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"Si je ne me bats pas pour ce pays, autant mourir" : au Liban, une "journée de la colère" face à l'effondrement du pays

Malgré le confinement partiel encore en vigueur face au Covid-19, des manifestants ont protesté lundi dans tout le pays pour dénoncer la détérioration de la situation économique et l'incurie de la classe politique.

Article rédigé par Aurélien Colly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un homme portant un masque représentant le drapeau libanais sur un barrage routier mis en place par des manifestants à Beyrouth, au Liban, le 8 mars 2021. (ANWAR AMRO / AFP)

"Tout est devenu hors de prix." Ali, la trentaine, est exaspéré. Il manifeste auprès d'un petit groupe de Libanais sur un barrage de pneus et de poubelles en feu qui coupe une autoroute de Beyrouth. Comme ici, des dizaines d'axes routiers ont été coupées par des protestataires, mobilisés pour une "journée de la colère", partout dans le pays et dans les grandes villes, lundi 8 mars, jusque tard dans la soirée. "Une bouteille d'huile, c'est cinq ou six fois plus cher qu'avant. Tout le monde souffre", lâche-t-il, exaspéré.

"Ils", ce sont les chefs des partis communautaires du Liban qui se renvoient la responsabilité de la crise et du blocage politique, qui divisent et polarisent aussi alors que le pays s'enfonce et que les Libanais sont à bout. "Ils aiment le confessionnalisme. Ces politiques vivent dedans et ils en vivent. Ils créent la discorde entre communautés, exploitent la détresse au lieu de sauver le pays. Il faut que l'on soit unis", estime encore Ali, avant de jeter un pneu sur le brasier.

"Les prix sont insoutenables, ils ont affamé les gens."

Ali, un manifestant

à franceinfo

La mobilisation n'a pas été aussi massive qu'au début de la crise économique, en octobre 2019. Pourtant, il y a quelques jours, la livre libanaise a franchi la barre symbolique et historique des 10 000 livres pour un dollar. En moins de deux ans, elle a donc perdu 85% de sa valeur. Un Libanais sur deux est passé sous le seuil de pauvreté. Malgré ça, le pays n'a toujours pas de gouvernement depuis cet été.

"Ma dignité, c'est de rester au Liban"

Dans le centre-ville de la capitale libanaise, nous retrouvons Yara sur un autre barrage. Toujours le même ras-le-bol. "On n'en veut plus, de cette classe politique corrompue qui nous fait mendier pour une brique de lait !", déplore Yara, faisant allusion à une vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux libanais pendant le week-end. On y voit une bagarre générale pour du lait de bébé qu'un supermarché tente de rationner pour éviter la pénurie.

"Aujourd'hui, j'ai 25 ans, je ne peux plus payer la fac, je n'ai pas de couverture sociale et je n'ai pas d'État pour me protéger."

Yara, une manifestante

à franceinfo

Yara promet de ne plus quitter la rue désormais. Et pas question non plus de quitter le pays, comme des dizaines de milliers de Libanais l'ont déjà fait ces derniers mois. "Ma nationalité est libanaise et ma dignité, c'est de rester au Liban. Si je ne me bats pas pour ce pays, autant mourir. Et s'il n'y a personne pour le sauver, il va sombrer dans la guerre, comme avant", prédit la jeune femme.

La "journée de la colère" au Liban - Reportage à Beyrouth d'Aurélien Colly

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