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Quatre questions sur les deux journalistes soupçonnés d'avoir fait chanter le roi du Maroc

Eric Laurent et Catherine Graciet ont été arrêtés, jeudi à Paris, et placés en garde à vue. Ils auraient demandé 3 millions d'euros à Mohammed VI pour éviter qu'ils publient un livre à charge contre lui. Mais ils nient les faits.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 3 min
Le roi du Maroc, Mohammed VI, à l'Elysée, à Paris, le 9 février 2014.  (  MAXPPP)

L'affaire est singulière. Deux journalistes français ayant enquêté sur le Maroc ont été arrêtés et placés en garde à vue,  jeudi 27 août à Paris. Ils sont soupçonnés d'avoir tenté de faire chanter le roi du Maroc, Mohammed VI, en proposant de ne pas sortir leur livre en échange de 3 millions d'euros. Francetv info détaille ce dossier hors normes. 

1Qui sont les deux journalistes ? 

Eric Laurent, 68 ans, travaille notamment à France Culture et Catherine Graciet est une journaliste indépendante. Ils ont déjà écrit un livre à charge contre Mohammed VI en 2012, Le Roi prédateur (Editions du Seuil).

Le journaliste Eric Laurent le 30 août 2006 lors d'un débat du Medef à Jouy-en-Josas (Yvelines).  (PIERRE VERDY / AFP)

Contactées par l'AFP, les éditions du Seuil ont confirmé que les deux journalistes préparaient un nouveau livre sur le roi du Maroc, "pour une sortie en janvier-février". "Je suis sous le choc (...) Je savais que Catherine avait ce projet [de livre]. Si les faits sont avérés, c'est très surprenant de la part de Catherine. Elle n'a pas le profil pour ce type de délit", a réagi le journaliste Nicolas Beau, qui a écrit plusieurs ouvrages avec sa consœur, dont La régente de Carthage : main basse sur la Tunisie (2009, La Découverte), sur Leïla Trabelsi, épouse de l'ex-président tunisien Ben Ali. 

Catherine Graciet a également écrit Sarkozy-Kadhafi, histoire secrète d'une trahison (Editions du Seuil, 2013), où un ancien responsable politique libyen donne du crédit aux accusations de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par le régime de Mouammar Kadhafi. Des faits qui n'ont jamais pu être démontrés de façon formelle.

Quant à Eric Laurent, il a écrit de nombreux livres d'enquête : Aux banques les milliards, à nous la crise, qui doit sortir le 9 septembre, La face cachée du pétrole (Plon, 2006), Bush, l'Iran et la bombe (Plon). En 1993, il avait signé un livre d'entretien avec l'ancien roi du Maroc, Hassan II, père de Mohammed VI (La mémoire d'un roi). 

2Comment a débuté l'affaire ?

Tout aurait commencé le 23 juillet, quand Eric Laurent a contacté une première fois le cabinet royal marocain en indiquant qu'il préparait un livre, raconte, vendredi, Eric Dupond-Moretti, l'avocat du roi du Maroc, sur RTL.

Une première rencontre aurait été organisée le 11 août à Paris avec un avocat, "un de mes confrères marocains", précise-t-il. Selon lui, "Eric Laurent lui aurait dit : 'Ecoutez, moyennant 3 millions d'euros, je ne publie pas mon livre, un livre que je prépare avec Catherine Graciet'".

Sauf que le Maroc décide de porter plainte pour chantage et extorsion. Une deuxième rencontre entre Eric Laurent et l'avocat marocain a lieu le 21 août. Mais cette fois sous la surveillance des enquêteurs. Le journaliste, selon Eric Dupond-Moretti, réitère son offre. Le parquet de Paris ouvre alors une information judiciaire pour tentative d'extorsion de fonds et tentative de chantage, et saisit trois juges. 

3Comment ont-ils été arrêtés ? 

Un troisième rendez-vous est organisé le 27 août, dans un hôtel parisien. Lors de ce rendez-vous, "il y a eu remise et acceptation d'une somme d'argent", assure une source proche du dossier. Selon RTL, Eric Laurent, vraisemblablement accompagné de Catherine Graciet, se serait accordé sur une transaction à 2 millions d'euros et aurait accepté une avance de 80 000 euros en échange de leur silence. 

Surveillés et enregistrés par les enquêteurs, les journalistes ont été interpellés à la sortie de leur rendez-vous. Vendredi matin, ils étaient toujours en garde à vue dans les locaux de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). Eric Dupond-Moretti dénonce un "racket digne de voyous"

4Comment les deux journalistes se défendent ?

Selon RTL, les deux journalistes ne reconnaissent pas la tentative d'extorsion de fonds. Ils estiment être tombés dans un piège et être victimes d'une machination montée par le Maroc. L'avocat de la journaliste, Me Moutet, parle de "coup monté"

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