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Présidentielle américaine : pour les victimes d'abus sexuels, une campagne éprouvante mais libératrice

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des femmes participent à une manifestation contre Donald Trump devant l'une des tours du milliardaire à Chicago (Illinois), le 18 octobre 2016, aux Etats-Unis. (JOSHUA LOTT / REUTERS)

Les accusations visant Donald Trump ont réveillé les traumatismes des victimes d'abus sexuels, désormais décidées à se faire entendre.

Washington, Philadelphie, Seattle, New York, Chicago... Sur la page Facebook de #GOPHandsOffMe (Républicain, retire tes mains), les rassemblements s'enchaînent. Depuis le 12 octobre, des Américaines manifestent dans tout le pays pour dénoncer le comportement de Donald Trump, accusé d'agressions sexuelles, ainsi que les réactions de son entourage républicain.

La colère de ces femmes a explosé mi-octobre après la révélation, par le Washington Post, d'un enregistrement datant de 2005 où le candidat républicain tient des propos sexistes. "Quand on est une star, elles nous laissent faire. On fait tout ce qu'on veut", lâche ainsi le milliardaire, plaisantant sur la possibilité d'"attraper" les femmes par "la chatte".

La révélation de ces propos, minimisés par le milliardaire lors de son deuxième débat télévisé face à Hillary Clinton, a fait l'effet d'une bombe dans un pays où une femme sur six a déjà été victime d'un viol ou tentative de viol, selon les chiffres du Rape, Abuse & Incest National Network (RAINN), le réseau national de lutte contre le viol, les abus sexuels et l'inceste.

Stress post-traumatique

Pour les victimes d'abus sexuels, la folie médiatique suscitée par les déclarations de Trump, ses dénégations, les critiques envers les femmes ayant témoigné, puis les débats autour de l'absence de plaintes ont été douloureux à vivre. Sur la chaîne CNN, la psychiatre Gail Saltz confirme que cette situation peut réveiller un stress post-traumatique chez les victimes, qui tentent d'oublier leurs agressions passées. Elles sont susceptibles de subir anxiété, insomnies et cauchemars.

"Pour des personnes qui n'ont pas vécu ces expériences, c'est compliqué de comprendre qu'en ce moment – et on en parle tous les jours dans les médias – c'est vraiment difficile pour de nombreuses personnes", explique Ebony Tucker, porte-parole de l'alliance américaine pour la fin des violences sexuelles, lors d'un Facebook Live du Washington Post. "Des souvenirs importants, parfois traumatisants" refont surface à la lumière des récits d'abus sexuels, renchérit la professeure de psychologie Bethany Teachman dans le journal universitaire Cavalier Daily.

La preuve, dès la publication de la vidéo de Donald Trump, le standard du RAINN a bondi : le nombre d'appels passés par des victimes ou des proches de victimes a augmenté de 35 %, affirme le réseau au Washington Post.

Des milliers de témoignages affluent

S'il a fallu gérer la résurgence de souvenirs douloureux, les accusations visant Donald Trump ont parfois été un déclic pour celles ayant déjà été "tripotées dans des discothèques ou dans le métro, victimes d'appels de phare dans la rue, réduites au silence", raconte le New York Times. Ulcérées, beaucoup ont choisi de briser la loi du silence et la honte entourant leur propre agression.

Pour la première fois, après trente ans de mariage, Nancy Fagin a ainsi raconté à son mari l'agression qu'elle a subi plus jeune. "Je me devais de le dire", explique cette habitante de Chicago, âgée de 62 ans, au quotidien américain.

Elle est loin d'être la seule. Partout aux Etats-Unis, les langues se délient. Sur les réseaux sociaux, l'auteure canadienne Kelly Oxford a sollicité les femmes afin qu'elles lui racontent leur première agression car "ce ne sont pas que des statistiques". L'écrivaine a initié le mouvement en racontant son histoire : "Un vieil homme dans le bus attrape ma 'chatte' et me sourit. J'ai douze ans."

Résultat : plus de 13 000 retweets et une avalanche de témoignages rassemblés sous le hashtag #NotOkay. En à peine 24 heures, des milliers de femmes avaient déjà confié à Kelly Oxford leurs agressions dans le bus, dans la rue ou à l'école, les remarques déplacées, voire leurs viols par des proches.

"Ce n'est pas juste une conversation de vestiaire"

Pour Ebony Tucker, c'est bien "le point positif" de cette campagne présidentielle. "Nous avons une vraie opportunité pour en parler", explique-t-elle sur Facebook. "Les personnes qui ne connaissaient rien au sujet sont plus enclins à en discuter, ils veulent apprendre, voir ce qu'ils peuvent faire" pour lutter contre les violences faites aux femmes.

Ce coup de projecteur donne surtout de la force aux victimes qui, moins seules, sont désormais décidées à faire de leurs expériences une arme contre Donald Trump. Le Planning familial américain a ainsi publié cette vidéo poignante, dans laquelle plusieurs victimes d'agressions sexuelles prennent tour à tour la parole : "J'ai regardé cette vidéo de Donald Trump. Je l'ai entendu se vanter d'avoir touché des femmes. Je l'ai entendu rire. Et je l'ai entendu dire que ce n'était que des 'conversations de vestiaires'. Ce qui m'est arrivé n'est pas juste une conversation de vestiaire. Nous méritons un président qui comprend cela", affirment-elles face caméra.

Réduites au silence, les 288 820 victimes annuelles d'abus sexuels aux Etats-Unis (selon le RAINN) trouvent ici une parfaite occasion de porter leurs expériences sur la scène politique. Dans une tribune publiée le 11 octobre, plus de 3 000 victimes appellent ainsi les cadres républicains à arrêter de soutenir Donald Trump.

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