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Présidence Trump: les Etats-Unis tentent d'apaiser un monde inquiet

Barack Obama a entamé son dernier voyage officiel le 15 novembre 2016. Il tente une ultime fois de rassurer ses homologues après la victoire du républicain Donald Trump à la présidentielle américaine. Rassurer, c’est devenu le sport national des politiques, des personnalités et des médias américains alors que le programme et les futurs collaborateurs du 45e président font craindre le pire.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Une supportrice de la candidate démocrate à la présidentielle Hillary Clinton réagissant aux résultats du scrutin durant la nuit électorale, le 8 novembre 2016 à New York (Etats-Unis)  (DON EMMERT/AFP)

C’est un mouvement général qui atteste de l'incertitude que fait planer l'élection de Donald Trump en matière de géopolitique. Toute l’Amérique semble s’être donné le mot pour rassurer le monde après l’élection du candidat républicain Donald Trump.

Pourtant, les futurs collaborateurs du 45e président des Etats-Unis suscitent déjà la controverse. Notamment Steve Bannon qui devrait devenir le stratège en chef du président. Proche des courants nationalistes et suprémacistes blancs, il «a été qualifié de personnalité politique "la plus dangereuse" d'Amérique par l'agence Bloomberg l'an dernier», note le JDD.

«Une transition pacifique»...
En Grèce, première étape de son ultime voyage officiel à l’étranger, Barack Obama a indiqué le 15 novembre 2016 qu’il avait été «surpris» par les résultats de l’élection présidentielle américaine. «Nous allons devoir nous prémunir contre la montée d'une sorte de nationalisme sommaire (...)», a-t-il prévenu.


Pourtant, les dirigeants politiques américains se font plutôt rassurants depuis la victoire de Donald Trump. A commencer par le camp républicain. La formation politique a assuré que l'homme d'affaires, lâché par plusieurs cadres du parti pendant sa campagne et jugé incompétent par ses adversaires, serait bien entouré.

En premier lieu par son vice-président, le très expérimenté Mike Pence. Paul Ryan, qui conserve son poste de président de la chambre basse du Congrès (speaker), devrait également être d'une aide précieuse à la nouvelle administration Trump. 

Tout comme les républicains, Barack Obama, Hillary Clinton et le secrétaire d'Etat John Kerry ont rappelé au monde que les Etats-Unis se faisaient un point d'honneur à conduire des transitions politiques pacifiques. Au lendemain de l'annonce des résultats, le président américain soulignait qu'«une transition pacifique du pouvoir est l'une des marques de fabrique de notre démocratie. Et nous allons le montrer au monde dans les mois à venir.» 


«Donald Trump sera notre président. Nous lui devons de garder l'esprit ouvert et le laisser gouverner. Notre démocratie constitutionnelle entérine le transfert pacifique du pouvoir. Nous ne respectons pas seulement ce principe, nous le chérissons», a insisté pour sa part la candidate malheureuse, Hillary Clinton, en reconnaissant sa défaite. 

Même refrain pour le secrétaire d'Etat John Kerry. «Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir et c'est ce que j'ai ordonné à nos équipes, de travailler le plus pleinement et le plus ouvertement possible avec la future administration, d'être le plus utile possible afin que la passation de pouvoir se passe le mieux possible sans que soient perdus de vue les dossiers importants pour nous», a-t-il affirmé. 

...et de la «continuité» dans la mesure du possible
Quelques heures avant d'entamer le dernier déplacement officiel de son mandat, le président américain a indiqué que son successeur «n’est pas un idéologue » mais «un pragmatique» tout en admettant qu’il avait «bien sûr» des inquiétudes. «Lui et moi divergeons sur tout un tas de sujets», a-t-il ajouté. 

Néanmoins, Barack Obama a indiqué que la politique américaine s'inscrirait dans une «immense continuité». A propos de l'accord sur le nucléaire iranien que Trump a promis de «déchirer» pendant sa campagne, rappelle l'AFP, Barack Obama a estimé qu'il «devient plus difficile de défaire quelque chose qui fonctionne (...)».

Message d'apaisement aussi à destination des Européens qui s'inquiètent des critiques formulées par Trump sur l'Alliance transaltique. «Il a exprimé un grand intérêt à maintenir une relation stratégique centrale. Et donc, l’un des messages que je pourrai délivrer à nos alliés en Europe, c’est son engagement à l‘égard de l’OTAN», a dit le chef d'Etat américain. 

L'administration Obama se fait néanmoins plus réservée sur l'accord de Paris sur le climat tout en réaffirmant son engagement à le respecter. «Bien que je ne puisse pas prédire la politique que conduira notre président élu, je peux vous dire ceci: mon expérience de la vie publique m'a appris que certains problèmes apparaissent un peu différemment quand on est en campagne et quand on entre effectivement en fonction», a déclaré John Kerry à Marrakech, où se tient la COP22


Une déclaration rassurante d'autant que Donald Trump s'est offert les services du très redouté climato-sceptique, Myron Ebell. Il pourrait prendre la tête de l'agence américaine pour la protection de l'environnement (EPA). 

«Ne pas paniquer», le nouveau leitmotiv
La presse américaine, qui a fait son autocritique depuis l'élection de Donald Trump pour n'avoir pas donné la pleine mesure du phénomène, participe elle aussi indirectement à cette dynamique d'apaisement. 

Ainsi, dans un tribune publiée dans la revue américaine Newsweek intitulée Ne paniquez pas à propos de la présidence Trump! Le réel pouvoir politique aux Etats-Unis est ailleurs, une ancienne responsable des républicains vivant à l'étranger tente de démontrer que c'est le Congrès américain qui tient, entre autres, les cordons de la bourse.

Par conséquent, le fameux mur que Donald Trump veut construire à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis ne pourra pas voir le jour si son financement n'est pas validé par les députés. Cependant, le président élu a déjà reculé en la matière: le mur devrait être transformé majoritairement en clôture. 

De même, CNN s'est fait l'écho d'un des architectes de l'Obamacare. Lequel a expliqué que l'assurance santé mise en place par l'administration Obama pour les plus démunis sera difficile à détricoter. Une promesse de campagne sur laquelle Trump est également déjà revenu.

Drapeau américain projeté sur la façade de l'ambassade américaine à Londres, 8 novembre 2016 (REUTERS/Hannah McKay)

En quête d'un nouveau «leader du monde libre» 
Aux Etats-Unis, où des milliers d'Américains sont sortis dans la rue pour protester contre leur nouveau président, l'apaisement ne semble pas faire recette.

La célèbre femme de médias Oprah Winfrey, qui a exprimé son soulagement via un tweet en voyant les échanges cordiaux entre Obama et Trump lors de leur première rencontre, s’est fait tacler sur Twitter. Elle y appelait «tout le monde à reprendre son souffle».

La présentatrice américaine avait ensuite reconnu sa maladresse dans la formulation du post: elle aurait dû écrire qu'elle avait pu, elle, reprendre son souffle après le choc des résultats de l'élection.


Comme chez beaucoup d'Américains, le soulagement n'est pas encore de mise à l'étranger. La quête d'un nouveau «leader du monde libre», expression associée au président des Etats-Unis, semble déjà ouverte.

La chancelière allemande, dont Obama dit qu'elle est «(sa) plus grande alliée sur la scène internationale» est en pole position. «Je suis tenté de dire que le leader du monde libre est désormais Angela Merkel», a conclu l'historien britannique Timothy Garton Ash, professeur à Oxford, dans une tribune publiée par le Guardian.

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