de-Marne Mathilde Panot, elle, s'est déclarée "honorée" de la présence du rappeur, mercredi sur France Inter.

Médine reconnaît "une erreur" et confirme sa présence

Après son premier message d'excuse, Médine a répondu plus longuement à la polémique dans deux interviews accordées au Parisien et à Paris-Normandie, mercredi 23 août. "On me traite d'antisémite et cela me broie", se désole-t-il, affirmant que "l'antisémitisme est un poison [qu'il combat] depuis longtemps". Il plaide des erreurs et des maladresses dans certaines de ses prises de positions.

"C'est une erreur, je le reconnais", défend-il, expliquant qu'il n'avait "pas en tête l'histoire de sa famille" lorsqu'il a publié ce "tweet maladroit" quelques jours après un message de Rachel Khan le qualifiant de "déchet". Au passage, Médine se justifie à nouveau de la "quenelle" effectuée il y a près de dix ans avec le polémiste Dieudonné. "Je croyais que [c']était de la liberté d'expression", assure-t-il, disant avoir compris "trop tard" qu'il s'agissait d'un "signe de ralliement antisémite". "On cherche une maladresse ancienne pour me disqualifier, discréditer la gauche à travers moi", estime-t-il, fustigeant "de l'antiracisme de salon" et un "emballement médiatique dérisoire".

Malgré les dissensions que sa venue provoque chez les écologistes, il confirme sa participation au débat prévu jeudi en fin de journée. "Je maintiens ma présence", dit-il, estimant avoir "une expérience à apporter en matière d'antiracisme".

La polémique a en revanche entraîné, mercredi, l'annulation du concert de Médine au festival Les Solidarités, à Namur (Belgique). Les organisateurs ont justifié leur décision par "un souci d'apaisement".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.