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Témoignage Rapatriement d'enfants de jihadistes : "Pendant ces quatre ans et demi, on les a laissées dépérir", dénonce l’avocate de deux orphelines

La France a rapatrié mardi matin dix femmes et 25 enfants détenus dans les camps de prisonniers jihadistes au nord-est de la Syrie. Parmi eux, Lisa et Sarah, deux sœurs orphelines auxquelles franceinfo avait consacré plusieurs reportages.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Lisa et Sarah, deux sœurs emmenées en Syrie par leur mère alors qu'elles avaient sept et neuf ans. Désormais orphelines, elles ont été abandonnées dans les camps kurdes pendant plus de quatre ans. (RADIOFRANCE)

Lisa et Sarah avaient 7 et 9 ans quand leur mère a quitté l'ouest de la France pour les emmener avec leurs deux frères en Syrie. Une enfance sous le califat, les bombes et la chute du groupe État islamique à Baghouz où elles ont perdu leur mère et leurs deux frères et où Lisa a été sérieusement blessée aux jambes et aux bras. Des blessures dont elle souffre encore aujourd'hui.

>> Si ça avait été entre nos mains, jamais on ne serait venues ici", expliquait Lisa en avril dernier à franceinfo.

Elles ont ensuite passé quatre ans seules, dans des camps kurdes, ballotées de tente en tente, deux orphelines rêvant du pays où elles ont vu le jour et où elles ont grandi en partie : la France. Nées de parents marocains,  sans demande de nationalité française formellement formulées pour elles, Paris jugeait qu'il y avait un blocage administratif et ne les rapatriait pas. 

"Un immense soulagement et en même temps, une colère" 

Désespérées, elles avaient lancé un appel en mai, comme une bouteille à la mer. Leur avocate avait saisi le tribunal administratif. Cela a fini par payer. Lisa et Sarah ont atterri mardi 4 juillet à Paris avec dix femmes de 23 à 40 ans et 23 autres enfants détenus dans les camps de prisonniers jihadistes au nord-est de la Syrie. Il s'agit de la quatrième opération de rapatriement menée depuis un an par la France. 

>> TEMOIGNAGES. "Aidez-nous à retourner dans notre pays d'enfance" : l'appel de deux sœurs orphelines détenues dans le camp de Roj en Syrie

"Après quatre ans et demi de combat, j’ai des sentiments assez contradictoires qui me traversent, confie Maître Marie Dosé. D’abord un immense soulagement et en même temps, une colère parce que, pendant ces quatre ans et demi, on les a laissées dépérir. C’est un immense gâchis. La blessure physique de Lisa aura énormément de mal à guérir alors qu’elle aurait probablement été déjà guérie si elle avait pu être prise en charge à temps. On a ajouté du traumatisme à du traumatisme. Pourquoi ?", se demande encore l’avocate.

"Ces gamines sont victimes de leurs parents et d’un pays qui n’a pas su les protéger. Je suis vraiment rassurée de les savoir en sécurité aujourd’hui mais je suis aussi infiniment triste."

Me Marie Dosé, l’avocate de Lisa et Sarah

à franceinfo

Parmi les 25 mineurs rapatriés, une adolescente de 17 ans, faisant l'objet d'un mandat de recherche, a été placée en garde à vue. Les autres sont pris en charge dans le cadre de procédure d'assistance éducative sous la responsabilité du parquet de Versailles. Ce sera le cas de Lisa et Sarah, aujourd’hui âgées de 14 et 16 ans. 

Il ne reste à ce jour en Syrie plus qu'un seul orphelin français, un garçon d'origine tchétchène qui avait été emmené, enlevé, par son père tué là-bas. L'adolescent est dans un centre de rééducation kurde. Sa mère, en France, espère toujours son retour.

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