Stop au "charbon du sang" en Colombie : le combat d'une militante
Les deux ONG Pax et Les Amis de la Terre dénoncent les assassinats recensés dans les mines du nord de la Colombie. Elles ne sont pas les seules. Faute de pouvoir améliorer la situation dans son pays, une jeune Colombienne est venue en Europe interpeller les énergéticiens comme EDF qui achètent le charbon en provenance de ces mines en espérant faire changer les choses.
Le combat d’une jeune militante pour venger son père
Maira Mendez Barboza a les traits creusés. Elle porte une grosse doudoune malgré la douceur printanière, comme transie par la fatigue de sa longue tournée européenne. La jeune femme de 30 ans a rencontré, en un mois, les responsables d'une dizaine d'entreprises énergétiques en Europe pour leur parler de son père.
Il conduisait des camions pour l'entreprise américaine Drummond dans le bassin minier de César au nord de la Colombie. Une nuit de février 2001, une trentaine d'hommes sont venus frapper à la porte de sa maison. Ils l'ont forcé à sortir et lui ont tiré neuf balles dans le corps sous les yeux de Maira, à peine âgé de 15 ans.
"Mon père était un responsable syndical assez actif. A ce moment-là, il était en négociation avec les patrons de l'entreprise Drummond pour suspendre le contrat avec le fournisseur des repas pour les mineurs. Il exigeait de meilleures rations alimentaires, ils l'ont assassiné, le 19 février, en fait c'était le premier d'une longue série. La même année ils ont assassiné 4 autres responsables syndicaux de la même organisation" , explique Maira.
Les entreprises minières complices de la violence
Entre 1996 et 2006, plus de 3000 personnes ont été assassinées, plus de 200 portées disparues dans cette région. En cause, la violence entre les groupes paramilitaires et la guérilla des Farc. Mais pour Maira comme pour l'ONG Pax, les entreprises minières comme Drummond et Probeco Glencore sont aussi complices de cette violence.
"On sait cela parce que des commandants des groupes paramilitaires ont témoigné. Ils ont dit qu’ils étaient payés directement par les entreprises minières" , explique Maina van der Zwan, l'un des porte-parole de Pax. Cette violence permettait aux entreprises d’étendre leurs activités en acquérant des terres à bon prix voire en expulsant directement les habitants. 55 000 personnes se sont déplacées vers les villes pendant cette période.
EDF figure parmi les clients des mines colombiennes
Maira est venue interpeller les clients de ces mines, qui vendent 70% de leur charbon à des entreprises européennes comme EDF et Engie.
Les deux énergéticiens français, même s'ils ont promis de ne pas construire de nouvelles centrales à charbon, doivent toujours alimenter leurs 46 usines existantes. Maira aimerait qu'ils fassent pression sur leur fournisseur pour changer la situation. Mais EDF affirme déjà le faire à travers sa charte Bettercoal , « meilleur charbon », lancé en 2012, et ne voit pas de problème avec les entreprises Drummond et Glencore aujourd'hui en Colombie.
Difficile aussi de faire pression alors qu'EDF est pressée d'arrêter le charbon pour le bien du climat. Petite consolation pour Maira, après sa tournée, elle a reçu l'assurance du danois Dong Energy qu'il arrêtait définitivement ses contrats avec ces deux entreprises minières.
Pas d’amélioration depuis plus de 10 ans
La Colombie tente depuis 2005 de démobiliser les paramilitaires. Une loi appelée « Justice et Paix » leur promet des peines moins lourdes voire une réinsertion, s'ils avouent leur crime mais elle prévoit aussi des compensations financières pour les familles des victimes.
Pour Maira, plus de 10 ans après le début de ce processus, la situation ne s’est pas améliorée, il y a toujours de la violence.
"La situation n'a pas beaucoup changé. Si en 2006 certains groupes paramilitaires comme l'AUC ont été démobilisés d'autres existent toujours, ils sont peut-être moins nombreux mais leurs méthodes sont les mêmes, ils continuent d'assassiner, de menacer, et les gens se font toujours déposséder de leur terres ."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.