Cet article date de plus d'onze ans.

Intervention en Syrie : que cherchent les Occidentaux ?

Alors que l'action militaire de Washington et ses alliés ne fait presque plus de doute, francetv info se penche sur les raisons qui les poussent à une telle option. 

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des chars israéliens sont postés à la frontière syrienne, sur le plateau du Golan, le 28 août 2013. (MENAHEM KAHANA / AFP)

Ce n'est qu'une question de jours. Washington, Londres et Paris, aidés notamment de la Turquie, s'apprêtent à répondre à l'attaque chimique survenue la semaine passée en Syrie. Les ambassadeurs des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU se sont réunis, mercredi 28 août, pour examiner un projet britannique de résolution concernant l'usage présumé d'armes chimiques par le régime syrien. 

Alors que Washington écarte une "action unilatérale", l'hypothèse de frappes ciblées fait son chemin parmi les alliés occidentaux. Car il s'agit maintenant de "punir" le régime de Bachar Al-Assad, selon les mots de François Hollande. 

L'impasse de la "ligne rouge"

"L'objectif de cette intervention se bornera à une forme de dissuasion", explique à francetv info Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences-Po et professeur à l’ESG Management school*. "D'une part, pour tenter de convaincre Assad de ne pas recommencer à faire usage de gaz toxiques, interdits par la communauté internationale. D'autre part, pour dissuader d'autres dictateurs de faire de même."

Surtout, Barack Obama se retrouve acculé. En définissant, un an auparavant, l'usage d'armes chimiques comme "ligne rouge" à ne pas franchir, le président américain s'est enfermé dans un piège. "Il avait dit qu'il ne tolèrerait pas l'utilisation de gaz toxiques. Maintenant, cette 'ligne rouge' est outrepassée. Il est obligé de faire quelque chose", analyse pour francetv info François Géré, directeur de l'Institut français d'analyse stratégique. 

Une question de crédibilité

Rester sans agir entamerait en effet la crédibilité des Etats-Unis sur la scène internationale. "Pas seulement pour la crise syrienne, mais également pour des événéments futurs", ajoute Frédéric Encel. "Ce n'est pas un problème militaire, il s'agit surtout de préserver le statut des Etats-Unis", renchérit François Géré. "Ils veulent montrer qu'ils continuent à diriger et à avoir le leadership. Ce faisant, ils s'opposent à la Russie et, dans une moindre mesure, à la Chine."

Les Etats-Unis et leurs alliés ne pouvaient pas non plus rester inactifs face à "l'ignominie" de l'attaque, comme l'a qualifiée François Hollande. Les images "qui ont secoué l'opinion" ont aussi décidé les pays occidentaux à sauter le pas, estime Frédéric Encel. Le Premier ministre britannique, David Cameron, l'a bien dit, invoquant des raisons humanitaires à leur projet d'intervention. Pour y répondre, les pays volontaires se dirigent vers une "punition", ciblée et courte. "Les Etats-Unis vont lancer 150 à 200 missiles de croisière. C'est énorme. Ce sera un bombardement dévastateur qui va écraser un certain nombre de sites militaires syriens", pronostique François Géré. 

Et après ?

Pourtant, l'action envisagée par Washington, Londres et Paris "ne va pas anéantir l'armée syrienne", mais tout juste "modifier le rapport de forces sur le terrain". De quoi soulever de nombreuses interrogations concernant "l'après". Le risque d'embrasement régional semble inéluctable et la proximité entre certains opposants et les islamistes radicaux ne présage rien de bon. "C'est une opération risquée et un coup de dés par rapport à l'avenir", confirme François Géré, qui s'inquiète du flou régnant autour de l'intervention.

"Soit on s'engage et on déclare de vrais buts de guerre ; soit on est dans la confusion et on laisse aller les choses. C'est ce qui va se passer, assure-t-il. Ce à quoi on va assister, c'est un premier pas dans l'escalade. Assad, les Russes, les Iraniens et le Hezbollah libanais ne vont pas regarder en attendant la suite. Ils vont réagir. Les Russes vont envoyer du matériel anti-aérien, ce qui va inquiéter les Israéliens qui ne veulent pas voir arriver ce type de matériel en Syrie." Les Occidentaux auront alors bien du mal à se défaire de cet engrenage.

 

*Frédéric Encel est aussi l'auteur de De Quelques Idées reçues sur le monde contemporain, paru aux éditions Autrement.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.