Porte-manteau, punching-ball et victime du syndrome de Stockholm : le problème d'image de Melania Trump
Discrète et secrète, Melania Trump ne joue pas le jeu des médias et des internautes, qui attendent d'elle qu'elle occupe avec passion son nouveau rôle de First lady. Contraints d'interpréter ses attitudes et ses rares paroles, ils construisent la légende d'une Première dame soumise et artificielle. Une image sans doute éloignée de la réalité.
Avant l'investiture de son mari, Melania Trump s'imaginait un destin "classique", façon "Betty Ford ou Jackie Kennedy." Ex-top model reconvertie dans le bijou et les cosmétiques, autoproclamée "maman à plein temps", la Slovène naturalisée Américaine en 2006 occupe, depuis vendredi 20 janvier, le rôle abstrait de Première dame des Etats-Unis. Mais à l'issue de son premier jour, immortalisé par les caméras du monde entier, l'ancienne mannequin a laissé comme une impression de malaise : malaise lors de la passation de pouvoir avec le couple Obama, malaise pendant la cérémonie d'investiture, malaise pendant le bal, etc...
En sélectionnant les images les plus ambiguës de cette fête à la gloire du nouveau président, les internautes ont tenté de comprendre ce qui se passait dans la tête de l'insondable First Lady, laquelle déclarait avant l'élection que "personne ne connaîtrait jamais" ses opinions politiques. Décrite tantôt comme une victime, prisonnière de son mari, tantôt comme une fashionista déconnectée de la réalité ou encore comme une machine à adoucir l'image de "The Donald", Melania Trump paye cher le prix de sa discrétion. Samedi 28 janvier, elle a été au cœur d'une polémique, s'affichant sur la couverture de l'édition mexicaine de Vanity Fair en croqueuse de diamants.
Une vraie fausse victime
Le slogan "Free Melania", "Libérer Melania" (et sa version numérique #FreeMelania, sur Twitter), s'est invité dans la sphère publique dès le lendemain de l'investiture, à l'occasion de la Marche des Femmes, un évènement planétaire organisé par les opposant(e)s à Donald Trump. Rebondissant sur des photos montrant la Première dame isolée (comme ici, lorsqu'elle sort de la voiture présidentielle, ou là, lorsqu'elle s'installe au côté de son mari, dans l'indifférence), les internautes ont imaginé une Melania Trump victime du syndrome de Stockholm, prisonnière d'un homme qui ne lui témoigne aucune affection. Pour corroborer cette théorie, le site MIC solicite carrément l'expertise de spécialistes du langage corporel. "Melania est un objet pour [Trump]. Je ne vois ni chaleur, ni amour véritable, ni compassion dans cette relation", explique l'une d'elles en se basant sur les images de l'investiture. "Melania déteste Donald", présume Jezebel, gifs à l'appui.
Did they actually kiss? #inauguration2017 pic.twitter.com/v5s9O12Xof
— Jezebel (@Jezebel) January 20, 2017
Cette interprétation partagée contredit le discours des Trump qui, en 2005, se présentaient comme idéalement "compatibles" l'un avec l'autre, sur le plateau de CNN. Pendant la campagne, Melania Trump n'a cessé de vanter, dans les quelques interviews qu'elle a accordées, la complicité qu'elle entretient avec son mari. Une relation dans laquelle elle est "indépendante", martèle-t-elle encore face à une journaliste de GQ. Profondément conservatrice, Melania Trump déclare que "chacun connaît son rôle." Or, le rôle qu'elle assume dans son couple est celui de maman, explique-t-elle à Parenting.com (l'un des rares entretiens dans lequel elle se confie).
C'est aussi pour Barron, son fils de 10 ans, qu'elle a décidé de ne pas emménager à la Maison Blanche, du moins pas avant la fin de l'année scolaire. Ainsi, dès dimanche soir, elle avait repris l'avion pour New York avec son fils, direction la Trump Tower, laissant Monsieur seul à Washington, devant la télévision, raconte le New York Times.
"Les gens ne me connaissent pas. Ils pensent à moi et se disent : 'Pauvre Melania ! Pauvre Melania !' N'ayez pas pitié de moi," prévenait-elle devant les caméras de CNN. Au cours de cette entrevue, elle est alors interrogée sur les propos sexistes prononcés par son mari (et sa capacité à "attraper les femmes par la chatte" sans leur consentement). De simples propos "de garçons", selon elle.
Un soutien inconditionnel qui dérange
Car si elle assure avoir indiqué à "'The Donald" que ses propos étaient "intolérables", elle défend les sorties les plus indéfendables de son mari. Ainsi, en 2011, elle avait soutenu le combat de son mari quand il défendait la thèse raciste selon laquelle Barack Obama n'était pas né sur le sol américain. Alors que le discours ambiant consiste à infantiliser une Melania Trump incapable d'émettre un quelconque jugement, "elle a contribué à construire le discours de Donald Trump", plaide Jezebel, qui clame que "Melania Trump ne mérite pas votre compassion".
Pendant la campagne, la Slovène qu'une partie des Américains attendait plus tendre sur les questions liées aux femmes et aux immigrés, a pris sans ambiguïté le parti de son mari. "Il faut changer les lois pour ces gens", disait-elle à GQ à propos des sans-papiers. "Ils ne peuvent pas s'inviter ici et rester. J'ai de la compassion (...) mais il faut respecter les lois." Sur la proposition d'interdiction d'entrer sur le territoire appliquée aux seuls musulmans, elle défendait "une mesure temporaire et qui ne les concerne pas tous. Il faut pouvoir faire des vérifications." Ces prises de positions conservatrices en ont fait une cible pour les anti-Trump.
Avant #FreeMelania, la First lady a ainsi connu #RapeMelania, un mot-dièse appelant au viol de l'épouse de Donald Trump. Un autre discours, moins répréhensible mais également sexiste, a consisté à faire passer l'ex-top model pour une imbécile. Attrapée en flagrant délit de plagiat d'un discours de Michelle Obama lors de la convention républicaine, en juillet, Melania Trump a fait l'objet d'innombrables mèmes sur "sa supposée bêtise", explique L'Express. Quand bien même elle parle cinq langues, son accent fait l'objet de moqueries. Interviewée par Variety, la comédienne américaine Chelsea Handler, militante anti-Trump, a ainsi déclaré, sur le ton de la blague, qu'elle ne recevrait jamais Melania Trump dans son émission : "Pour discuter de quoi ? Elle parle à peine anglais." Une blague facile mais récurrente pour Handler, dont les tweets anti-Melania ont attiré l'attention des avocats de la Première dame, rapporte Cosmopolitan.
Là encore, Melania Trump illustre un paradoxe. Mariée à un incontrôlable twitto, la First lady envisage de faire sien le combat contre le harcèlement en ligne. Le choix de cette thématique a évidemment provoqué l'incrédulité et (encore) les moqueries. Pourtant, là encore, il se pourrait que ce soit son fils, et non son mari, qui ait motivé ce nouvel engagement. Dès le début de la campagne, des vidéos sont apparues pour étayer une thèse (réfutée) selon laquelle Barron est atteint d'autisme, poussant la Première dame à saisir la justice, rappelle le Chicago Monitor.
Le salut par la mode ?
Peu emballée par la décision de son mari de briguer la présidence, Melania Trump entend bien sûr protéger sa vie privée et, plus encore, celle de son jeune fils. Mais quelle vie dans l'espace public pour une First lady qui refuse catégoriquement d'aborder la politique et sa vie privée ? Reste le champ de la vie professionnelle et de la passion, ce qui, chez Melania Trump, constitue en une seule et même chose : la mode. Si Hillary Clinton a tenté, par le biais de l'uniforme du tailleur-pantalon, d'empêcher la presse de discourir sur son look au détriment de ses idées, Melania Trump cherche très exactement l'inverse. Priorité à l'apparence. Sans surprise, les médias ont décrypté le message politique derrière la tenue que la Première dame portait le jour de l'investiture. Verdict : un sans-faute, écrit le New York Times. En France, une brève dépêche souligne même que le créateur de sa tenue de bal est un Français, Hervé Pierre.
Car depuis l'investiture, deux personnes seulement ont apporté un éclairage sur les premières heures de Melania Trump en tant que First lady : le couturier de Melania et sa maquilleuse. "Avec sa robe de bal, elle a donné un aperçu de ses quatre prochaines années de Première dame : droit au but, peut-être avec détail étudié", confie même Hervé Pierre.
Elle refuse pour l'instant de s'installer à Washington et laissera la East Wing, le bureau de la Première dame à la Maison Blanche, à Ivanka, sa belle-fille. Mais c'est au travers de la mode qu'elle compte y poser sa marque, explique le New York magazine. Elle envisage en effet d'y faire installer une "glam-room" – pour les gens normaux qui se préparent dans la chambre ou la salle de bains, une "glam room" est la rencontre entre un dressing et un institut de beauté.
Ancienne étudiante en design et architecture à Ljubljana, en Slovénie, elle devrait aussi prendre en main la décoration de sa future (et provisoire) maison, comme Jackie Kennedy en son temps. Interrogé par GQ au printemps, un ami slovène la comparaît déjà à l'icône Jackie : "Les gens disent qu'elle est intelligente et qu'elle est bien éduquée, comme Jackie Kennedy, mais... Elle est brillante dans les domaines qui l'intéressent, comme la joaillerie. Elle n'est pas idiote, elle n'est pas une bimbo, mais elle n'est pas particulièrement intelligente", confiait-il.
Refusant de marcher dans les pas de la médiatique et engagée Michelle Obama, elle a fait le choix de consacrer ses quatre années de First lady à des activités qu'elle aime et maîtrise : élever son fils et soigner son apparence. Un rôle de Première dame qui peut décevoir certains, mais qui a le mérite d'être celui qu'elle s'est choisi.
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