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60e anniversaire de la Constitution de la Ve République : "Il faut réduire certains pouvoirs du président"

La constitutionnaliste Marie-Anne Cohendet estime, alors qu'Emmanuel Macron doit prononcer un discours jeudi devant le Conseil constitutionnel sur le 60e anniversaire de la Constitution, que "cette Ve République ne peut pas bien fonctionner" parce que "ce n'est pas un système équilibré".

Article rédigé par franceinfo
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Le Conseil constitutionnel, rue Montpensier, à Paris. (DANIEL FOURAY / MAXPPP)

"Il faut réduire certains pouvoirs du président pour qu'il ne puisse pas avoir tendance à les concentrer", a affirmé sur franceinfo jeudi 4 octobre Marie-Anne Cohendet, constitutionnaliste et spécialiste des institutions de la Ve République, alors qu'Emmanuel Macron doit prononcer un discours devant le Conseil constitutionnel sur le 60e anniversaire de la Constitution. La professeur de droit public à l'université Panthéon-Sorbonne estime que "cette Ve République ne peut pas bien fonctionner" parce que "ce n'est pas un système équilibré".

Selon un sondage Odoxa-Dentsu consulting pour franceinfo et Le Figaro, seuls 10% des Français sont très attachés à la Ve République. Beaucoup estiment que ce régime est inefficace et à bout de souffle. Partagez-vous ce constat ?

Marie-Anne Cohendet : Oui, depuis un certain nombre d'années, on constate que cette Ve République ne peut pas bien fonctionner parce que, dans le texte, le président de la République est un arbitre et c'est le Premier ministre qui doit diriger et, dans les faits, c'est le président qui dirige tout. De surcroît, les Français l'élisent en imaginant qu'il va leur donner la Lune. Pendant quelques années, ça va et, rapidement, sa popularité décline, avec un fort mécontentement. Ce n'est donc pas un système équilibré.

Que remettez-vous en question : le texte lui-même ou la pratique du pouvoir ?

C'est surtout la pratique du pouvoir mais il y a quand même quelques dispositions dans le texte qui favorisent cette pratique, ou pour le moins les mauvaises habitudes qui ont été prises à partir de De Gaulle et surtout après lui. De Gaulle ne se mêlait pas de tout : il s'occupait surtout de la défense et de la diplomatie mais il ne dirigeait pas tous les domaines. (...) Au début, on avait l'impression qu'Emmanuel Macron avait une pratique gaullienne, qu'il se concentrait surtout sur la défense et la diplomatie, en laissant relativement le Premier ministre gouverner.

Progressivement, on a l'impression qu'il intervient dans beaucoup de domaines, qu'il veut contrôler. Ça peut poser problème avec le Premier ministre. Enfin, il y a un autre problème : M. Macron a été élu pour faire une politique qui ne soit ni de droite ni de gauche. Il a choisi un Premier ministre de droite donc il fait une politique de droite et ça pose problème aussi par rapport à l'opinion.

Cela veut-il dire que le pouvoir présidentiel est trop fort, alors qu'il semble pourtant être un gage de stabilité ?

Non, [ce n'est pas forcément un gage de stabilité] parce que dans tous les autres pays de l'Union européenne, les institutions sont stables. On ne peut pas dire qu'Angela Merkel et son gouvernement ne soient pas stables, au contraire. Si on avait comme chef de l'exécutif le Premier ministre, comme c'est écrit dans la Constitution, on pourrait avoir des institutions plus stables parce que ce Premier ministre serait contrôlé, on pourrait le mettre à la porte s'il faisait une politique qui ne nous convient pas mais, surtout, il serait contraint d'être beaucoup plus à l'écoute du peuple. Quand les citoyens et les parlementaires ne sont pas contents de la politique de Mme Merkel, elle est obligée de les écouter et d'infléchir sa politique. En France, comme le président ne risque rien, il continue à faire ce qu'il a envie de faire et les Français ne sont pas contents. (...) Il faut réduire certains pouvoirs du président pour qu'il ne puisse pas avoir tendance à les concentrer. Chaque fois qu'on concentre les pouvoirs, cela se termine mal.

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