Présidentielle américaine : comment des Républicains hostiles à Trump sont devenus des militants pro-Clinton
De plus en plus de ténors du Grand Old Party prennent la parole pour appeler à voter pour la candidate démocrate, ulcérés par les polémiques qui entourent les déclarations fracassantes de Donald Trump.
Chez les républicains, le tabou du vote en faveur de la démocrate Hillary Clinton à l'élection présidentielle américaine est tombé. Jeudi 4 août, plusieurs personnalités de droite ont publiquement lâché Donald Trump, plongé dans l'une des plus graves controverses de sa campagne à ce jour.
Depuis jeudi, le magnat de l'immobilier s'enlise dans une polémique qui l'oppose aux Khan, un couple d'origine pakistanaise, dont le fils militaire a été tué en Irak en 2004. Ce jour-là, le père de famille, Khizr Khan, avait dénoncé à la tribune de la convention démocrate les propos anti-musulmans de Donald Trump. Le candidat avait alors aussitôt contre-attaqué, suscitant l'indignation dans un pays qui prend très à cœur les questions liées aux vétérans et aux soldats morts au combat.
Les républicains qui ont craqué après l'affaire Khan
Si, à ce jour, la plupart des élus républicains du Congrès, ainsi que les dirigeants du parti, continuent de soutenir sur le papier Donald Trump ou de dire qu'ils ne voteront ni pour lui, ni pour Hillary Clinton, les évènements récents ont ébranlé ce statu quo et les défections se sont accélérées après la fin des primaires. Mardi, Richard Hanna – qui avait déjà annoncé ne pas vouloir voter pour Trump – est devenu le premier élu républicain du Congrès à officialiser son vote pour Hillary Clinton lors des élections de novembre. "Dans sa dernière salve d'insultes, monsieur Trump s'en est pris aux parents d'un soldat américain tombé au combat. Où se situe la ligne rouge ?" demande-t-il dans une tribune.
Le même jour, Sally Bradshaw, ancienne conseillère de l'ancien candidat de la primaire Jeb Bush, a carrément quitté le parti républicain, a annoncé CNN. "Je ne peux pas regarder mes enfants dans les yeux et leur dire que j'ai voté Donald Trump. Je ne peux pas leur dire d'aimer leur voisin et de les traiter comme ils aimeraient être traités et ensuite aller voter pour Donald Trump", explique-t-elle, soulignant que les remarques "méprisables" du candidat à l'égard de la mère du soldat Khan lui "ont donné envie de vomir".
Enfin, mardi a également vu la défection de Maria Comella, une ancienne membre de l'équipe du sénateur Chris Christie, soutien de Trump, et de Meg Whitman, l'influente patronne de Hewlett-Packard.
Ceux pour qui voter Trump, c'est déjà cautionner "les forces du mal"
Ils ont travaillé à la Maison Blanche au plus près d'un président républicain, mais ne veulent pas que le nouveau candidat du parti occupe le bureau ovale : Brent Scowcroft, ancien conseiller à la sécurité nationale du président George W. Bush, Richard Armitage, ancien secrétaire d'Etat adjoint du président Bush fils, Hank Paulson, ancien secrétaire au Trésor du même président, ont tous annoncé, en mai et juin, qu'ils voteraient pour Hillary Clinton.
Avant l'affaire Khan, ces professionnels de la politique dénonçaient un candidat incompétent, voire dangereux. Fin juin, le républicain Mark Salter, ancien chef de cabinet de John McCain, candidat à la présidentielle en 2008, publiait une tribune incendiaire contre Donald Trump, qualifié de "charlatan". "Je n'arrive pas à croire que je soutiens Clinton", a pour sa part écrit à la mi-juin l'ancien sénateur Larry Pessler, juste après la tuerie dans une boîte de nuit gay d'Orlando, en Floride. "Beaucoup de républicains disent : 'je resterai chez moi, je ne voterai pas'. Ou 'je voterai pour le troisième candidat.' Mais s'ils ne votent pas, ils donnent plus de pouvoir aux forces du mal", écrivait-il.
Ceux qui râlent, mais qui restent
Selon NBC (lien en anglais), un groupe de poids lourds républicains, dont l'ancien maire de New York Rudy Giuliani, envisage de plaider directement auprès de Donald Trump pour qu'il rentre dans le rang. Des ténors du parti, dont son président, Reince Priebus, seraient furieux que le candidat ait fait le choix de l'escalade verbale pour répondre à Khizr Khan.
Le président de la Chambre des représentants, Paul Ryan, ou encore le sénateur John McCain ont d'ailleurs vivement condamné ses propos. "Trump se comporte comme s'il était encore aux primaires, quand il y avait 17 candidats", a déploré son allié Newt Gingrich sur la chaîne Fox Business. "Il faut qu'il fasse la transition et devienne un potentiel président des Etats-Unis, ce qui est un niveau beaucoup plus difficile."
Maintes fois, la trêve fragile entre Donald Trump et son parti a failli s'effondrer depuis sa victoire aux primaires, en mai. Elle a toutefois plus ou moins tenu, malgré les dissensions qui ont marqué la convention d'investiture à Cleveland, il y a deux semaines.
Et les électeurs ? Clinton espère bien les convaincre
Dans son discours d'investiture prononcé le 28 juillet à Philadelphie, Hillary Clinton a promis d'être "la présidente des démocrates, des républicains, des indépendants". La candidate démocrate tente activement d'attirer des personnalités républicaines dans son giron, afin d'attirer les électeurs du Grand Old Party. Ainsi, à la convention démocrate, des républicains ont pris la parole, ainsi que Michael Bloomberg, ancien républicain devenu indépendant à la mairie de New York.
Mais la mission est difficile, relève The Washington Post le 29 juillet. En croisant plusieurs sondages menés tout au long de l'année, le quotidien montre qu'il y a "un peu plus de mouvement du côté des républicains qui envisagent de voter Clinton, mais, dans l'absolu, cela ne suffit pas à faire la différence".
"Il est très rare qu'un électeur passe du soutien à un candidat X au soutien du candidat Y, poursuit le quotidien. A la place, ils restent indécis. Et un électeur qui ne veut pas voter pour Trump aide Clinton, même sans voter pour elle."
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