Après les législatives, l'examen critique des militants communistes
Partout en France, les sections du PC dressent le bilan de leurs résultats électoraux mitigés sous la bannière du Front de gauche. Reportage à Aubervilliers, en région parisienne.
"Bon, alors, on vote à main levée ou avec les enveloppes ?", lance la secrétaire de section. "Statutairement, c'est à bulletin secret", chuchote-t-on dans la salle. Ce mardi 19 juin, la section PCF d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), comme toutes les sections communistes, était appelée à se prononcer sur la ligne du parti, après le score honorable du Front de gauche à la présidentielle et son échec aux législatives, avec seulement 10 députés élus.
Le vote proposé par la direction du Parti communiste porte sur trois points :
• Tenter d'infléchir le programme de François Hollande.
• Ne pas participer au gouvernement Ayrault.
• Poursuivre et amplifier "la démarche engagée avec le Front de gauche".
La non-participation au gouvernement, "je ne vois même pas pourquoi on en discute !"
A tout cela, les militants doivent donner une seule réponse. En cochant l'une des trois cases : "oui", "non", "abstention". Parmi la trentaine de militants réunis ce soir-là à Aubervilliers, autour de la figure tutélaire de la ville, l'ancien ministre Jack Ralite, la non-participation au gouvernement ne fait pas débat. "Je ne vois même pas pourquoi on en discute", lâche Francis. D'autres déplorent de devoir accepter ou refuser les trois propositions en un seul bloc, sans pouvoir répondre à chacune des questions.
Car la question des rapports avec le Front de gauche, elle, occupe les esprits. La volonté de poursuivre l'aventure commune n'est pas du goût de la frange la plus dure du parti. "Laissons-nous le temps de décider !", implore le conseiller général Jean-Jacques Karman, l'un des principaux opposants à la direction nationale du PCF.
Il en profite pour critiquer la stratégie de Jean-Luc Mélenchon, embarqué dans son duel contre Marine Le Pen à Hénin-Beaumont : "Le Front de gauche n'a pas fait de campagne nationale au second tour des législatives, c'est indéniable." Caroline Andréani, qui fait partie du même courant, lui emboîte le pas : "Moi, ce qui m'intéresse, c'est le renforcement du PCF avant celui du Front de gauche. On est en train de mettre le doigt dans la création d'un nouveau parti", s'alarme-t-elle, craignant une "dilution du PCF".
"Ne pas cracher sur le reste de la gauche"
Mais dans la section (comme au niveau national), leur avis n'est pas majoritaire. Pour la plupart des militants, l'aventure "Front de gauche" aux élections présidentielle et législatives a été plutôt positive. "Il y a cinq ans, Marie-George Buffet faisait moins de 2% et nous étions menacés de disparition. Là, on a fait un bon résultat, on a réussi à montrer une cohérence d'ensemble, même si on l'a un peu perdue en fin de campagne avec cette focalisation sur le Front national", juge l'un d'eux.
"Les communistes n'ont pas du tout envie de briser le Front de gauche. Ils ont compris que le résultat de ces élections était le point d'accroche pour remettre en cause la vision réformiste du PS", assure Lucien Marest, qui fut conseiller de Jean-Claude Gayssot au ministère des Transports. Le risque d'une dilution du PCF ? "Ce n'est pas le problème", tranche-t-il, davantage préoccupé par le niveau élevé "de la droite et de l'extrême droite". "Dans ces moments-là, il faut se rassembler avec le reste de la gauche, pas lui cracher dessus !"
Ici, le vote "oui" a recueilli 35 voix, et le "non" 6. Sans surprise, la conférence nationale du parti a entériné à une très large majorité, mercredi après-midi, la non-participation au gouvernement. Le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, a prévenu, mardi sur i-Télé, que le Front de gauche avait "intérêt à retrouver un visage collectif".
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