Handicap : une démocratie qui ne craint pas les fauteuils roulants
Cela fait tout juste trois lettres et cela change tout. ADA, autrement dit Americans with Disabilities Act, n’est autre que la loi en faveur des Américains handicapés. Participer aux mondes des affaires, des arts ou de la politique est possible depuis 1990, car officiellement, l’ADA garantit «l’égalité des chances et d’accès» pour les personnes handicapées physiques ou mentales.
ACCESSIBILITÉ, nous voici donc au cœur même de notre sujet. De fait, cette disposition légale a rencontré un puissant écho, puisqu’aux Etats-Unis près d’un Américain sur cinq est atteint par un handicap. Pensez un peu, grâce à l’ADA, officiellement, «un employeur ne peut exercer aucune discrimination à l’encontre d’une personne reconnue handicapée. De même, la loi oblige les administrations locales et des Etats à assurer une égalité d’accès à tous les services et programmes, comme les transports publics.» Elle assure aussi «l'égale jouissance des biens, des services et des installations des lieux publics comme les restaurants, hôtels et théâtres». Précisément, tout ce que la France a différé dans son plan Handicap 2015.
Certes, dans la réalité, il peut en aller tout autrement. Mais, hors de tout cliché, le pragmatisme économique américain a forcé les patrons à constater que l’intégration de travailleurs handicapés ne signifiait pas forcément une baisse des résultats de leur entreprise. Bien au contraire, la qualité des services rendus, l’innovation souvent indispensable pour une bonne intégration de ces salariés a eu des effets profondément bénéfiques au sens premier du terme. La présence visible, active, participative des personnes handicapées dans la société américaine est donc bien une réalité de la société américaine, et cela y compris au plus haut niveau, parmi les responsables politiques.
Le cas de Franklin Delano Roosevelt
Tout le monde connaît la photo de Franklin Delano Roosevelt à la conférence de Yalta en février 1945. Le président américain apparaît affaibli. Certes, il n’est pas assis sur une chaise roulante, son fauteuil est bien le même que celui de Staline ou Churchill, mais le monde entier sait que cet homme est handicapé. En août 1921, Franklin Delano Roosevelt avait fait une chute dans des eaux glacées en Nouvelle Angleterre. A l’époque, les médecins diagnostiquent une poliomyélite (une récente étude a démontré qu’il n’était en fait pas atteint par la poliomyélite mais par le syndrome de Guillain-Barré, une maladie neuromusculaire parmi les plus fréquentes). Le futur président pense immédiatement pouvoir surmonter la maladie. Pendant presque 7 ans, il forcera son corps à rester en station debout... parfois des heures par jour. Ce sera sa traversée du désert. En public, il essayait de marcher avec une canne. En privé, il est en fauteuil roulant.
Au début des années 1930, il retrouve le courage de reprendre ses engagements politiques. Il franchira toutes les étapes du militantisme au Parti démocrate jusqu’à remporter la présidentielle américaine de 1932.
Président pendant la Seconde guerre mondiale, Franklin Delano Roosevelt aura une réponse symbolique, relevée par les historiens, à l’issue d’un diner avec la femme du président chinois Tchang Kaï-chek. Alors qu’elle lui dit en se levant pour le quitter : «Pas besoin de me raccompagner», le président lui répond : «Ma chère enfant, même si je le voulais, ce serait impossible!»
«Il n’est pas étonnant que les Etats-Unis soient en avance sur la France en matière d’intégration d’élus en fauteuil roulant», affirme le politologue français Pascal Perrineau. «De part leur histoire, les Etats-Unis sont très attentifs à la représentativité politique de leurs minorités : ethniques, raciales…» Le Redistricting et le Voting Rights Act ont eu des conséquences sur la représentativité des minorités. La preuve : les élus noirs passent de 104 en 1964 à 8.936 en 1999. Et Pascal Perrineau d’ajouter : «La culture républicaine et laïque de la France, qui est basée sur l’Egalité stricte, a donné de moins bons résultats sur ce plan.»
Des acteurs politiques en chaise roulante
En 1789, la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen pose effectivement le principe de l’égalité devant la Loi. Les minorités n’ont donc pas un statut aussi particulier qu’aux Etats-Unis. Là bas, la représentativité politique des personnes en situation de handicap revêt la même importance que celle des autres groupes. C’est ainsi que parmi les 535 représentants du peuple américain, il est possible de croiser des acteurs politiques en chaise roulante. Ainsi, Tammy Duckworth. Pilote d’hélicoptère lors de la guerre d’Irak, elle a perdu ses deux jambes. L’ancienne militaire, démocrate, est entrée à la Chambre des Représentants en 2006 : elle est élue du 8e district de l’Illinois.
Quant à Gregory Wayne Abbott, il devient paraplégique en 1984 après qu’un chêne tombe sur lui. Avocat de formation et républicain, il est procureur du Texas depuis 2002. En novembre 2014, il brigue le poste de gouverneur du Texas.
Autre personnalité politique, James Langevin. Ce démocrate a 50 ans. Il est membre de la Chambre des Représentants pour le 2e district de Rhode Island depuis 2002. C’est le premier tétraplégique élu au congrès. Il a bénéficié d'un ascenseur pour pouvoir présider à la tribune en fauteuil roulant.
Enfin, sur la photo ci-dessous, on voit le président Jimmy Carter saluer le démocrate Max Cleland. L’homme est né le 24 août 1942 à Atlanta, en Géorgie. C’est un vétéran de la guerre du Vietnam. En 1968, il a 25 ans. Le militaire a les deux jambes et un bras déchiquetés par une grenade. Il est élu sénateur de Géorgie de 1996 à 2002.
Le congrès américain rassemble 535 élus, en France, ils sont en tout 925, pour combien parmi eux de personnes en situation de handicap ? C’est ce que nous avons tenté de savoir en allant à leur rencontre…
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