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Turquie : les islamistes veulent-ils que Sainte-Sophie redevienne une mosquée ?

Sainte-Sophie va-t-elle redevenir un lieu de culte ? Bülent Arinç, le vice-Premier ministre turc, a exprimé le souhait de voir l’ex-basilique, devenue mosquée, puis musée, revenir au culte musulman. Une pierre de plus du gouvernement Erdogan dans le jardin des laïcs turcs.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Sainte-Sophie vue du Bosphore, à Istanbul. (ANTOINE LORGNIER/AFP)

«La mosquée Sainte-Sophisourira bientôt de nouveau», aurait affirmé Bülent Arinç, selon les médias. Si Sainte-Sophie redevenait une mosquée, cela remettrait en cause le statut du monument décidé par Atatürk, le père de la République turque.

En 1934, Atatürk, fervent défenseur d'un état laïc, avait décidé de désaffecter le lieu du culte pour «l'offrir à l'humanité». Il avait fait décrocher les grands panneaux circulaires portant le nom d'Allah, de Mahomet et des califes : Sainte-Sophie (Ayasofia pour les Turcs) était devenu un musée. Les panneaux à la calligraphie arabe ont été remis en 1951.

Sainte-Sophie est le symbole d’Istanbul et son monument le plus visité. Sa coupole byzantine et ses minarets ottomans dominent le Bosphore. Elle avait été construite comme basilique au VIe siècle, puis était devenue une mosquée après la prise de Constantinople par les Turcs en 1453.

Signe des temps, déjà en mai 2012, des manifestants avaient réclamé que Sainte-Sophie redevienne un lieu de culte musulman. «Que Sainte-Sophie reste fermée est une insulte aux 75 millions de musulmans. Cela est emblématique de l'attitude de l'Occident envers nous», avait déclaré à la foule Salih Turhan, dirigeant de l'Association de jeunesse anatolienne, qui avait organisé le rassemblement.

Athènes réagit
Les propos du ministre turc ont même fait réagir Athènes. Le ministre grec des Affaires étrangères, Elefthérios Venizélos, a cru bon de réagir en affirmant : «Les déclarations récurrentes faites par les hauts dirigeants turcs à propos de la reconversion des églises chrétiennes byzantines blessent les sentiments religieux de millions de chrétiens.» 
 
Les attaques contre la laïcité se multiplient dans la Turquie dirigée par les islamo-conservateurs de l'AKP. La révolte de la place Taksim n'a pas mis fin aux tentatives du gouvernement de faire reculer la laïcité. Le mois dernier, la Turquie a officiellement mis fin à l'interdiction faite aux femmes de porter le foulard islamique dans les institutions publiques, sauf dans l'armée et le monde judiciaire, secteurs exclus de la nouvelle législation. Cette interdiction remontait à 1925.
 
Le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, qui défend l'adhésion de son pays à l'Union européenne, combat publiquement la consommation d'alcool, conseille les femmes sur le nombre d'enfants qu'elles devraient avoir, s'insurge contre la mixité dans les résidences universitaires.
 
Dans ces temps difficiles, les nostalgiques de Mustafa Kemal aiment à se retrouver autour de son imposant mausolée, l'Anitkabir, érigé sur une colline d'Ankara. Pour le 75e anniversaire de la mort d'Atatürk, le 10 novembre 2013, plus d'un million de personnes se sont rendues sur place, un chiffre record depuis plus de dix ans.

La coupole géante de Sainte-Sophie à Istanbul. Le monument le plus visité de la ville. (ANTOINE LORGNIER/AFP)

 


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