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"Ma famille sur place souffre, je préfère être ici" : pour ces Vénézuéliens, l'avenir est en Colombie

Plus d'un million de personnes ont fui le Venezuela pour la Colombie ces trois dernières années. "C'était la décision la plus juste, on a fait ces sacrifices pour nos enfants, pour leur offrir un futur."

Article rédigé par Benjamin Illy - édité par Adèle Bossard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Dans une rue de Bogota, en Colombie. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Selon les autorités vénézuéliennes, tout ne serait que mensonge et invention. Le gouvernement de Nicolas Maduro voit "une intervention étrangère" dans la plus grave crise migratoire de l'histoire de l'Amérique Latine. Les pays de la région doivent se réunir à partir de lundi 3 septembre à Quito pour faire le point.

Selon l'ONU, 1,6 million de Vénézuéliens ont fui depuis 2015 leur pays, la pauvreté, et les pénuries en tous genres. Cela représente 7,5% de la population. Ils trouvent refuge dans les pays voisins, au Brésil, au Pérou, en Équateur et bien sûr en Colombie. Ce pays a vu entrer plus d'un million de Vénézuéliens sur son territoire ces dernières années.

Avec les migrants vénézuéliens à Bogota, le reportage de Benjamin Illy

À Bogota, le quartier résidentiel Cedritos a été rebaptisé Cedrizuela car il abrite une importante communauté vénézuélienne. Alejandro Mendes, ancien animateur de radio à Caracas, a élu domicile dans le quartier depuis deux ans. Au coin de la rue, il croise Amador, un ami colombien, concierge de son immeuble, qui souhaite la bienvenue aux Vénézuéliens : "La xénophobie est une réalité dans d'autres secteurs de la ville mais pour moi, les frontières n'existent que dans la tête".

Fabiola, Alejandro et leurs enfants. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Alejandro est installé avec toute sa famille dans un petit appartement avec sa femme, Fabiola, et leurs deux enfants, bientôt trois. Ils sont en règle et ont même créé une entreprise : ils gèrent la communication de plusieurs sociétés colombiennes sur les réseaux sociaux. Mais ils ont surtout lancé un site internet, un guide en ligne pour aider les migrants, ceux qui ont quitté le pays, la patrie. Alejandro, lui, n'a jamais regretté cette décision.

"C'était la décision la plus juste", explique-t-il. "Oui, je faisais une carrière à la radio au Venezuela. Ici ce n'est pas le cas, pas encore. Mais on a fait ces sacrifices pour nos enfants, pour leur offrir un accès à l'éducation, à la santé, aux loisirs, à la sécurité. Pour leur offrir un futur."

Au Venezuela, c'est impossible d'acheter du pain, des couches, du lait

Fabiola

à franceinfo

"Toutes ces choses basiques, on ne peut pas les avoir", poursuit Fabiola. "Vous ne pouvez pas accéder aux soins, des enfants ou des adultes meurent à cause du manque de médicaments. Il n'y a pas de futur ni de liberté au Venezuela".

Diego, qui a quitté le Venezuela il y a dix mois, vend des bollitos, un plat typique de son pays, à Bogota. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Toujours dans le quartier de Cedrizuela, la plupart des commerces de rue de la calle 140, ou "ciento cuaranta", sont tenus par des migrants vénézuéliens. Diego est l'un d'eux, il vend des bollitos, un plat typique du Venezuela à base de farine de maïs. Il a 38 ans et a quitté son pays il y a dix mois, fatigué par l'aveuglement du président Nicolas Maduro. "Il y a une crise grave et lui, il ne veut pas assumer, il veut pas faire face. Il est en train de tuer le peuple, il fait fuir le peuple, littéralement. Nous ne migrons pas, nous fuyons notre pays."

"Je préfère travailler dans la rue qu'être là-bas"

À quelques kilomètres de là, dans le quartier populaire de San Cristobal Norte, se trouve "una casa de cambio", un bureau de change illégal. Les migrants envoient discrètement de l'argent à leur famille au Venezuela. C'est ce que fait Angie, 31 ans, arrivée il y a six mois avec sa fille. Elle n'a pas de papiers, pas de permis de séjour et malgré son diplôme de comptable, elle vend des fruits pour s'en sortir. "Je travaille 14 heures par jour", raconte-t-elle.

Sans papiers, difficile de trouver un bon emploi mais c'est toujours mieux que d'être au Venezuela

Angie

à franceinfo

"Mon rêve, c'est de rentrer dans mon pays", poursuit la jeune femme. "Mais quand la catastrophe sera derrière nous. Avec ce mauvais gouvernement, nous n'avons pas d'eau, pas d'électricité là-bas. Nous n'avons rien. Ma famille sur place souffre. Je préfère être ici, travailler dans la rue, qu'être là bas", dit Angie, toujours souriante, en trainant son petit chariot derrière elle.

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