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Comment influer sur les paradis fiscaux : le combat du Comité catholique contre la faim

Pas facile de peser sur les candidats à la présidentielle à propos de la lutte contre l’évasion fiscale pratiquée par les multinationales. Le Comité catholique contre la faim et le pour le développement (CCFD) en a fait la preuve jeudi.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Délégation du CCFD devant le sièfe de campagne de Nicolas Sarkozy (Pierre Magnan)

Pas facile de peser sur les candidats à la présidentielle à propos de la lutte contre l'évasion fiscale pratiquée par les multinationales. Le Comité catholique contre la faim et le pour le développement (CCFD) en a fait la preuve jeudi.

Le CCFD voulait jeudi que les candidats à la présidentielle prennent position sur ses 16 propositions en faveur d'une "Terre solidaire". Parmi ces 16 propositions, les principales touchent à la question des paradis fiscaux et de l'évasion fiscale pratiquée par les grandes firmes multinationales.

Mais pas simple pour une association sans leader médiatique de mobiliser la presse et faire pression sur les candidats. Tout le monde ne peut réussir le coup de Nicolas Hulot en 2007.

L'association a donc, en ce frais jeudi, affrété un bus à impériale , mobilisé quelque bénévoles (on ne dit pas militants, ici), dont certains déguisés en banquiers, des reproductions d'un chèque de 100 milliards d'euros (le coup de l'évasion fiscale sur un quinquennat) et quelques drapeaux du CCFD. Au programme, se rendre dans chacun des QG des candidats (à l'exception de ceux des extrèmes comme le FN ou les candidats trotskistes, ce qui a suscité des débats parmi les bénévoles).

20 milliards d'euros par an

"Si les caisses de l'État français sont vides, explique le CCFD, c'est aussi à cause de l'évasion fiscale qui siphonne les ressources publiques. La fraude fiscale internationale annuelle, via les paradis fiscaux, prive l'État de 20 milliards d'euros. Cela représente un tiers du budget annuel de l'Éducation nationale !".

Face à ce constat, l'association, qui compte quelque 15.000 bénévoles, veut obtenir l'engagement des candidats sur un certains nombre de points : transparence financière pour les multinationales, modification de la liste officielle de paradis fiscaux, dénonciation des évadés fiscaux…

Bardé de leur enthousiasme et de leurs (faux) costumes de banquiers, les bénévoles défendent leur démarche. "On est la pour que les choses bougent", explique une dame du 92, dont le mari, ancien cadre d'une multinationale appuie l'opération dans sa tenue caricaturale de banquier: malette et chapeau haut-de-forme.

Premier arrêt devant l'Assemblée nationale pour rappeler que les premiers intéressés sont les députés qui vont être élus en juin. Ce sont eux qui devront voter les mesures envisagées par le CCFD. Sur place, la police ne comprend pas bien l'opération et interdit en vain les photos…, avant de finir par laisser faire.

Deuxième arrêt, le siège de campagne de Nicolas Sarkozy, dans le XVe à Paris. Le candidat avait bien reçu les demandes du CCFD mais pas n'avait pas donné suite... Devant l'arrivée du bus et du déploiement militant, après un moment de flottement, une représentante de l'équipe de campagne reçoit une délégation en échange de l'éloignement des "bénévoles" et de leur chèque géant de la façade du siège de campagne.

A la sortie, Bernard Pinaud, le secrétaire général du CCFD, donne la réaction de l'UMP : "l'équipe de Nicolas Sarkozy nous a assuré d'une réponse à la fin de la semaine prochaine. Nos propositions vont être étudiées". Ce n'est certes pas une approbation, mais c'est au moins une prise en compte du dossier et un début d'engagement.

Faute de réponse définitive, "nous gardons" notre chèque, explique Mathilde Dupré, la brillante spécialiste des questions fiscales au CCFD, intarissable sur le nombre de filiales de Total dans le monde. "Il y en aurait 712 mais on n'en connaît que 217".

Alors que les rendez-vous avec les candidats ou les équipes de campagne évoluent en fonction des emplois du temps, on apprend que ce n'est plus la candidate Eva Joly qui recevra la délégation de l'association humanitaire, mais le député européen vert Pascal Canfin.

Ces modifications ne pesent pas sur le moral des membres du CCFD. "Il faut que nois demandes deviennent majoritaires", s'enflamme l'un d'eux. "Il faut faire pression sur les candidats", estime un autre.

Côté PS, au siège de campagne de François Hollande, avenue de Ségur, la délégation devait rencontrer Pierre Moscovici…Rendez-vous annulé au profit d'une rencontre avec Pierre Schapira, membre de l'équipe de campagne, en charge de la coopération décentralisée.

Réponse en début de semaine

En attendant, le bus du CCFD a rendez-vous avec un porte-parole de François Bayrou, Philippe Douste-Blazy. L'ancien ministre et conseiller spécial du Secrétaire général des Nations unies, chargé des sources novatrices de financement du développement. reçoit l'association à l'UNESCO. Après l'entretien, au nom du candidat du Modem, Philippe Douste-Blazy s'est engagé "à apporter une réponse précise en début de semaine prochaine". Mais bon point aux yeux de l'association humanitaire, l'ancien ministre a indiqué que le candidat Bayrou est favorable à une modification de la liste des paradis fiscaux établie par la France. Un bon début…

Restait encore à connaître les engagements du candidat du Front de gauche. Une délégation part en taxi, chèque dans le coffre, rencontrer Martine Billard, numéro deux du Front de gauche. Les réponses globales des candidats seront connues dans les prochains jours et seront rendues publiques sur le site internet de l'association. Quant aux bénévoles, il seront rentrés chez eux depuis longtemps et auront quitté leurs oripeaux de faux banquiers.

Les "banquiers" du CCFD et leur "chèque" devant l'Assemblée (PM)

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