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A Calais, la visite de Marine Le Pen exacerbe un peu plus les tensions

La présidente du Front national était en visite dans la ville à bout des nerfs pour défendre ses positions sur l'immigration.

Article rédigé par Thomas Baïetto - Envoyé spécial à Calais
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La présidente du Front national, Marine Le Pen, le 24 octobre 2014, à Calais (Pas-de-Calais). (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Sur le parking de la mairie de Calais (Pas-de-Calais), ils se toisent et s'invectivent. Il est 10h30, vendredi 24 octobre, une centaine de Calaisiens et habitants de la région attendent Marine Le Pen de pied ferme. Mais pas tous pour les mêmes raisons. "Marine Le Pen vient récolter la haine qu'elle a semée. Ce n'est pas le FN qui réglera notre problème", lancent une vingtaine de responsables d'associations de soutien aux migrants, rassemblés sous une banderole "Stoppons le Front de la haine".

De l'autre côté du pot de fleurs, les militants FN, plus nombreux, s'agacent de ce comité d'accueil hostile. "Marine vient s'occuper de nous, pas comme le président Mimolette, tacle Jean-Pierre. C'est le bordel à Calais, on est emmerdé par ces gens-là. Tous les jours, il y a des agressions, les gens n'osent plus sortir après 18 heures". Ces "gens-là", ce sont les 2 200 à 2 300 migrants qui se massent dans la ville dans l'espoir de rejoindre l'Angleterre.

"Il y a trop d'immigrés dans le Nord-Pas de Calais"

Christopher, un ancien skinhead de 19 ans, est venu parce qu'il "y a trop d'immigrés en France et dans le Nord-Pas de Calais". Ce sympathisant raconte avoir été insulté et menacé avec un couteau par un migrant dans un bus l'an dernier. Alors, il espère que Marine Le Pen "rapporte de bonnes nouvelles".

 

Les militants scandent des "Marine présidente" #Calais

Une vidéo publiée par @thomas.baietto le Oct. 10, 2014 at 2:15 PDT

Le temps qu'une militante frontiste arrache la banderole "Stoppons le Front de la haine" et voilà la présidente du FN. Accompagnée de Steeve Briois, le maire d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), elle entame une promenade dans une rue de la ville. "S'il y a bien un coin de France qui symbolise la chute de l'Etat et de la République, c'est bien Calais, expliquera-t-elle plus tard devant la presse. Il n'y a plus d'Etat de droit à Calais, il n'y a plus que la jungle", en référence aux noms donnés à certains campements de migrants.

"Faut les dégager"

En attendant, la jungle est plutôt dans la rue du centre-ville. Escortée par une nuée de caméras, son service d'ordre et ses militants, la présidente du Front national se fraye difficilement un chemin. Sur la route, les militants associatifs pro-migrants la suivent, cymbales et casseroles à la main, aux cris de "fasciste, fasciste".

Au milieu des "Marine présidente", un pro-Le Pen lâche : "Faut les dégager, les rastaquouères""Le petit gris, je vais me le faire", lance un autre avec excitation en direction d'un militant beur.

 

"Faciste", "la France solidaire" lancent les pro-migrants #Calais

Une vidéo publiée par @thomas.baietto le Oct. 10, 2014 at 2:20 PDT

Des échauffourées éclatent. Un premier homme tombe à terre. Quelques mètres plus loin, une responsable associative est jetée au sol. "C’est [à cause de] Kevin Reche, le leader de Sauvons Calais. Il m’a frappée parce que je lui ai dit que c’était un petit con", raconte-t-elle. Interrogée sur ce groupuscule anti-migrants, Marine Le Pen prend bien soin de s'en désolidariser. "Dès que je suis là, ils essayent de se mettre sur la photo. Je n’ai aucun point commun avec eux", explique-t-elle. Quant aux manifestants pro-migrants, ce sont "des bolchos qui font de la cymbale, des complices des passeurs", lâche-t-elle.

"Qu’elle se tire de chez nous"

Les Calaisiens, eux, regardent ce drôle de défilé d’un œil perplexe. Nicole, 60 ans, découvre que Marine Le Pen est en ville. Elle trouve cela "bien", même si elle confie ne plus "savoir pour qui voter". "Ça devient terrible, on va être envahi de partout par cette masse qui souffre", lâche-t-elle. Un automobiliste n’est pas de cet avis. "Que cette bonne femme dégage, qu’elle se tire de chez nous, cette facho", peste-t-il.

 

Face à face Marseillaise contre sifflets #Calais

Une vidéo publiée par @thomas.baietto le Oct. 10, 2014 at 2:35 PDT

Après une heure de promenade, la présidente du Front national quitte les lieux. Direction un hôtel sur la plage pour une conférence de presse. Elle tape d'abord sur le gouvernement, qui "ne dit mot de ce qui se passe à Calais et ferme les yeux". Elle dénonce ainsi l’aide médicale de l’Etat et le système français jugé "trop attractif". Oubliant un peu vite que les migrants de Calais n’ont qu’une envie : rejoindre l’Angleterre.

"Permettez-moi d’être d’abord sensible à la situation des Calaisiens"

Le centre d’accueil de jour promis par le préfet ne trouve pas plus grâce à ses yeux. "N’a-t-on pas déjà dépensé suffisamment d’argent public pour les migrants ?", feint-elle de s’interroger, alors même que les associations de soutien aux migrants dénoncent l’inaction de l’Etat. "Ce serait difficile de faire moins", nous a confié Christian Salomé, président de L’Auberge des migrants.

"Bien sûr qu’on peut être sensible au sort des migrants, reconnaît Marine Le Pen. Mais permettez-moi d’être d’abord sensible à la situation des Calaisiens". "Ah ça, les gauchos de No Border [un réseau transnational de collectifs qui milite pour l'abolition des frontières], ils ont le droit aux caméras. Les Calaisiens, non", ironise-t-elle. La présidente du FN n’a manifestement pas regardé ce reportage de France 2 consacré à une ville à bout de nerfs. "La situation est difficile. Cela plombe le tourisme et notre chiffre d'affaires", confiait dans la matinée une gérante de café.

"Il faut mettre fin d’urgence à Schengen"

A écouter Marine Le Pen, régler cet épineux problème "est aussi simple que cela". Il faut "d’urgence mettre fin à Schengen", "rétablir le contrôle aux frontières", lutter contre les passeurs et expulser tout le monde. "Chaque régularisation est un appel à une immigration supplémentaire", estime-t-elle.

"Il faut les renvoyer chez eux !", tonne-t-elle. "Même dans un pays en guerre ?", demande un journaliste. "Oui !", répond la présidente du Front national. Un discours attendu et redouté par les associations de soutien à ces migrants soudanais, érythréens et éthiopiens. "Les politiques cherchent à être élus, résume Christian Salomé. Et les réfugiés de guerre ne votent pas."

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