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Qui sont les victimes de la répression en Syrie ?

Plus de 5 000 personnes ont été tuées dans le pays depuis le début du mouvement de contestation, en mars, selon l'ONU. Les reportages des journalistes présents sur place permettent de comprendre qui sont les personnes visées par les forces fidèles au régime.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des manifestants opposés au régime du président syrien Bachar Al-Assad défilent avec les portraits de personnes mortes dans les violences, à Maaret Harma, dans la province d'Idlib (Syrie), le 9 septembre 2011. La photo a été prise par un journaliste, avec son téléphone portable. (AP / SIPA)

La liste macabre ne cesse de s'allonger. Onze personnes ont été tuées mardi 13 décembre dans la province d'Idlib, en Syrie, où la répression a fait "plus de 5 000 morts", depuis mars, début du mouvement de contestation du régime du président syrien Bachar Al-Assad. La haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Navi Pillay, a annoncé ce nouveau bilan lundi 12 décembre. Le précédent, rendu public dix jours auparavant, faisait état de 4 000 morts.

Les Nations unies sont parvenues à recueillir ces données grâce à son personnel. Mais dans les faits, il est difficile de savoir qui sont les hommes, les femmes et même les enfants derrière ces chiffres. Aucun visa n'est délivré aux journalistes qui souhaitent effectuer de longs séjours en Syrie. Toutefois, certains ont pu se rendre sur place clandestinement pendant une dizaine de jours. Leurs reportages permettent de mieux comprendre qui sont les victimes de l'armée syrienne.

• Des manifestants

"Au loin, il y a de plus en plus de tirs, mais les manifestants ne fuient pas. A quelques rues de là, plusieurs d'entre eux jettent des briques et des pavés. En réponse, les forces de sécurité tirent des coups de feu", raconte mercredi 17 août Anthony Shadid, correspondant au Liban, pays voisin de la Syrie, dans le New York Times.

Anthony Shadid ajoute que le lendemain, deux hommes sont retrouvés morts. L'un d'eux se prénomme Ahmad al-Fakhoury. " 'Il a reçu une balle dans la tête, la nuit', murmure un employé de la Croix-Rouge à un volontaire", indique le journaliste du quotidien new-yorkais, qui a passé quatre jours à Homs, au nord de Damas, la capitale syrienne.

Dès le début des violences, certains Syriens ont fui pour éviter d'être touchés par une balle. Ils se sont notamment réfugiés à Kherbet Al-Jouz, à la frontière turque. Arwa Damon, journaliste de la chaîne américaine CNN, a recueilli leurs histoires dans un article publié le 14 juin.

• Des personnes blessées et hospitalisées

Martine Laroche-Joubert et Christophe Kenck, journalistes à France 2, affirment aussi, dans un reportage diffusé à leur retour de Homs, mardi 29 novembre, que les manifestants blessés ne sont pas conduits dans les hôpitaux. Ils pourraient être retrouvés et tués par les Chabbiha, les milices loyalistes à Bachar Al-Assad.

"Les soldats syriens entrent dans les hôpitaux pleins à craquer et cherchent des personnes blessées dans les affrontements [avec les forces de sécurité]. [Ils] tuent ensuite les victimes", selon un médecin interrogé par Sue Lloyd Roberts, journaliste de la BBC qui a pu parvenir elle aussi à Homs, mi-octobre. "Vous risquez d'être torturé si vous aidez des personnes blessées par l'armée", ajoute-t-il dans le reportage audio.

• Des adolescents et des enfants

"Amad Saad al-Din était l'un de ceux qui sont tombés jeudi dernier. Agé de tout juste 13 ans, le garçon se trouvait à proximité des manifestants quand les militaires ont ouvert le feu. Sa famille, très pauvre, est encore terrorisée", raconte Edith Bouvier dans Le Figaro, mardi 13 décembre. La journaliste s'est rendue pendant quelques jours à Idlib, à la fois ville et province située dans le nord-ouest de la Syrie. Hassan, un autre Syrien, âgé de 17 ans, a été blessé par balle en voulant récupérer le corps de l'ado, ajoute Edith Bouvier.

Des adolescents du même âge sont aussi torturés, selon Manon Loizeau. Journaliste indépendante, elle est entrée clandestinement en Syrie pour l'agence Capa et le magazine "Envoyé Spécial" de France 2.  Son reportage, diffusé jeudi 1er décembre, contient le témoignage d'un jeune Syrien : "J'ai 13 ans. (...) Ils m'ont frappé, ils m'ont bandé les yeux. Ils m'ont enfermé dans le coffre d'une voiture. (...). Ils m'ont jeté dans une cellule qui sentait mauvais. Ils m'ont arraché les ongles."

Parfois, les victimes sont encore plus jeunes, comme le rapporte Stuart Ramsay sur News.sky.com, le site internet de la chaîne de télévision britannique. Le journaliste dit avoir vu une petite fille blessée qui "ne doit pas avoir plus de 10 ans" dans un hôpital de Homs. "Ses cris sont parvenus à faire taire toute une salle où se trouvaient des hommes pourtant habitués à voir les séquelles causées par les affrontements."

• De simples passants

A Homs, "des dizaines de snipers sont aussi postés sur les toits, et des commandos de tueurs, à la solde du pouvoir, passent dans les rues et tirent au hasard sur les passants", relate François Clauss, sur Europe 1.fr, mardi 13 décembre. "Même quand on va acheter notre pain, ils nous tirent dessus", rapporte un opposant au régime de Bachar Al-Assad dans le reportage du journaliste radio.

Les journalistes de France 2 ont fait le même constat. Ils ont pu filmer un homme tué par balles. "Ce jeune homme était parti acheter du pain pour le petit-déjeuner. Des tireurs embusqués lui ont tiré dessus", leur avait confié un témoin.

Vie quotidienne à Homs (Syrie) ( Martine Laroche-Joubert et Christophe Kenck - France 2)


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