Les Chœurs de l’Armée rouge, «carte de visite» de la Russie

Fondé en 1928, une décennie après la naissance de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), le «chœur de l’armée russe Ensemble Alexandrov» est connu sous le nom de Chœurs de l'Armée rouge lors de ses tournées triomphales à l’étranger. Les Russes utilisent, eux, le nom d’«Ensemble Alexandrov», du nom de son fondateur, le général Alexandre Alexandrov.

Ce dernier, qui a composé la musique de l'hymne soviétique, l’a dirigé pendant 18 ans. Une direction ensuite confiée à son fils, Boris, resté à sa tête de 1946 à 1987. Officiellement, «l’Armée rouge n’existe plus depuis 1946, date à laquelle elle est devenue l’armée soviétique», rapporte Le Télégramme. Une armée rebaptisée «Forces armées de la Fédération de Russie» en mai 1992, à la suite de l’effondrement de l’URSS quelques mois plus tôt. Et pour simplifier le tout : l’appellation «Armée rouge» est interdite en Russie !

Il y a chœurs et chœurs…
Autre difficulté : deux ensembles se disputent le titre de «Chœurs de l’Armée rouge» : l’Ensemble Alexandrov, issu du ministère de la Défense, et l’Ensemble MVD. Ce dernier, dirigé par le général Viktor Eliseev et fondé en 1939, «est composé de policiers et de militaires du ministère de l’Intérieur», rappelle Le Télégramme. Une situation qui peut créer la confusion ! Surtout quand on sait qu’il existe aussi les Chœurs de l’Armée russe de Saint-Petersbourg. Ou encore les Chœurs de l’Armée russe d’Oleg Neklyudov, groupe d’hommes de la région militaire de Moscou…

L’Ensemble Alexandrov est composé actuellement de quelque 200 chanteurs, musiciens et danseurs, tous militaires, dont un tiers a disparu lors du crash de l'avion en mer Noire. Le répertoire des chœurs compte aujourd'hui plus de 2000 œuvres. Celles-ci vont des chansons folkloriques ou glorifiant la défunte URSS à la musique sacrée, en passant par les plus grands tubes internationaux. Des œuvres que les membres des chœurs interprètent avec des voix puissantes, accompagnées de chorégraphies acrobatiques.

L'un des rares ensembles à partir en tournée à l'étranger à l'époque soviétique, l’Ensemble Alexandrov a également donné des centaines de concerts en URSS. Il a enregistré des dizaines de disques et s’est imposé comme un participant incontournable à des fêtes publiques.

Lors de la Seconde guerre mondiale, qui a coûté quelque 20 millions de morts à l’URSS, ses musiciens ne connaissaient pas de répit. Ils avaient alors donné plus de 1500 concerts pour les soldats soviétiques dans les zones de combats et dans les hôpitaux.

«Le joyau de la Russie», pour Mireille Mathieu
L’actuel dirigeant des Chœurs de l'Armée rouge, le lieutenenant général Valéri Khalilov, figure parmi les membres de l'ensemble qui devaient célébrer le Nouvel An sur la base aérienne russe de Hmeimim en Syrie. 

Valéri Khalilov «a apporté une grande contribution à la culture contemporaine en tant que chef d'orchestre et compositeur», a déclaré une vice-Premier ministre russe, Olga Golodets, à l'agence officielle TASS, en qualifiant son départ de «perte irréparable». «C'est une injustice énorme», a estimé pour sa part le pianiste Denis Matsouïev, en déplorant la perte d'un «maestro remarquable». «L'ensemble Alexandrov, c'est une carte de visite de la culture russe», a-t-il souligné, cité par l'agence publique Ria-Novosti.


«Depuis plus d'un siècle, ces magnifiques voix sont un joyau de la Russie», a déclaré la chanteuse française Mireille Mathieu. Elle se produit régulièrement avec l’Ensemble Alexandrov. Ses musiciens l’avaient accompagnée lors de la première tournée de la chanteuse en Russie en 1967, rappelle Russia Today. Celle-ci se dit «bouleversée par cette tragédie qui endeuille le monde de la musique». 

L'Ensemble «est l'un des meilleurs du monde. Il se produisait toujours dans des zones de conflit (...). C'est une terrible tragédie», a déclaré Elena Chtcherbakova, directrice artistique du Ballet Igor Moïsseïev, à l'agence Ria-Novosti.

Les Chœurs de l'Armée Rouge ont ainsi chanté devant des soldats en Afghanistan, en Yougoslavie ou encore en Tchétchénie. «Ils se rendaient en Syrie avec une très bonne mission, une mission de paix», a affirmé le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev. «Il est impossible d'accepter cette perte», a-t-il ajouté.