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Des déserteurs de Daech : «On s’est retrouvé à tuer des civils musulmans»
Près d’une soixantaine de combattants de Daech ont déserté, révoltés par les exactions, la corruption, les rudes conditions de vie et les errements idéologiques de leur organisation. Ils pourraient se retourner contre elle.
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Ils croyaient partir en Syrie pour chasser Bachar al-Assad de Damas. Des vidéos léchées de propagande à la désillusion, en passant par l’endoctrinement... des apprentis djihadistes se réveillent brutalement une fois sur place. En arrivant en Syrie via la Turquie, ils ont perdu leurs illusions. La priorité de Daech est autre : «Personne ne parlait plus d’Assad, les musulmans tuaient des musulmans», témoigne un ancien membre de l’Etat islamique, d’origine britannique. 58 combattants de Daech auraient quitté l’organisation, outrés par l’excès de violence, les conditions rudes ou encore les errements idéologiques du groupe.
Le centre international d'étude de la radicalisation (ICSR) du King's College de Londres a étudié les histoires racontées par 58 déserteurs – 51 hommes et 7 femmes –, de 17 nationalités différentes, venus de Syrie, Turquie, d'Europe ou d'Australie, décryptant leurs motivations pour rejoindre l'EI comme celles qui les ont poussés à le quitter.
L’unité de façade se fissure. «L'existence même de ces déserteurs remet en cause l'image d'unité et de détermination que l'EI cherche à montrer», écrit l'ICSR, appelant les gouvernements à «reconnaître la valeur et la crédibilité de ces témoignages». Le centre londonien recommande aux autorités d’assurer leur sécurité et met en exergue leurs connaissances de l’organisation. Ils pourraient utiliser leur expérience pour combattre l'EI sur le terrain comme dans sa propagande.
Les raisons d'enrôlement et de désaffection
La Syrie demeure la première raison qui a poussé ces personnes à rejoindre les rangs de Daech mais aussi la première cause de leur défection. Selon les chercheurs britanniques, les déserteurs étaient révoltés par les exactions commises par le régime de Bachar al-Assad et pensaient qu’il y avait un génocide en cours contre les sunnites. Or, sur place, ils ont constaté que l’Etat islamique se montre davantage enclin à combattre les autres musulmans sunnites que le régime du président syrien.
En seconde position, les atrocités commises contre les populations. «Au moins la moitié d'entre eux se montrent indignés par l'extrême brutalité et les violences infligées aux personnes qu'ils prétendent au contraire vouloir défendre, les musulmans sunnites de Syrie et d'Irak», indique le rapport.
Histoire d'eau
Ils se voyaient dans un monde parfait et vivre une existence faite d’héroïsme et de luxe. Que découvrent-ils ? La corruption et les rudes conditions de vie dans des villes et/ou villages en ruines. «En particulier, les Occidentaux semblent trouver difficiles les coupures d'électricité et le manque de produits de base», note le rapport.
Selon le centre de recherches, ce phénomène de désertion va gagner en importance. Entre juin et août de l'année 2015, 17 combattants ont formellement été identifiés comme déserteurs. Et ce n'est qu'une petite partie de la totalité des anciens combattants de l'EI ayant fait effectivement défection car ils ont peur de se déclarer comme tels par crainte de représailles ou de poursuites pénales. «Quand vous voulez, du fond de votre cœur, dénoncer l’Etat islamique, vous devez prendre le risque de vous exprimer publiquement», assure Ebrahim, déserteur allemand.
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