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États-Unis : Donald Trump "est en train de montrer que le parti" républicain "est sa chose", estime Thomas Snégaroff

Lors d'un discours à la conférence des conservateurs (CPAC) dimanche, l'ex-président américain n'a pas fermé la porte à une candidature pour la prochaine élection présidentielle, dans quatre ans.

Article rédigé par franceinfo
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Donald Trump lors de la CPAC à Orlando (Floride), le 28 février 2021. (JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Donald Trump a prononcé son premier discours depuis son départ de la Maison Blanche fin janvier, ce dimanche 28 février, à l’occasion du rassemblement annuel des conservateurs, à Orlando (Floride). L'ex-président, qui refuse toujours d’admettre sa défaite face au démocrate Joe Biden, a laissé entendre qu’il pourrait se représenter à la présidence du pays. C’est le "roi du teasing" et "le parti" républicain "est à sa main jusqu'aux midterms", analyse le spécialiste des États-Unis de franceinfo Thomas Snégaroff..

franceinfo : Donald Trump considère-t-il toujours qu'il a gagné la Maison Blanche et qu'on lui a volé la victoire ?

Thomas Snégaroff : Il y a deux informations dans la même phrase. C'est là qu'il est bon communicant : "Peut-être que je voudrais les battre une troisième fois" [a-t-il dit]. Donc, [cela signifie pour Donald Trump] qu'il les a déjà battu deux fois, y compris lors de la défaite du mois de novembre dernier. Et puis, une troisième fois, ça impliquerait effectivement une nouvelle candidature. Alors, il n'a pas osé le dire. Il ne l'a pas dit comme ça, mais c'est le roi du teasing. Il a réussi à remettre un peu de flammes dans ce brasier républicain qui n'attend que ça.

Il a posé le tout premier petit caillou en vue d'une candidature dans quatre ans ?

Oui. Alors, c'est un caillou, il en faudra beaucoup mais pour l'instant, le parti est derrière lui, très clairement. Vous avez un sondage qui montre que plus de la moitié des républicains voteraient pour lui lors d'une primaire, très largement devant Ron DeSantis, le gouverneur de la Floride très en retard. Pendant deux ans, le parti est à sa main jusqu'aux midterms, élections de mi-mandat qui, habituellement, sont mauvaises pour le parti en place parce que ceux qui ont perdu veulent prendre leur revanche. Et si d'aventure un parti tenu par Trump jusque dans deux ans gagnait les midterms, là, on ne voit pas ce qui pourrait le retenir d'aller deux ans plus tard affronter soit Joe Biden, soit un autre candidat démocrate si Biden ne se représentait.

Donald Trump dit ne pas vouloir créer un nouveau parti. Que peut-on y voir ?

Le parti républicain est devenu le parti de Donald Trump. Quel intérêt à construire un nouveau parti ? Un parti, c'est des élus, c’est une base. C'est compliqué aux États-Unis d'inventer un nouveau parti, même si plus de la majorité des Américains des deux camps considèrent qu'il faut un troisième parti. Les Américains considèrent que ce bipartisme-là ne fonctionne plus trop. Il a du mal à faire émerger des nouveaux caractères, etc. Mais là, en l'occurrence, Donald Trump n'a pas le temps de construire une nouvelle machine de guerre. Vous savez, Théodore Roosevelt, figure mythique du parti républicain, était parti du pouvoir et avait tenté de revenir avec un nouveau parti dans les années 1910, ça avait été un échec total. Ça fait très loin peut-être, mais ça dit à quel point le bipartisme fait partie de l'histoire politique américaine et qu'il est quand même très risqué de lâcher la proie : un parti qui est à sa main pour l’ombre qui serait un parti qu’il créerait de toutes pièces.

Donald Trump a fait huer plusieurs des élus républicains qui ont voté sa condamnation dans le procès en destitution qu'il a finalement gagné. Il a promis de les faire battre aux élections à mi-mandat. En a-t-il vraiment le pouvoir aujourd’hui ?

À écouter ce qui s'est passé lors des élections précédentes, la magie de Trump s’était un peu diluée notamment en novembre dernier, mais si on remonte aux élections précédentes ou aux élections partielles, c’est vrai qu’il y avait une sorte de magie de Trump. Quand il disait : "Il faut battre tel candidat", ça fonctionnait plutôt. Là, il est en train de montrer que le parti est le sien, qu’il est sa chose, qu’il peut décider qui est ou pas loyal envers lui et donc qui est selon lui soumis à une victoire électorale en raison de son soutien. Donc oui, c’est un test pour lui important de dire : "Lui, il est à huer. Lui, il est à applaudir".

Dans son discours, Donald Trump a attaqué l’administration de Joe Biden, la jugeant "anti-femmes" et "anti-science". On dirait un discours de candidat ?

Oui, un peu surprenant pour ceux qui nous écoutent. Anti-femmes, anti-science : on a l’impression qu’il parle de son propre bilan à lui. Ce qui est intéressant, c'est que cette conférence-là s’appelait "America Uncanceled" : l’Amérique qui ne sera pas abandonnée. C’est la "cancel culture" : l’idée que la droite considère que la gauche veut annuler des pans entiers de l’histoire américaine. C’est des statues qu’on va déboulonner, c’est des noms de romans qu’on va changer. Et lui se présente comme celui qui défend cette Amérique patriotique, éternelle, qui doit résister contre ce courant gauchiste incarné par les démocrates. Les républicains adorent être dans la position de la victime qui cherche à défendre la nation américaine. C'est ça, les cailloux  que Donald Trump est en train de poser. Ce sont les cailloux du patriotisme et d'une résistance à une Amérique que les autres veulent détruire.

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