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Copé, l'ambition pied au plancher

Jean-François Copé vient d'être élu président de l'UMP, après une campagne âpre et effrénée. Une marche de plus vers son ambition de toujours : devenir président de la République. Portrait de cet obstiné, "pressé" et "cogneur", que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter.
Article rédigé par Cécile Quéguiner
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
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L'enfant qui voulait devenir président. Et vite !

Président, une vocation, une ambition, une obsession... de toujours. Gamin, Jean-François Copé s'y voit déjà. Aîné adulé d'une famille juive des beaux-quartiers de Boulogne-Billancourt, l'enfant découpe la tête des ministres dans les journaux pour se confectionner un trombinoscope format poster du gouvernement sous Pompidou. Dans sa chambre d'étudiant aussi, une carte postale avec la mention "Un jour , je serai Président... ".

"Depuis qu'il a sept ans, il y pense matin et soir ", affirme sa biographe Solenn de Royer, co-auteure de Copé, l'homme pressé . Même le jour de son mariage, il lâche crânement devant ses invités médusés : "Vous avez de la chance, vous assistez au mariage du futur président de la République ". Une ambition qu'il décline partout et dans toutes les langues, malgré les railleries de ses camarades : l'un d'eux à Sciences Po se rappelle de lui lançant "I want to be president of the Republique " en cours d'anglais. 

"Je ne fais jamais de ski. Car si je me cassais une jambe, je perdrais un an"

Une ambition doublée d'une impatience sans nom, d'où le titre de l'ouvrage de Solenn de Royer et Frédéric Dumoulin. Après Sciences Po, l'ENA, il devient le plus jeune directeur de cabinet de France, l'un des plus jeunes députés, décroche la mairie de Meaux à 31 ans. Une carrière au pas de course. Tellement qu'il devient "le premier homme politique de la Ve République à se déclarer candidat 10 ans avant l'échéance ", rappelle Solenn de Royer. Ça se passe en 2007. À lui 2017.

"Il a cette obsession presque pathologique des véritables animaux politiques , analyse la biographe. D'ailleurs, alors qu'il n'était que directeur de cabinet, il avait confié un jour à ses collaborateurs : 'Je ne fais jamais de ski. Car si je me cassais une jambe, je perdrais un an !' " Près de vingt ans plus tard, il fait du jogging et n'a pas ralenti le rythme, enchaînant, pendant sa campagne pour la tête de l'UMP, meeting sur meeting dans toute la France. 

Du "Bébé Chirac " au "Copé-collé de Sarkozy "

Sa carrière politique commence véritablement en 1993, quand il est nommé directeur de cabinet de Roger Romani, sous Balladur, deux ans seulement après sa première apparition au RPR. Il a à l'époque 27 ans, est inconnu au bataillon, se plante devant le bureau de Robert Pandraud et réclame une investiture pour les cantonales. Las. Mais son culot marque les esprits.

Un culot, une habilité, une détermination, "un opportunisme ", complète Solenn de Royer, qui le mèneront d'un cabinet ministériel à l'Assemblée nationale. Jean-François Copé trace sa route. Stoppée net par la dissolution de 1997 décidée par Jacques Chirac. C'est pourtant, lui, son mentor qui le remet en selle en 2002, en le faisant entrer dans le gouvernement Raffarin. Le "bébé Chirac", comme il aime s'appeler lui-même, fait ses classes sous cette aile tutélaire. Avec quelques cheveux en plus, des lunettes et son éternel aplomb, comme en témoigne sa première apparition télévisée en 1995 à Meaux : 

Mais l'homme Copé aime aussi l'adversité. Et sa petite entreprise politique prospère dans sa relation compliquée avec Nicolas Sarkozy. Relation tantôt armée, tantôt intime, faite de brouilles et de réconciliations. Par fidélité proclamée à Jacques Chirac, il s'oppose d'abord à lui, le jugeant "dingue", voire dangereux. Nicolas Sarkozy le lui rend bien en l'écartant du gouvernement lors de son élection de 2007, d'un cinglant : "Copé sera ministre de Meaux ! "

Vexé, c'est alors que Jean-François Copé dévoile publiquement son ambition présidentielle pour 2017. Vexé mais requinqué. Devenu entretemps chef de files des députés UMP, il fait de "l'Assemblée sa citadelle , écrit Frédéric Dumoulin, omniprésent dans les médias qu'il adore, taraudant l'exécutif avec l'arme nouvelle de la 'coproduction législative', méthode qui rompt avec la tradition des godillots gaullistes ". 

C'est à l'usure qu'il obtient en 2010 les clés de l'UMP. Nicolas Sarkozy lui en confie le secrétariat général en échange de son soutien pour la présidentielle de 2012. Marché conclu. Copé se range "à 100% " derrière lui, jusqu'à lui ressembler. Anne-Laure Dagnet, journaliste politique à France Info, qui a suivi sa campagne, le confirme : "En quelques mois, il  a emprunté à Sarkozy ses thématiques, son style, mais aussi ses mimiques, sa gestuelle et même ses intonations ". Selon l'une de ses proches, l'UMP Valérie Rosso-Debord, "Jean-François a été bluffé par Nicolas Sarkozy. Ils ont fini par s'apprivoiser, comme dans une conquête amoureuse ". Reste le slogan de Copé... à double-tranchant : "100% libre, 100% loyal ". 

Un homme de clan et de clash

"100% loyal " ? L'homme se dit en effet "fidèle ". C'est même sa première qualité, selon Valérie Rosso-Debord, Filloniste devenue Copéiste : "Quand j'ai perdu l'élection législative en juin dernier, il m'a appelée le jour-même. Puis le lendemain. Dans le monde politique, c'est rare , témoigne-t-elle. Il connaît bien ses collaborateurs, il envoie des SMS. Il y a toute une galaxie de gens du coup qui sont prêts à le suivre. " Jean-François Copé, surnommé JFC par sa garde rapprochée, a besoin de s'entourer, confirme la journaliste Anne-Laure Dagnet : "Pendant cette campagne, sa femme (Nadia, d'un deuxième mariage) était omniprésente. Même sa petite fille de 3 ans, son ado, étaient souvent là. Et ses collaborateurs lui sont entièrement dévoués , raconte-t-elle. Son directeur de cabinet a même une coque d'iPhone à son effigie ! "

"À la différence de Fillon, le solitaire, Copé chasse en meute"

À la différence de François Fillon, le solitaire, "Jean-François Copé  chasse en meute ", explique Solenn de Royer. Il n'a de cesse d'ailleurs de créer des cercles, des clubs autour de lui, pour "construire son armée " : "Le banquet" avec ses amis de Sciences Po, "Génération France" en 2006 ou "Les Mousquetaires", où il expérimente "la trahison" quand deux des membres de ce groupe, Valérie Pécresse et François Baroin, se rangent derrière François Fillon.

Pourtant, sa colère reste froide. Si Jean-François Copé est décrit comme "un cogneur ", il sait rester calme. "Il adore aller au clash,  raconte Anne-Laure Dagnet, mais il garde la maîtrise. Il s'échappe moins à lui-même qu'un Sarkozy ", dit-elle. Et conserve immanquablement son sourire, comme une marque de fabrique, qui ne trompe personne. Quand la presse le portraitise, les titres sont éloquents : "Copé, l'agressif heureux" dans Le Nouvel Obs , "Le G.I. Joe de l'UMP" dans Les Inrocks ou "L'aiglon de Meaux" dans Libération

JFC, le décomplexé

Ce combattant culotté, dans sa récente campagne pour la tête de l'UMP, s'est fait le chantre de la "droite décomplexée " dont il a même écrit un manifeste controversé. Pour autant, "il n'a pas de colonne vertébrale idéologique très construite , remarque l'auteure et journaliste Solenn de Royer. Il est libéral économiquement, dur sur les thèmes sociétaux, mais il reste plastique et opportuniste. Il ne fait qu'embrasser la théorie de Patrick Buisson sur la droitisation de la société ", comme Nicolas Sarkozy, et parfois François Fillon. Avec ce culot en plus. Qui l'amène toujours un peu plus loin, "jusqu'à coller aux basques du FN ", souligne Anne-Laure Dagnet, avec ses formules choc comme le "racisme anti-Blancs " ou l'affaire du pain au chocolat. 

Mais le qualificatif "décomplexé " vaut aussi pour l'homme, "arrogant ", "bling-bling ", comme le décrit Solenn de Royer. Surtout, il aime l'argent : "C'est son talon d'Achille ", affirme la biographe. Un trait qui lui vaut quelques casseroles (listées par FranceTVInfo) que ne manqueront pas d'exhumer ses rivaux dans une UMP en vrac, après cette campagne. Il y a son embarrassante amitié avec le riche Ziad Takieddine, mis en examen dans l'affaire Karachi. Et son cumul de fonctions... et d'émoluments : Jean-François Copé est maintenant président de l'UMP, maire de Meaux, député de Seine-et-Marne ET avocat d'affaires. Pour tenter d'éteindre les polémiques, il a quitté le trop voyant cabinet Gide-Loyrette Nouel, mais, selon Solenn de Royer, il exerce toujours.

 

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