Mort de Boris Nemtsov : l'opposition russe dénonce "un meurtre politique"
Sans pointer du doigt le Kremlin, des opposants russes voient dans l'assassinat de Boris Nemtsov, figure anti-Poutine, la conséquence d'un climat de haine entretenu par le pouvoir.
Le meurtre de Boris Nemtsov, survenu vendredi 27 février au soir, à quelques mètres du Kremlin en plein cœur de Moscou, crée une vague d'émotion et d'indignation en Russie. Alors que l'enquête démarre, les proches et les partisans de cette figure de l'opposition à Vladimir Poutine dénoncent un crime à visée politique. Dans le même temps, la communauté internationale s'indigne et demande une enquête impartiale.
"Emettre des critiques est dangereux"
L'un des compagnons de Boris Nemtsov dans l'opposition, l'ancien Premier ministre de Vladimir Poutine Mikhaïl Kassianov a estimé que cet assassinat était "le prix à payer pour le fait que Boris s'est battu pendant des années pour que la Russie devienne un pays libre et démocratique". L'ancien champion d'échec, et figure anti-Poutine, Garry Kasparov s'est dit "dévasté" sur Twitter.
Devastated to hear of the brutal murder of my long-time opposition colleague Boris Nemtsov. Shot 4 times, once for each child he leaves.
— Garry Kasparov (@Kasparov63) February 27, 2015
L'opposant Ilia Iachine, proche de Boris Nemtsov, a immédiatement affirmé à la radio Ekho Moskvy qu'il s'agissait d'un meurtre politique. "Boris Nemtsov a critiqué les officiels les plus importants du pays, dont le président Poutine. Comme on peut le constater, émettre de telles critiques est dangereux."
Selon la presse, Boris Nemtsov craignait pour sa sécurité en raison de son opposition à l'implication russe en Ukraine, objet de la manifestation de dimanche, qu'il préparait depuis des semaines. Les organisateurs envisagent désormais d'en faire une cérémonie à sa mémoire.
Poutine "responsable" mais pas coupable
D'autres figures de l'opposition ont écarté toute implication directe du Kremlin dans cet assassinat, alors que Vladimir Poutine a condamné ce meurtre, le qualifiant de "provocation". Irina Khakamada, une des figures de l'opposition qui a cofondé un parti libéral avec Boris Nemtsov, dénonce plutôt un climat d'intimidation et craint que ce meurtre ne provoque une déstabilisation dangereuse pour la Russie. "C'est une provocation qui n'est clairement pas dans l'intérêt de Poutine, c'est destiné à créer une situation instable" a-t-elle déclaré à l'agence RIA Novosti.
"Dans le climat de haine et de violence créé par Poutine à l'étranger comme en Russie, les effusions de sang sont un moyen d'exprimer sa fidélité, de montrer que vous faites partie de l'équipe", a quant à lui commenté Garry Kasparov. Mikhaïl Gorbatchev, ancien président de l'Union soviétique, a mis en garde contre les conclusions hâtives. "Certaines forces vont tenter de tirer profit de ce meurtre. Elles se demandent comment se débarrasser de Poutine", a-t-il souligné.
La communauté internationale demande une enquête "impartiale"
Le président américain Barack Obama a condamné "le meurtre brutal" de Boris Nemtsov et appelé "le gouvernement russe à rapidement mener une enquête impartiale et transparente", tandis que le secrétaire d'Etat John Kerry s'est déclaré "choqué et attristé". Le Conseil de l'Europe, par la voix de son secrétaire général Thorbjoern Jagland, s'est également déclaré choqué et l'ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé les autorités russes à enquêter sur ce meurtre de "manière impartiale".
Samedi matin, le président français François Hollande a dénoncé dans un communiqué l'"assassinat odieux" de l'opposant russe, saluant la mémoire d'un "défenseur courageux et inlassable de la démocratie".
Le président ukrainien Petro Porochenko a lui aussi réagi: "Il était un pont entre l'Ukraine et la Russie, et ce pont a été détruit par les coups de feu d'un assassin. Je pense que ce n'est pas par hasard", a-t-il écrit sur Facebook. Le parti Batkivchtchina de l'ex-Premier ministre Ioulia Timochenko a condamné "le meurtre sauvage" de l'"un des rares démocrates et hommes politiques raisonnables en Russie" qui "n'avait pas peur de critiquer le régime de Vladimir Poutine".
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