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L’impact de la guerre et de la sécheresse sur le secteur agricole en Syrie

Avant la guerre civile, qui a suivi le soulèvement populaire de mars 2011, l’agriculture était un des piliers de l’économie syrienne. Le secteur représentait quelque 23% du PIB de la Syrie et employait 15% des actifs. Aujourd’hui, s’il est un domaine en friche, c’est bien celui-là. Une situation liée évidemment au conflit mais également à une nouvelle sécheresse.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
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Dans la région de Lattaquié, en Syrie, en septembre 2013. Ici, des hommes en armes cultivent la terre pour nourrir leurs proches. (Atilgan Agence Ozdil / Anadolu)

Dans les campagnes, la fin des années 2000 a été marquée par une sécheresse qui a appauvri des millions de Syriens et provoqué la raréfaction des produits de base. Les réformes économiques, conduites dans le même temps par le régime Assad, ont mis dans la précarité des centaines de milliers de familles rurales, qui ont fui vers les villes.
 
Déjà en 2010, la sécheresse avait mis à mal le secteur agricole, fragile s’il en est. 85% du bétail avait péri dans l’est du pays et 500.000 personnes avait quitté la région, ce qui représente la plus grande migration en interne depuis 1920.

Un déficit de pluviosité 
A partir d’images satellites, le Programme alimentaire mondial (PAM) a démontré en avril 2014 que le cumul des pluies de septembre 2013 à mi-février 2014 s’est établi à moins de la moitié de la moyenne constatée sur plusieurs années.

Les données concernant les précipitations montrent une forte dégradation de l’implantation des végétaux, en particulier dans le nord et le nord-est du pays, dans les provinces d’Alep et de Hasakah. Avant la guerre, ces deux provinces représentaient à elles seules plus de la moitié de la production de blé de la Syrie. D’une manière générale, les régions agricoles produisaient outre du blé, des pommes de terre, des betteraves à sucre et de l'orge.
 
Dans son étude, le PAM indique par ailleurs que ce phénomène de sécheresse (qui touche également le Liban) est amplifié par un défaut d’entretien des systèmes et des infrastructures d'irrigation (construits par les Soviétiques dans les années 70) en raison du conflit. La superficie cultivée avait augmenté de plus de 50% depuis 1970, principalement en raison de l'utilisation plus efficace des méthodes d'irrigation.


En janvier 2013, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a rapporté que la production de blé et d’orge avait chuté de moitié depuis mars 2011, passant de quatre millions de tonnes à moins de deux. Et dans les régions de Homs et de Damas, les récoltes de fruits, de légumes et d’huile d’olive avaient diminué de 40 à 60%.
 
Conséquence d’une production agricole divisée par deux et d’une situation où seulement 45% des agriculteurs ont pu récolter la totalité de leurs cultures en 2013 : un nouvel exode massif des populations agricoles (après celui de 2010) et une augmentation du prix des céréales. Le pain est ainsi trois fois plus cher en moyenne qu’en 2011.
 
Aujourd’hui, le PAM assiste quatre millions de personnes en Syrie sur les 6,5 millions (au moins) qui auraient besoin d'une aide alimentaire. Et pour la saison 2013-2014, l’organisation reste pessimiste. La production de blé devrait se situer entre 1,7 et 2 millions de tonnes.

Champs cultivés dans la plaine d'Alep, en Syrie, en octobre 2013. (GUYOT-ANA / ONLY WORLD / ONLY FRANCE)

La Syrie importe dorénavant du blé  
Comme l’analyse Omar S.Dahi dans Middle East Research : «Avant le soulèvement, la Syrie possédait une réserve stratégique de blé estimée à environ 3,5 millions de tonnes, soit l’équivalent d’une année de consommation. Cette céréale était stockée la plupart du temps dans des zones aujourd’hui hors de contrôle du régime de Bachar al-Assad. En 2013, le gouvernement aurait importé environ 2,4 millions de tonnes de blé.»
 
La dépendance du pays aux importations (le Mali a été sollicité pour fournir 100.000 tonnes de maïs à la Syrie en raison de la crise ukrainienne) et l’hyperinflation, avec comme toile de fond une situation macro-économique déplorable liée à la guerre, risquent d’aggraver la situation.
 
Elisabeth Byrs, la porte-parole du PAM à Genève, interrogée par l’AFP redoute en effet que «cette crise de sécheresse qui est en train d'arriver, notamment dans les gouvernorats du nord-ouest du pays  Alep, Idleb et Hama  pourrait mettre des millions de vies en péril» si elle continuait. Et de conclure : «Il n'y a plus qu'un mois de pluie, jusqu'à la mi-mai, et il va y avoir un problème assez important pour la saison agricole.»

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