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Présidentielle en Turquie : cinq questions sur la réélection d'Erdogan

Le chef de l'Etat turc, Recep Tayyip Erdogan, a remporté dimanche la présidentielle. Un scrutin qui marque le basculement d'un système parlementaire vers un système présidentiel.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le 25 juin 2018 à Ankara (Turquie). (KAYHAN OZER / ANADOLU AGENCY / AFP)

"Notre nation m'a confié la responsabilité de président de la République." Le chef de l'Etat turc, Recep Tayyip Erdogan, a été réélu dès le premier tour, dimanche 24 juin, pour un nouveau mandat aux pouvoirs renforcés, venant à bout d'une opposition pourtant revigorée lors d'élections présidentielle et législatives âprement disputées.

Franceinfo fait le point sur cette victoire.

Quels sont les résultats ?

D'après l'agence de presse étatique Anadolu, Erdogan est arrivé en tête de la présidentielle avec un score de 52,5% après dépouillement de plus de 99% des urnes. Dans le volet législatif du scrutin, l'alliance dominée par son parti islamo-conservateur, l'AKP, menait avec 53,61% des voix. Son principal concurrent, le social-démocrate Muharrem Ince, arrive en deuxième position de la présidentielle avec 30,7%, et l'alliance anti-Erdogan formée par plusieurs partis d'opposition pour le volet législatif du scrutin récolte 34%, d'après les résultats partiels publiés par Anadolu.

"La victoire d'Erdogan est incontestablement le signe de sa grande popularité auprès de l'électorat turc, en particulier l'électorat conservateur dans les régions rurales d'Anatolie, et le signe de sa résilience face à une opposition unie", analyse Jana Jabbour, docteure associée au Ceri/Sciences Po et spécialiste de la Turquie.

Pourquoi ce scrutin est-il particulièrement important ?

Cette victoire assoit encore le pouvoir d'Erdogan, à la tête du pays depuis quinze ans. Ce scrutin marque en effet le passage du système parlementaire en vigueur à un régime présidentiel où le chef de l'Etat concentre la totalité du pouvoir exécutif, aux termes d'un référendum parlementaire qui s'est tenu l'an dernier.

Recep Tayyip Erdogan présente le nouveau système présidentiel auquel il va accéder comme nécessaire pour doter la Turquie d'un exécutif stable, mais ses détracteurs l'accusent de vouloir monopoliser le pouvoir avec cette réforme qui supprime notamment la fonction de Premier ministre et permet au président de gouverner par décrets. Ils accusent également le chef de l'Etat, âgé de 64 ans, de dérive autocratique, en particulier depuis la tentative de putsch de juillet 2016, suivie de purges massives qui ont touché des opposants et des journalistes et suscité l'inquiétude de l'Europe.

Quelles sont les réactions ?

Erdogan a rapidement savouré ce succès. "Le vainqueur de cette élection, c'est la démocratie, la volonté nationale. Le vainqueur de cette élection, c'est chacun des 81 millions de nos concitoyens", a clamé le président turc, tandis que ses supporters l'acclamaient. Plusieurs milliers de ses partisans se sont rassemblés dans la soirée aux abords de la résidence du président à Istanbul, chantant et brandissant des drapeaux.

Son rival, Muharrem Ince, n'a fait aucun commentaire concernant les résultats dimanche soir, convoquant une conférence de presse pour lundi à la mi-journée à Ankara. Les craintes de fraudes ont été vives pendant le vote, notamment dans le sud-est à majorité kurde. Les opposants, qui avaient mobilisé une armée d'observateurs, ont dénoncé des irrégularités, notamment dans la province de Sanliurfa.

Quel est le résultat du parti prokurde ?

Le candidat du parti prokurde HDP, Selahattin Demirtas, a été contraint de faire campagne depuis une cellule : accusé d'activités "terroristes", il est en détention préventive depuis 2016. Selon les résultats partiels, il a obtenu près de 8% des voix et son parti a franchi le seuil de 10% au niveau national, ce qui lui permet de siéger au Parlement.

Que s'est-il passé avec la sénatrice française arrêtée ?

Ils étaient venus observer les élections, à l'invitation du HDP. "Une mission d'observation de nature citoyenne" car "il y a eu des doutes lors des précédentes élections sur la sincérité du scrutin", a expliqué à franceinfo Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF. La sénatrice communiste Christine Prunaud et deux militants du PCF, Hulliya Turan et Pascal Torre, ont été brièvement arrêtés dimanche.

La délégation française a été retenue à la gendarmerie de 10h30 à 17 heures, heure de la fin des opérations de vote. "Ils nous ont dit que c'était juste pour une vérification de nos papiers, mais on se doutait que c'était notre présence pendant les élections qui les dérangeait. Ils ne nous l'ont pas dit explicitement, jamais", a raconté Christine Prunaud à franceinfo. Les trois personnes ont pu regagner leur hôtel, où elles se trouvaient toujours dimanche soir. De son côté, l'agence Anadolu a indiqué qu'une procédure judiciaire avait été lancée contre dix étrangers accusés, selon elle, d'avoir tenté de se faire passer pour des observateurs internationaux.

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