Paroles de Français + Interview avec Meryl Streep
Notre rendez-vous du dimanche avec les "Paroles de Français" sur l'actualité. Cette semaine, nous nous sommes rendus dans un atelier de fleuristes parisien.
La Saint-Valentin, c'est la plus grosse fête sur un seul jour pour nous, fleuristes.
En termes de chiffre d'affaires, c'est la plus grosse journée.
C'est d'ailleurs la journée où on a le plus d'hommes en boutique.
Il y a aussi quelques femmes qui viennent acheter un bouquet pour leur homme, mais plus pour le côté ironique.
Il y a aussi des femmes qui se font livrer un bouquet au bureau.
Il y a des clients qui viennent deux fois dans la journée.
Des clients qui choisissent des choses différentes pour en général deux femmes, la femme et la maîtresse.
Ça ne m'étonne pas trop, en même temps.
C'est une ou deux roses pour la femme et il faut y aller à fond pour la maîtresse.
Médiatiquement, ça a été positif, et puis c'est valorisant de voir que l'Amérique peut porter un autre regard sur nous, autre qu'avec le béret et la baguette de pain.
On a François Hollande qui va voir les entrepreneurs à San Francisco mais qu'est-ce qu'il va en faire? Est-ce pour aider les entrepreneurs en France? Créer de l'innovation? Si c'est ça, c'est formidable, sinon.
Je pense qu'il y a suffisamment de demandeurs d'emploi en France pour trouver des gens qui accepteraient de travailler le dimanche.
Il ne faut pas que ça fasse de mauvaise concurrence aux autres et surtout qu'ils puissent travailler dans des conditions décentes avec un salaire valorisé.
Tout le monde, globalement, est pour l'ouverture le dimanche à condition de ne pas en être. Ce n'est pas forcément évident de maintenir un bon modèle familial en travaillant le dimanche. La famille a-t-elle besoin de se retrouver dans des temples de la consommation? Pas sûr.
L. Delahousse : Pour présenter notre invitée de ce soir, on pourrait ouvrir le dictionnaire des synonymes pour alimenter quelques superlatifs. Il suffit parfois de vous livrer une petite liste de films pour tout comprendre: "Voyage au bout de l'enfer", "Manhattan" "Out of Africa", "Sur la route de Madison", "La Dame de fer", et aujourd'hui, "Un été à Osage County". Pourquoi a-t-elle été nommée 18 fois aux Oscars? Simplement parce qu'elle est LA comédienne. Bonsoir Meryl Streep, merci d'être avec nous. Nous clôturons de la plus belle des façons cette semaine franco-américaine. Notre président a été chez vous aux Etats-Unis, la conclusion de Barack Obama et de François Hollande a été que la France et les Etats-Unis étaient des amis pour toujours. Vous trouvez que cette définition est belle.
M. Streep : J'espère! On m'a invitée à ce dîner. D'ailleurs, je n'ai pas pu y aller pour être avec.
L. Delahousse : Vous.
L. Delahousse : Vous avez quelle image des Français.
M. Streep : Beaucoup d'esprit, très compliqués, beaucoup de contradictions, de styles également. Avec un côté comique, mais également dramatique.
L. Delahousse : Des Français très comédiens, donc.
M. Streep : C'est ça.
L. Delahousse : Ce qu'on ignore, c'est que vous êtes une femme engagée. Si je dis que votre héroïne est Hillary Clinton, c'est vrai.
M. Streep : Oui, je suis une grande admiratrice. J'espère qu'elle va se présenter aux prochaines élections présidentielles. Mais on n'en sait rien.
L. Delahousse : On verra si les Américains sont prêts à élire une femme à la Maison-Blanche.
M. Streep : Je pense que les Américains sont prêts. Mais je ne suis pas entièrement convaincue qu'ils accepteront une femme. Ce sont deux choses différentes.
L. Delahousse : Dix-huit nominations aux Oscars, une pour ce dernier film. Vous dites que ces récompenses rebondissent sur vous, elles arrivent et repartent.
M. Streep : Les récompenses, cela me rend très nerveuse. Cela veut dire que je dois trouver une robe. Une robe que tout le monde va critiquer.
L. Delahousse : C'est étonnant que vous n'aimiez pas cela.
M. Streep : Je devrais aimer tout cela, car je suis une femme, mais ce n'est pas le cas. Qu'est-ce que je peux dire d'autre? C'est comme ça.
L. Delahousse : Voilà votre histoire, celle d'une comédienne à part. Vous avez donné à votre carrière une galerie de personnages doux, durs, violents, apaisants, touchants et sombres. Le dernier en date, c'est cette mère de famille dans un "Un été à Osage County".
"Vous avez déjà divorcé? Il y a une femme plus jeune dans ta vie? Tu n'as aucune chance!.
Méconnaissable Meryl Streep, une fois encore, en mère de famille aussi indigne qu'émouvante. Car Meryl Streep, c'est d'abord une incroyable capacité à s'effacer derrière des personnages aux antipodes les uns des autres et de ce qu'elle est. D'abord actrice de théâtre, on l'a d'ailleurs volontiers cantonnée au cinéma dans des rôles de femme fragile, comme dans "Kramer contre Kramer", son premier grand film et son premier Oscar.
"Si tu fais ça, je me fiche par la fenêtre.
Son nom est alors très vite associé aux plus grands films américains des années 80 et 90. Qui n'a pas vibré aux émois de Karen Bixen dans "Out of Africa", avec Robert Redford? Un amour malheureux auquel succède celui, impossible, de "La Route de Madison", de et avec Clint Eastwood. Mais loin de ces héroïnes romanesques cultes, Meryl Streep n'aura de cesse de multiplier les changements de registres et les défis, fidèle en cela à ses premières ambitions.
Ce qui est dommage dans ce métier, c'est qu'il n'y a pas assez de grands rôles de femmes.
Elle aura eu tellement de grands rôles de femmes qu'il est difficile de tous les citer. Après "Le Diable s'habille en Prada", elle est étonnante dans "Mamma mia!". Elle séduit toutes les générations et est aujourd'hui une star, elle qui à ses débuts ne l'envisageait pas une seconde. Une star accueillie comme telle à Paris, Berlin, Londres. Une star à laquelle d'autres stars rendent hommage.
Quand elle joue, Meryl a la précision d'un chirurgien. Elle parvient ici une nouvelle fois à nous faire rire autant qu'à nous tirer les larmes.
L. Delahousse : Vous avez fait le choix d'interpréter ce personnage, cette mère de famille quasiment infréquentable. Votre plus jeune fille, au départ, a eu peur de ce personnage, elle vous a dit quoi.
M. Streep : La première de mes filles qui a vu le film a pleuré à la fin, elle m'a dit que j'étais formidable mais que tout le monde allait me détester.
L. Delahousse : Quel type de mère avez-vous été? Une mère poule.
M. Streep : Je suis une mère parfaite.
L. Delahousse : Quand deux de vos filles viennent vous voir en vous disant qu'elles vont être comédiennes, vous réagissez comment.
M. Streep : Pendant toute leur vie, je leur ai dit de faire des maths, des sciences, en espérant qu'elles soient des biologistes moléculaires, des physiciennes. Mais apparemment, ce n'est pas dans notre ADN. Soit! Si elles ont envie d'être actrices, cela me rend heureuse mais en même temps j'ai peur pour elles car c'est un métier incertain. Mais elles ont envie d'aller de l'avant et c'est très excitant.
L. Delahousse : Qu'est-ce que ce métier de comédienne vous a apporté de bon.
M. Streep : Etre actrice? Mon Dieu! Cela m'a permis d'avoir une vraie vision sur ma vie. C'est un peu comme ma thérapie. C'est un moyen pour moi d'exprimer tous les sentiments que je ressens. Sans cette profession, je serais folle et probablement suicidaire.
L. Delahousse : Beaucoup de jeunes comédiennes voient en vous une référence, si vous aviez un conseil à leur donner.
M. Streep : Ne vous inquiétez pas de votre poids! C'est vraiment la dernière chose à laquelle il faut penser. Il faut manger tant que vous avez assez d'argent pour le faire.
L. Delahousse : Si vous n'aviez pas été comédienne, vous auriez pu être quoi? Musicienne.
M. Streep : J'aurais beaucoup aimé, j'aimerais tellement pouvoir jouer du piano. Mais j'ai envie d'être beaucoup de choses différentes. Et c'est pourquoi j'adore jouer, car j'arrive à me projeter dans pleins de vies différentes.
L. Delahousse : Vous avez l'habitude de dire que vous n'êtes pas une star. On va en écouter une que pas une star. On va en ÉCOUÎGF une que vous aimez beaucoup. La Callas chante "La Norma" de Bellini.
L. Delahousse : Je sens une émotion forte dans vos yeux.
M. Streep : C'est la plus grande artiste du XXe siècle pour moi. Elle a quelque chose de divin. La musique transcende. Merci beaucoup.
L. Delahousse : Merci beaucoup, c'était un vrai moment d'émotion. On aurait pu faire cette interview en français.
M. Streep : La prochaine fois.
L. Delahousse : On vous retrouve dans "Un été à Osage County". Bon retour. Voilà, c'est la fin de ce journal! La météo puis du cinéma, "Burn after reading", des frères Coen.
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