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Invités : Niels Arestrup et André Dussollier au cinéma dans "Diplomatie"

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Article rédigé par franceinfo
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M. Drucker : Ils sont côte à côte pour nous présenter un face-à-face exceptionnel, deux grands acteurs qui dialoguent à huis clos pour l'histoire dans "Diplomatie", en salle mercredi prochain. L'un va tenter d'empêcher l'autre de détruire Paris. Niels Arestrup, André Dussollier, bonsoir, merci d'être avec nous ce soir. André Dussollier, vous avez été l'un des acteurs fétiches d'Alain Resnais. On imagine votre tristesse. Vous serez à l'affiche fin mars de son dernier film. Vous pouvez nous dire un mot du cinéaste qu'il était.

A. Dussollier : C'est un metteur en scène qui n'a jamais cessé d'innover. C'est pour cela qu'il a été récompensé à Berlin pour son dernier film. A chaque fois, c'était une aventure nouvelle et des rôles inattendus. C'était un homme qui s'intéressait à tout, qui était un homme de spectacle.

M. Drucker : C'est pour cela qu'il était à la fois chef opérateur, monteur, réalisateur.

Jeme.

Je me sens bricoleur. Je trouve que dans un film, il y a énormément de travail manuel.

M. Drucker : Niels Arestrup, vous l'avez connu rapidement le temps d'un tournage en 1974, dans "Stavisky". Quel souvenir en gardez-vous.

N. Arestrup : Je ne peux pas prétendre l'avoir connu, j'avais un tout petit rôle dans ce film. Je me souviens en tout cas de l'attention, de la gentillesse, de la douceur et du regard. Il arrivait à vous faire croire que vous aviez quelque chose de déterminant à jouer dans son film. Parce qu'il aimait les acteurs, le cinéma, c'était un homme attentif et très exigeant.

A. Dussollier : Mais soucieux de la créativité de chacun, acteurs comme techniciens.

M. Drucker : On va parler maintenant de "Diplomatie", les 15 jours où le général Dietrich Von Choltitz fut le gouverneur du grand Paris.

La nuit du 24 au 25 août 1944. Dans "Diplomatie", le consul de Suède a une nuit pour convaincre le général Von Choltitz de ne pas détruire Paris comme Hitler lui en a donné l'ordre.

"Je vous conseille de quitter Paris le plus vite possible.

Pour aller où.

Chez vous.

Mais je suis chez moi. C'est vous qui n'y êtes pas".

Cette rencontre a été déterminante. Raoul Nordling, diplomate suédois, est né à Paris. Dietrich Von Choltitz a participé à toutes les batailles sanglantes du Ille Reich. En 1944, les deux homme ont négocié pendant des jours dans la suite de l'hôtel Meurice où le général résidait. Un face-à-face éprouvant, mais le 25 août au matin, Von Choltitz se rend à un soldat français.

Je me suis annoncé, je lui ai demandé s'il se rendait. Il m'a répondu oui.

Paris ne sera pas détruite, Von Choltitz n'a pas obéi à Hitler.

Ce qui est totalement mystérieux pour moi, c'est pourquoi il ne l'a pas fait. Il avait toujours obéi à tous les ordres. Que s'est-il passé chez cet homme face à une situation pareille.

20 ans après la guerre, Dietrich Von Choltitz a donné sa propre appréciation des faits. Mais au-delà des raisons, "Diplomatie" soulève des questions intemporelles et universelles.

"Il y a bien des limites au-delà desquelles l'obéissance cesse d'être un devoir?.

M. Drucker : Aujourd'hui, Niels Arestrup, avez-vous une conviction sur les raisons profondes qui l'ont poussé à désobéir à Hitler.

N. Arestrup : Non, ce sont les mystères de l'âme humaine. Personne ne peut prétendre savoir ce qui s'est passé dans le cerveau de cet homme, vivant dans une telle pression. Il sait qu'il peut tuer des millions de Parisiens, les Allemands ont mis des charges explosives sur l'ensemble des ponts, sur les monuments. C'est un Prussien, fils, petit-fils, arrière-petit-fils de militaires. Ce n'est pas un sentimental. Il a été nommé par Hitler parce qu'il ne désobéissait jamais. Je crois qu'il était prêt à aller jusqu'au bout de cet ordre, et qu'il a été frappé à un moment de l'absurdité de ce qui lui était proposé.

M. Drucker : Dans "Paris brûle-t-il?" de René Clément, on était dans un film historique. Avec "Diplomatie", la mise en scène, le décor de cette chambre, nous fait un peu sortir de l'histoire. On entre plus dans une fable humaine, c'est la confrontation de deux âmes mystérieuses.

A. Dussollier : Cela met tout de même en scène deux personnes qui ont existé, qui se sont rencontrées. Mais Cyril Gély et Volker Schloendorff ont imaginé que la rencontre se déroulait sur une nuit, et qu'il fallait convaincre. Cela a valeur d'exemple. Cela révèle un pan de l'histoire un peu méconnue, et avec ce que l'on a dit au journal aujourd'hui sur la diplomatie, c'est de voir que les grands conflits peuvent être résolus par la conscience des hommes. Cela repose sur les épaules d'individus comme ceux-là.

M. Drucker : C'est la mise en scène de deux hommes cultivés. Vous rendez sympathique le Von Choltitz que vous incarnez.

N. Arestrup : Que faire d'autre? C'est un être humain. La barbarie et la violence sont en chacun d'entre nous. C'est une question de circonstances et d'évolution de vie. Ce qu'il y a de terrible, et ce que nous avons essayé de montrer, c'est que ce sont des hommes avec leurs doutes, leurs inquiétudes, leurs amours, leurs tendresses. C'est delà que naît la monstruosité. On peut peut-être en regardant cela se dire que c'est terrible, car cet homme me ressemble.

A. Dussollier : Il n'y a pas un bon et un méchant. Ils ont tour à tour un argument recevable. Il y a non seulement les arguments mais aussi la faiblesse physique de Von Choltitz.

M. Drucker : Merci à tous les deux d'être venus nous présenter "Diplomatie". Félicitations Niels Arestrup pour votre César du meilleur acteur dans un second rôle, pour "Quai d'Orsay". Vous êtes heureux.

N. Arestrup : Oui, bien sûr.

M. Drucker : Vous êtes le seul acteur français à avoir obtenu trois César pour le meilleur second rôle. C'est un record! Merci beaucoup.

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