Etats-Unis : Donald Trump peut-il reporter l’élection présidentielle ?
Le président américain a évoqué pour la première fois la possibilité de reporter le scrutin, prévue en novembre, en raison de l'épidémie de coronavirus.
Plusieurs caps ont été franchis aux Etats-Unis en cette dernière semaine de juillet : un premier sanitaire, mercredi, avec plus de 150 000 morts recensées du Covid-19, un deuxième économique avec l'entrée du pays en récession, et un dernier politique, avec l'évocation par Donald Trump d'un éventuel report de l'élection présidentielle. "Avec le vote par correspondance (...), 2020 sera l'élection la plus inexacte et la plus frauduleuse de l'histoire. Ce sera une véritable honte pour les Etats-Unis. Reporter l'élection jusqu'à ce que les gens puissent voter normalement, en toute sécurité ???" a-t-il tweeté, pointant les risques présumés de fraude liés, selon lui, à l'épidémie de Covid-19.
With Universal Mail-In Voting (not Absentee Voting, which is good), 2020 will be the most INACCURATE & FRAUDULENT Election in history. It will be a great embarrassment to the USA. Delay the Election until people can properly, securely and safely vote???
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) July 30, 2020
La question, ou plutôt la suggestion, est mal passée tant côté démocrate que républicain, à un peu plus de trois mois du rendez-vous électoral du 3 novembre. Quelques heures seulement après avoir évoqué, jeudi, cet éventuel report, le président américain a d'ailleurs fait marche arrière, déclarant ne pas le souhaiter mais être préoccupé par les problèmes que pourrait engendrer le vote par correspondance de millions d'électeurs. Il faut dire qu'un report de l'élection ne serait pas si simple. Explications.
Seul le Congrès peut prendre une telle décision...
Qu'il le veuille ou non, Donald Trump a-t-il le droit de reporter ce scrutin ? La réponse est non. Puisqu'avec ou sans état d'urgence sanitaire, leur programmation ne relève pas de son ressort, mais bien du Congrès américain.
L'article II de la Constitution donne en effet à l'institution, composée du Sénat et de la Chambre des représentants, le pouvoir de fixer la date de l'élection présidentielle. Depuis 1845, cette date est fixée tous les quatre ans au premier mardi suivant le premier lundi de novembre. Le mardi 3 novembre donc cette année. Une date qui n'a pas bougé, "même au milieu de guerres et des pandémies", note Reuters (en anglais). Ni la guerre de sécession ni la Seconde guerre mondiale n'a entraîné un report du scrutin.
... et il ne sera pas d'accord
Autre raison, politique celle-là : les désaccords fréquents entre le Sénat, à majorité républicaine, et la Chambre des représentants, tenue par les démocrates, rendent très peu probable l'approbation d'un tel schéma. D'autant plus que les démocrates sont opposés à un report et que des élus républicains les ont rejoints sur ce point : "Nous ne déplacerons pas la date de l’élection, l’opposition des républicains à cette idée est écrasante. Nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher la fraude électorale (...) mais nous ne retarderons pas l'élection", a tranché Liz Cheney, membre républicaine de la Chambre des représentants sur Twitter. "Les dirigeants républicains au Congrès qui prétendent souvent ne pas avoir vu les déclarations et les tweets excentriques de M. Trump et qui le défient rarement en public, ont rapidement et vigoureusement condamné toute idée de déplacement des élections", rapporte le New York Times (en anglais).
Le calendrier est très contraint
Même en tenant compte du contexte sanitaire critique actuel et de la faisabilité technique d'un report, un accord du Congrès dans ce sens reste très peu probable, souligne la BBC (en anglais), qui invoque aussi une raison technique : un report trop important ouvrirait la voie à un complexe imbroglio juridique. Car les mandats du président et du vice-président américain durent quatre ans et prennent fin le 20 janvier, à midi, selon le 20ème amendement de la Constitution.
Si l'élection présidentielle était reportée après cette date, il faudrait un autre amendement, approuvé à la majorité des deux chambres du Congrès et ratifié par au moins 38 États fédéraux, pour modifier cette date. Un report plus minime imposerait également au Congrès de reporter d'autres échéances fixées par des lois fédérales, comme la réunion du Collège électoral le 14 décembre et la réunion du Congrès du 6 janvier.
Le vote par correspondance a déjà été utlisé (et sans soucis)
Les élections devraient donc se dérouler le 3 novembre dans un contexte exceptionnel assorti de mesures qui le seront tout autant. Cinquante États ont déjà mis en place des politiques pour protéger au mieux leurs électeurs, dénombre l'institut Brennan Center for Justice de la New York University Law School.
Parmi elles : l'envoi de bulletins de vote à tous les électeurs inscrits sur leur territoire et la possibilité pour ces derniers de les poster ou de les retourner en personne dans divers bureaux de vote. La pratique, qui diverge sensiblement selon les territoires, a été mise en place dans plusieurs états, dont la Californie, le Colorado et l'Utha.
Une démarche qui n'est pas nouvelle souligne Vox (en anglais) : "L'Oregon a été le premier État à adopter cette pratique en 2000", et "n'a documenté que 12 cas de fraude" depuis lors. Le média américain note également qu'en "2018, Kirstjen Nielsen, alors secrétaire à la sécurité intérieure (nommée par Donald Trump) s'est adressée aux responsables des élections du Colorado et a fait l'éloge du vote par correspondance comme un modèle d'élections sûres et sécurisées".
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