"Tant qu’il y a des corps nous devons continuer ce travail" : en Syrie, Raqqa compte encore ses morts deux ans après sa libération
L’ancienne capitale de l’organisation état islamique, occupée pendant près de quatre ans, a été le théâtre de la sauvagerie du groupe jihadiste : exécutions massives, décapitations, otages brûlés vifs dans des cages sur la place publique.
Au milieu d’un champ brumeux, une vingtaine d’hommes exhument des victimes de l’État islamique. L'équipe de la Défense civile de Raqqa travaille sur le 34e charnier à être découvert depuis la libération de la ville syrienne. Une centaine de corps serait encore enterrée sur ce site de l'ancienne capitale de l'organisation terroriste. Aujourd’hui, 2 500 victimes sont toujours recherchées par leurs proches. Deux ans après la libération de la ville, près de 5 000 cadavres seraient encore enfouis dans la région.
Nous devons déterrer ces corps pour leur donner une sépulture digne, car ils ont été enterrés sans suivre le rite musulman.
Abou Ahmed
membre de l'équipe de Défense civile de Raqqaà franceinfo
Pour Abou Ahmed, qui auparavant était "un simple ambulancier", ce travail est avant tout un devoir moral. Désormais, avec son masque chirurgical sur le visage, il "exhume des corps et c'est le travail le plus dur qui soit". Il explique que "l'odeur de la mort, psychologiquement, c'est dur" : "La nuit, j’ai peur. Je fais beaucoup de cauchemars. Nous travaillons avec la mort … Elle nous tue à petit feu."
Peu de volontaires
"Aucun médecin ne veut faire ce travail. Il faut bien que quelqu’un le fasse !", rapporte le docteur Mahmoud Hassan. Âgé de 61 ans, il devrait être à la retraite, mais celui qui est l'un des deux seuls médecins légistes de Raqqa estime que sa "mission est essentielle pour que la vie reprenne" dans la ville. "Il faut nettoyer la ville de ses morts. Il y en a partout !", explique-t-il.
L'équipe de la Défense civile de Raqqa retrouve des corps "sous les bâtiments détruits, enterrés dans des jardins, cachés dans des maisons". Parfois, "des gens nous appellent parce qu’ils sentent une drôle d’odeur et on découvre de nouvelles dépouilles", rapporte le médecin légiste. "Tant qu’il y aura des corps nous devons continuer ce travail. Si j’avais été un martyr, j’aurais aimé qu’on fasse la même chose pour moi. Donc, pour moi, c’est un honneur de remplir cette mission", conclut Mahmoud Hassan.
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