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Syrie : Barack Obama, l'éternel hésitant

Le président américain veut à la fois négocier et maintenir la pression sur Damas. Ces tergiversations, dont il est coutumier, le mettent en difficulté.

Article rédigé par Pauline Hofmann
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le président américain, Barack Obama, lors du sommet du G20 à Saint-Pétersbourg (Russie) le 6 septembre 2013. (JEWEL SAMAD / AFP)

François Hollande attend Barack Obama. Barack Obama, lui, demande au Congrès de repousser son vote sur le recours à la force. Avec la proposition russe de placer les armes chimiques syriennes sous contrôle international, les incertitudes du président américain sautent aux yeux. Il veut négocier avec les Russes et les Syriens, mais persiste dans une certaine fermeté et n'écarte pas tout à fait une intervention en Syrie. Après l'attaque à l'arme chimique du 21 août et ses menaces de frappes, le président américain est en effet revenu, sur le dossier syrien, avec son indécrottable tendance à l'hésitation.

"Barack Obama est un président à la Jimmy Carter, plutôt faible en matière de politique étrangère, qui n'aime pas prendre ses responsabilités", analyse pour francetv info Laurence Nardon, responsable du programme Etats-Unis de l'Institut français des relations internationales. "Il est resté sur la réserve et a attendu le dernier moment. Ce qui caractérise la présidence de Barack Obama, c’est le pragmatisme", souligne quant à elle Frédérick Douzet, professeure à l'Institut français de géopolitique, interrogée par francetv info. En 2012 déjà, Le Monde revenait sur ce trait de caractère, qui a déclenché critiques et déceptions. "Dans ce contexte de polarisation, Obama déconcerte aussi bien la gauche que la droite, de part et d'autre de l'Atlantique", écrivait le quotidien.

Il se dédouane de la responsabilité d'une nouvelle guerre

Si les républicains américains lui reprochent régulièrement son attitude, dans son camp, elle sème également le trouble. Soutien du président américain et chroniqueur sur CNN (vidéo en anglais), Van Jones remet en question la position du chef de l'Etat sur la Syrie. Selon lui, son flottement lui porte préjudice. Il n'est "pas assez pacifique pour les pacifistes, et pas assez belliqueux pour les bellicistes". Selon Van Jones, sa position devrait être plus tranchée et Obama devrait affirmer : "J'aimerais avoir une coalition internationale, l'adhésion de l'ONU, des Américains et du Congrès, mais je le ferai sans eux." 

Un geste fort qu'Obama n'a pas voulu faire, tant la crise syrienne est complexe et tant l'opinion américaine craint un Irak bis, comme l'explique Le Monde. Pour se dédouaner de la responsabilité d'une nouvelle guerre, le président a donc surpris tout le monde en appelant le Congrès à voter. Pourtant, rien ne l'y oblige. Mais il reporte ainsi son indécision sur des élus qui remettent en jeu leur poste en novembre 2014. Pour Laurence Nardon, "il a signé un affaiblissement de la fonction présidentielle avec cette décision. C’est un coup porté au leadership américain par le président lui-même". 

Des relations internationales remodelées

Ce n'est pas la première fois que Barack Obama prend son temps pour réfléchir à des questions de politique internationale. En décembre 2009, il s'interroge sur l'envoi de nouvelles troupes en Afghanistan, relève Le Figaro à l'époque. Sur l'Egypte, il louvoie entre soutien aux Frères musulmans et rupture avec le président Mohamed Morsi, explique encore le quotidien. Lors de l'intervention en Libye, il a "hésité, mais y est allé", rappelle à francetv info André Kaspi, historien des Etats-Unis. "Il est toujours délicat de dire qu'une personnalité influe sur le cours de l'histoire, mais dans le cas de Barack Obama, il est clair que ses décisions vont laisser des traces dans le monde arabe", tranche Laurence Nardon. En revanche, sur l'opération qui a mené à la mort de Ben Laden, le président américain n'a pas flanché.

D'après André Kaspi, jamais l'hésitation de Barack Obama ne l'a placé dans une situation aussi délicate. "La nature des relations internationales change sous nos yeux", ajoute Laurence Nardon. Les Etats-Unis ont unilatéralement dominé le monde après la Guerre froide. A partir du 11-Septembre, la situation a changé, avec la montée des pays émergents, mais Washington a gardé un rôle prépondérant. Aujourd'hui et pour la première fois, leurs réflexions les font apparaître faibles et indécis sur la scène internationale, soulignent The Daily Caller et le Washington Post (articles en anglais)

"Trop tard pour des frappes en Syrie"

Dans un article du Washington Post (en anglais), le chef de cabinet de Barack Obama précise que la position des Etats-Unis "sera suivie de très près à Damas, mais aussi à Téhéran et par le Hezbollah libanais." "Au moment où Damas a franchi la 'ligne rouge' de l'utilisation d'armes chimiques, Obama a hésité sur la réaction appropriée, analyse Laurence Nardon. Cela envoie un message de faiblesse à l'Iran, qui pourrait se sentir pousser des ailes pour développer son programme nucléaire."

D'après CNN, le républicain John McCain, pourtant acquis à une intervention armée selon Libération, s'est fendu d'une critique lapidaire : "Le président a 'foiré' la gestion de la crise syrienne." "Maintenant, il est sûrement trop tard pour que les frappes en Syrie soient efficaces. Bachar Al-Assad a eu le temps de se préparer", conclut André Kaspi.

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