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Afghanistan : la résolution de l'ONU est un "premier pas positif" mais a des "limites", selon le géopolitologue Pascal Boniface

Selon le fondateur et directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques "l'évacuation du dernier avion américain sera très délicate et ce sera un test pour les talibans".

Article rédigé par franceinfo
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Évacuation d'Afghans à l'aéroport Hamid Karzai à Kaboul, le 25 août 2021. (DONALD R. ALLEN / US AIR FORCE)

Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté le lundi 30 août une résolution appelant les talibans à garantir les départs d'Afghanistan. Cette résolution est un "premier pas positif" estime sur franceinfo le géopolitologue, fondateur et directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques Pascal Boniface. Mais il souligne également ses "limites" car "on ne va pas envoyer une force militaire pour les obliger à respecter" leurs engagements.

franceinfo : Que pensez-vous de cette résolution adoptée par l'ONU ?

Pascal Boniface : C'est un premier pas positif. Le fait que la Russie et la Chine se soient abstenues et n'aient pas voté contre est aussi un pas positif. En même temps, il faut regarder les limites de cette résolution. On grave dans le marbre les engagements des talibans mais si ceux-ci ne les respectent pas, que va-t-il se passer ? On ne va pas envoyer une force militaire pour les obliger à les respecter.

Donc, on est à la fois dans la communication et en même temps dans l'établissement d'un rapport de force. Il n'y avait aucune chance qu'une zone de sécurité soit établie. Les talibans la refusent et personne ne va les obliger à l'accepter, mais au moins il y a un cadre qui est fixé et on peut dire que l'ONU a voulu prendre les talibans aux mots. À eux de montrer qu'ils respectent leurs engagements, qu'ils respectent leur parole. Cette résolution n'a pas de pouvoir exécutif mais le fait qu'il y ait eu un accord sur cette résolution est quand même au moins un signal envoyé aux talibans.

Pourquoi cette résolution ne mentionne pas la création d'une zone protégée, demandée notamment par Emmanuel Macron ?

Parce qu'elle était irréalisable. Les talibans sont très soucieux de leur souveraineté et le fait d'établir une zone internationale aurait été admettre qu'ils ne sont pas capables de mettre en œuvre la sécurité dans Kaboul ou autour de Kaboul, donc c'était un désaveu de leur propre part. On voit mal comment les talibans, qui viennent de chasser les forces militaires de l'Otan, auraient accepté une force internationale, même si elle avait les couleurs de l'ONU.

Faut-il négocier avec les talibans ?

On est bien obligés, ce sont eux qui sont au pouvoir. On a négocié avec eux pour permettre l'exfiltration de nos compatriotes, des Occidentaux, différents Afghans qui ont aidé les Occidentaux. On négocie avec eux depuis longtemps. Les Américains négocient avec eux depuis deux ans.

Bien sûr, on peut dire qu'ils sont totalitaires et répressifs, mais on a des rapports diplomatiques avec d'autres pays qui sont répressifs, et la diplomatie sert justement à négocier avec ceux qui ne sont pas comme nous. L'inverse nous placerait dans une impasse. On a négocié avec Staline et Mao dans le passé, donc on peut négocier avec les talibans si c'est notre intérêt de le faire.

Les Etats-Unis alertent sur une menace élevée d'attentat alors que les troupes américaines se retirent définitivement d'Afghanistan demain, le 31 août. Les talibans vont-ils être en mesure d'éviter des attentats ?

L'évacuation du dernier avion américain sera très délicate et ce sera un test pour les talibans. Est-ce qu'ils peuvent permettre au dernier avion américain qui ne sera plus protégé par des Américains au sol de partir sain et sauf ? C'est leur responsabilité.

Il faut voir que maintenant les talibans sont sous la menace de l'Etat islamique (EI) en Afghanistan et que l'Etat islamique va tenter de faire des attentats parce que pour eux talibans et Occidentaux, c'est à peu près pareil, il les déteste autant les uns que les autres. L'EI va, jusqu'au dernier moment, vouloir faire des attentats, même après le départ des derniers Américains.

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