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Syrie. Une ONG dénonce le "recours à des enfants" par l'opposition syrienne

Human Rights Watch demande aux rebelles syriens de mettre fin à l'utilisation de mineurs à des fins militaires.

Article rédigé par franceinfo
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Un enfant portant une veste militaire à un chekpoint de l'Armée syrienne libre au nord d'Alep (Syrie), le 26 octobre 2012. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

SYRIE - On savait que les mineurs n'étaient pas épargnés dans le conflit sanglant qui agite la Syrie. On apprend maintenant qu'ils y sont même parfois engagés. Certains rebelles syriens se servent d’enfants "en tant que combattants et à d'autres fins militaires", a déclaré l'ONG Human Rights Watch jeudi 29 novembre.

"Tous les regards sont désormais braqués sur l'opposition syrienne, qui doit prouver que ses membres protègent les enfants des balles et des bombes, au lieu de les mettre en danger", a déclaré Priyanka Motaparthy, chercheuse au sein de la division Droits de l'enfant à Human Rights Watch. L'organisation humanitaire a recueilli les témoignages de cinq garçons âgés de 14 à 16 ans qui ont collaboré avec des groupes d'opposition armés, dans les villes de Homs et de Deraa, ainsi que dans la région d’Idleb, près de la frontière turque. Voici ce qui ressort de leurs récits.

Armés de kalachnikovs à 16 ans

"J'avais une kalachnikov… J'ouvrais le feu aux postes de contrôle", raconte Majid, 16 ans, originaire de Homs. Après s'être porté volontaire pour se battre contre le régime syrien aux côtés de son frère aîné et d'autres membres de sa famille, il a été entraîné au combat : "Ils nous ont appris à tirer, à démonter une arme et à la remonter, à viser une cible", explique-t-il à Human Rights Watch. "Les tâches qui te sont attribuées dépendent de toi, précise-t-il, si tu es courageux, ils t'envoient combattre aux postes de contrôle." Il  a pour sa part occupé un poste de combat pendant plusieurs mois, avant que ses commandants l'en écartent à cause de son trop jeune âge. 

Haitham et Qassin, deux jeunes du même âge de la province de Deraa, racontent eux aussi avoir reçu des armes de l'Armée syrienne libre (ASL) mais ne pas avoir été formés. "Nous avions des kalachnikovs, mais trente balles seulement. J'effectuais des missions de reconnaissance [et] je montais la garde du village la nuit. Lorsque quelqu'un arrivait, on informait les autres… [Mais] nous n'allions pas en mission, car nous étions trop jeunes", explique Qassin. 

"Même dans le cas où les enfants se portent volontaires pour combattre, il en va de la responsabilité des commandants de les protéger en refusant leur adhésion", estime Priyanka Motaparthy, de Human Rights Watch.

Utilisés pour le transport d'armes

"Nous aidions l'ASL en lui apportant des approvisionnements de Turquie, des armes. Nous apportions des balles et des Russiyets [kalachnikovs]. Tous les enfants les aidaient de cette manière. Nous étions 10 au total, entre 14 et 18 ans. Je connais les soldats de l'ASL, ce sont eux qui m'ont demandé de les aider comme ça. C'est ce que j'ai fait pendant quatre ou cinq mois", explique Raed, 14 ans, originaire de Khirbet al-Jawz, près de la frontière turque.

Un autre adolescent, Karim, 15 ans, originaire de Homs, relate à Human Rights Watch avoir assuré des missions de guet : "Je grimpais aux arbres, dit-il, de cette cachette, je voyais tout ce qui se passait au sol. C'est comme ça qu'on aidait l'ASL."

Selon l'ONG, le Centre de documentation des violations commises en Syrie, un organisme de surveillance créé par des membres de l'opposition, a rapporté le décès d'au moins dix-sept enfants qui ont combattu avec l'ASL. "Beaucoup d'autres ont été gravement blessés tandis que d'autres encore resteront invalides à vie", affirme l'association. 

Un crime de guerre

Les faits relatés dans ces récits bafouent les droits de l'enfant. La Cour pénale internationale, dans le Statut de Rome (PDF), considère que les forces ou les groupes armés qui enrôlent des enfants de moins de 15 ans ou qui s'en servent pour "les faire participer activement à des hostilités" se livrent à un crime de guerre. De plus, le protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, auquel la Syrie a adhéré en 2003, affirme que "les groupes armés qui sont distincts des forces armées d'un Etat ne devraient en aucune circonstance enrôler ni utiliser dans les hostilités des personnes âgées de moins de 18 ans".

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