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Alcools de substitution : "C'est un véritable fléau en Russie"

À Irkoutsk, en Sibérie orientale, au moins 71 personnes sont décédées après avoir bu des huiles de bain parfumées. Caroline Larson, correspondante de franceinfo en Russie, explique que ces drames sont de plus en plus fréquents dans un pays en pleine crise économique.

Article rédigé par franceinfo
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L'inflation en Russie a poussé les plus pauvres a consommé des produits de substitution moins chers, mais plus toxiques. (OLGA MALTSEVA / AFP)

À la recherche d'ébriété à bas coût, des habitants de Irkoutsk en Sibérie orientale ont bu des huiles de bain parfumées toxiques. Jeudi 22 décembre, un bilan provisoire faisait état de 71 morts sur 117 intoxications recensées. Caroline Larson, correspondante de franceinfo en Russie, souligne que les incidents liés aux substituts d'alcool sont fréquents dans le pays, en raison des difficultés rencontrées par les populations les plus pauvres à se procurer des alcools classiques.

franceinfo : Peut-on s'attendre à d'autres décès liés à la consommation de ces huiles ?

Caroline Larson : Oui, ce triste bilan risque d’être rapidement revu à la hausse. C’est en tout cas ce que prévoit le procureur de la région, Stanislav Zoubovski, pour qui ce nombre va augmenter à coup sûr. Les huiles de bain que les victimes se sont procurées sont des huiles parfumées à l’aubépine. Elles étaient vendues à 40 roubles la bouteille de 250 ml, c’est à dire environ 60 centimes d’euros. Un prix qui a malheureusement convaincu des dizaines de consommateurs en recherche d’ébriété à petit prix. La Russie subit toujours de plein fouet une crise économique et ce sont logiquement les plus pauvres qui en souffrent. La Russie compte 20 millions de pauvres.

Comment réagissent les autorités ? Vont-elles prévoir des mesures ?

Pour l’heure, le maire d'Irkoutsk, cette ville de 600 000 habitants, a décrété l'état d'urgence. Il a promis de "trouver et de châtier les responsables", selon le site internet de la municipalité. Le Kremlin a également réagi, en parlant de "tragédie effrayante" et en précisant que le président Vladimir Poutine a été informé de l'affaire. Le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev, parle d’"une honte absolue"

Une enquête est bien sûr en cours. Deux personnes, identifiées comme les propriétaires d’un atelier où le produit toxique était fabriqué, ont été arrêtées par la police, tout comme cinq autres personnes accusées d’avoir vendu le produit. Les autorités ont immédiatement lancé une campagne d'information pour prévenir la population des dangers du produit. Des centaines de litres ont déjà été confisqués.

Est ce que les consommateurs de cette huile savaient qu’il existait un risque d’empoisonnement ?

Tout à fait, les autorités le reconnaissent. L'huile indique clairement sur l'étiquette être impropre à la consommation. Elle contient du méthanol, qui est une substance toxique utilisée comme antigel. Malgré cela, le méthanol reste parfois consommé comme de l'alcool en Russie, en raison de son faible prix. C’est dire la détresse sociale et économique de toute une tranche pauvre de la population russe, qui prend le risque de s’intoxiquer pour pouvoir s’enivrer, à défaut de pouvoir s’acheter de l’alcool classique. 

Ce fléau a pris de l’importance depuis quelques années. Zn 2015, les autorités se disaient inquiètes de l’explosion des ventes des alcools frelatés au marché noir. Ce à quoi Vladimir Poutine avait répondu en gelant le prix de la vodka, au moment où l’inflation a commencé à faire s’envoler les prix des produits de consommation courante en Russie.

On parle de substituts d’alcool, mais les autres drogues sont-elles aussi concernées ?

Oui, le phénomène touche aussi certaines drogues. Par exemple le cannabis : fin 2014, on a vu circuler un cannabis de synthèse appelé "spice", officiellement vendu comme un encens. Cette drogue avait provoqué des dizaines de morts et des centaines d'hospitalisations en Russie. Même chose avec l’héroïne, à laquelle s’était substitué un temps le "krokodil": cette drogue avait pour effet immédiat de ronger irrémédiablement la peau de ses utilisateurs. À l'époque, on avait présenté le phénomène comme la conséquence d’une lutte anti-drogue efficace, qui avait fait augmenter le prix de l’héroïne, très prisée par les plus pauvres en Russie.

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